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3 OU EN EST LA SIMULATION ?

3.2 SITUATION DE LA SIMULATION HOSPITALIERE

3.2.2 Quelles tendances dans la simulation ?

En toute logique, une revue des différents modèles de simulation produits sur le domaine hospitalier devrait permettre d’observer autant d’hôpitaux que de services (urgences, obstétrique, etc.) modélisés. Dans un premier temps, il est constaté avec un certain étonnement que cela n’est pas le cas. Une grande majorité des articles publiés se concentre sur un ou plusieurs services comme le met en évidence [FONE 03], mais encore [LENT 12] qui, avec ses 89 papiers étudiés, en rencontre 68 dédiés à un service et donc 21 à de multiples services. Cependant, ces derniers ne portent que très rarement sur plus de deux services à la fois. Il y a donc un fort manque à ce niveau comme le note [JUN 99].

Pour [GUNAL 10], la conclusion est identique. En effet, pour celui-ci, la plupart des études ne se concentrent que sur un unique service et sont donc spécifiques à un hôpital empêchant dès lors une réutilisabilité par d’autres structures.

Mais pourquoi une telle constatation ?

Il paraît clair que la simulation est elle-même en partie responsable de ce manque de modélisation de par ses contraintes inhérentes (voir Chapitre 2), mais elle n’est pas seule responsable. Deux pistes sont avancées pour expliquer ce manque :

0 100 200 300 400 500 600 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 [Lent 12]

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 La complexité des hôpitaux : de par le nombre d’intervenants et des diverses entités en présence, un modèle de simulation complet d’une telle structure est très difficile à concevoir et demande un temps de développement et des besoins financiers conséquents. De plus, un modèle ne peut être qu’une vue simplifiée de la réalité, et contrairement au sens propre de ce terme, il est compliqué d’obtenir la bonne simplification sans omettre des éléments importants [FONE 03]. Il sera donc préférable de se concentrer sur certaines portions de l’hôpital ;

 L’autre explication avancée par [JUN 99] est due à la collecte des données nécessaires à la création d’un tel modèle, récolte se heurtant souvent à la dissémination à travers tout l’hôpital des informations requises et à la manière dont celles-ci sont stockées.

Au final, obtenir un modèle représentant avec exactitude un hôpital n’est qu’utopie du fait de la difficulté qu’un tel développement rencontrerait mais aussi du fait qu’un modèle est et restera toujours une simplification de la réalité [PIDD 09].

Parmi les quelques exemples qui existent et qui se rapprochent le plus d’une modélisation hospitalière dans sa globalité, reportons nous aux travaux de [BRAILSFORD 04] et [COCHRAN 06].  [BRAILSFORD 04]

Parmi les quelques applications existantes de simulation basée sur les systèmes dynamiques, les auteurs se sont portés ici sur la gestion des patients dans la ville de Nottingham. Prenant en compte autant les patients à caractère urgent (issus des urgences, arrivant par ambulance, ou provenant d’autres structures) que les patients venant sur demande d’un médecin généraliste, la grande particularité de ce modèle est de prendre en considération plusieurs structures hospitalières à la fois et par conséquent plusieurs services. Une dizaine de services divers sont donc gérés comme il est possible de le voir ci-dessous sur la vue conceptuelle du réseau « urgences » de la ville de Nottingham.

96 Chapitre 3 : Où en est la simulation ?

Le modèle de simulation développé pour traiter ce problème se composait donc d’un modèle global se basant sur des sous-modèles pour fonctionner. Chacun d’entre eux se basait sur un ensemble de paramètres (âge patient, nombre de patients, jour de la semaine, etc.) pour faire évoluer sa situation et fournissait des données sur les flux y transitant, la situation des stocks, etc.  [COCHRAN 06]

Se servant de la simulation à évènements discrets, le modèle ici développé avait pour objectif d’équilibrer l’utilisation des 400 lits d‘un hôpital, afin d’éviter la mobilisation inutile de cette ressource précieuse. Dans le but de résoudre cette problématique, les auteurs ont choisi de coupler à la DES une gestion des files d’attentes permettant de compléter l’équilibrage fait.

Ce modèle se concentre donc uniquement sur le taux d’occupation des lits, contrairement au précédent plus large, mais gère l’entièreté des lits d’un seul et unique hôpital en tenant compte des spécificités de chaque service.

3.2.2.2 Des thèmes et services privilégiés ?

En observant les nombreuses contributions, de nombreux auteurs ont constaté que certains services et domaines des hôpitaux se retrouvaient plus souvent étudiés et modélisés que d’autres. Cette constatation est en partie dû au fait que les publications sont majoritairement consacrées à un service ou à un problème en particulier, ce qui est notamment le cas de ceux avec les plus grandes contraintes (exemple les urgences). De plus ces travaux sont souvent menés ou initiés à la demande du service subissant ces problèmes, axant dès lors le travail sur celui-ci et mettant donc de côté l’aspect transversal de l’hôpital.

Parmi les auteurs passant en revue la situation de la simulation dans le monde hospitalier, plusieurs d’entre eux catégorisent les différentes publications.

 [FONE 03]

Dans cet article, les auteurs identifient cinq grandes catégories pour classifier les papiers :  Organisation et planification ;

 Infection et propagation/dissémination ;  Evaluation des performances économiques;  Observation, contrôle des performances ;  Divers.

Parmi celles-ci, il ressort qu’il y a une prédominance des travaux sur les problèmes de planification et d’organisation (51.6%), et sur l’observation et le contrôle des activités (24.2%).

Du côté des services, les auteurs ne mettent pas évidence un service particulier, mais reconnaissent que la problématique de la gestion des arrivées reste l’une des plus traitées et que la plupart des modèles sont en lien avec les blocs opératoires et, les urgences.

 [BRAILSFORD 09] & [BRAILSFORD 11]

Pour ces deux articles, les auteurs ont trié les contributions suivant neuf catégories. Les premiers résultats sont issus des données du « Research Into Global Healthcare Tool » (noté RIGHT) et le second compare ceux de l’ « Operational Research Applied to Healthcare Services » (noté ORAHS) à ceux du RIGHT :

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 Finance, stratégie, régulation et gouvernance ;  Santé publique, offre de soins ;

 Patient (comportement, caractéristiques) ;

 Planification, utilisation des ressources, du système ;  Qualité, surveillance des performances et diagnostic ;  Management du risque et prévision ;

 Management du personnel et des effectifs ;  Recherche ;

 Divers.

Cette fois-ci les deux domaines prédominants sont de nouveau la planification et l’utilisation des ressources avec 21.4% dans le cadre du RIGHT et 36% pour ORAHS. Le second thème est quant à lui « Economie, stratégie et gouvernance » pour RIGHT (18.1%) alors que pour ORAHS trois thèmes sont à égalité (environ 14%) : Recherche ; Qualité, surveillance des performances et diagnostic ; Finance, stratégie, régulation et gouvernance.

 [THORWARTH 09]

Pour celui-ci, les articles étudiés peuvent être classés en cinq catégories principales, l’une d’entre elles pouvant être découpée en quatre sous-catégories. Ils ont donc obtenu :

 Hôpital :

 Unités de soins spécifiques (cardiologie, orthopédie, gériatrie, etc.) ;  Procédures chirurgicales ;

 Hôpital en général ;  Unités de soins intensifs.  Chaine logistique hospitalière ;  Urgences ;

 Prévision des besoins en soin (sur un territoire, etc.) ;  Hôpital de jour.

Ici deux sujets prédominent. Le premier est celui traitant des prévisions des besoins en soins (20%) tandis que le second concerne les procédures chirurgicales avec 18% des articles étudiés.  [GUNAL 10]

Comme ces prédécesseurs, les auteurs ont ici mis en évidence que certains services ou problématiques sont plus étudiés que d’autres. Ainsi, les sujets les plus abordés par ordre d’importance sont pour ces auteurs les urgences, le processus de soins pour les patients hospitalisés, l’hôpital de jour, les diverses unités de soins spécifiques et enfin les hôpitaux dans leur globalité.

Ils énoncent de plus qu’une nouvelle fois, les problèmes de planification en particulier pour l’hospitalisation de jour restent le sujet le plus majoritairement abordé.

En plus de ces revues sur la situation de la modélisation hospitalière, il est possible d’associer [LAGERGREN 98] qui, tout comme ces différents auteurs, a mis en évidence un certain nombre de grands axes pour classifier les modèles hospitaliers : Epidémiologie et prévention ; Conception des systèmes de santé ; Amélioration des systèmes de santé et enfin Aide à la prise de décision médicale.

98 Chapitre 3 : Où en est la simulation ?

De même, [LENT 12] indique que les articles traitent en majorité le cas des urgences (20%) suivi des blocs opératoires (17%) et enfin des consultations (15%).

Enfin, [JUN 99] a aussi identifié deux domaines hospitaliers où les travaux se font plus intenses et qui concernent la gestion des flux patients et l’allocation des ressources.

En se basant sur les grands thèmes énoncés par [LAGERGREN 98], [FONE 03] et [BRAILSFORD 09], il est possible de construire une « généalogie » rapide de ces derniers pour obtenir une synthèse des idées émises (Figure 3.4). Un certain consensus apparaît dans les grands thèmes que ces articles abordent (pouvant être retrouvé dans la plupart des revues du domaine), avec quand même une évolution de ceux-ci au fil des parutions et de l’étoffement de la littérature.

Au final, il ressort de ces différentes revues que la planification reste la problématique majeure abordée par la simulation dans le domaine hospitalier et notamment dans le cadre de la gestion des patients aux urgences et en hospitalisation de jour, là où le turnover est donc le plus présent. Ceci s’explique aussi par le fait que ces deux domaines restent assez contenus, facilement observables et ont des périodes temporelles assez courtes.

3.2.2.3 Une variété trop importante

Bien que la simulation soit un puissant outil pouvant répondre à des problèmes divers et variés, il n’en est pas forcément de même pour le monde hospitalier. De nombreuses lacunes apparaissent dans son utilisation.

Tout d’abord, la plupart des approches de modélisation ne portent pas assez leur attention sur la formulation, la structuration du problème, chose la plus importante pour la compréhension de celui-ci. Malgré le fait que cette étape peut être considérée en dehors du cadre pour développer un modèle de simulation, celle-ci en fait pourtant partie intégrante.

En regardant de plus près les problèmes hospitaliers et leur complexité, de nombreuses situations où le modèle de simulation n’est utilisé que pour résoudre un problème bien précis est observé. Ceci rentre quelque peu en contradiction avec l’esprit de la simulation, à savoir l’idée de prospection et de tests. Ainsi comme le note [BRAILSFORD 09], parmi le grand nombre de méthodes présentées dans la littérature, beaucoup d’entre elles sont beaucoup trop spécifiques pour être généralisées et réutilisées. De plus il note comme [JUN 99] que la simulation est majoritairement utilisée pour planifier l’allocation de ressources.

A cela se greffe le problème de récolte des données nécessaires à la simulation. Pour le monde hospitalier, les données récoltées sur le terrain ne sont pas assez fiables pour se permettre de les qualifier de fil conducteur, de base pour le modèle. Les deux raisons principales d’une telle défiance vis-à-vis de ces données sont que celles utilisées pour des prévisions à long terme sont issues d’archives. Depuis l’obtention de ces données, l’environnement hospitalier a évolué autant technologiquement, qu’économiquement ou stratégiquement. Dès lors la valeur de ces données est quasi nulle pour certaines d’entre elles. La seconde raison est humaine, la récolte de données sur le terrain étant souvent anxiogène pour les professionnels de santé et les données livrées ne sont pas toujours totalement objectives.

SITUATION DE LA SIMULATION HOSPITALIERE 99

100 Chapitre 3 : Où en est la simulation ?

D’autres problèmes soulevés par [LENT 12] sont aussi à souligner. Il met en évidence que

parmi les nombreuses études en lien avec la simulation, peu de modèles sont réellement implémentés et encore moins étudient l’impact des changements recommandés par les résultats

issus des modèles. Ainsi beaucoup trop d’articles se concentrent sur la construction du modèle de simulation et pas assez sur ce que ce modèle pourrait apporter comme amélioration à l’hôpital.

Enfin, il est impératif que les hypothèses faites sur le domaine d’étude soient indépendantes du modèle lui-même, que celles-ci puissent être suivant la volonté de l’utilisateur désactivées ou pas et qu’elles puissent être réévaluées de façon probabiliste si nécessaire. De cette manière, il est possible pour les utilisateurs de tester ces hypothèses au lieu d’en être dépendant pour la construction du modèle et la résolution du problème. [PIDD 09] illustre cette idée en affirmant que le modèle doit superviser, contrôler les données et non pas l’inverse.

Pour illustrer la difficulté d’intégration de la simulation dans le domaine hospitalier, utilisons ce workshop suivant, [MASHNET 2007] qui a mis en évidence une différence flagrante d’attente vis- à-vis des modèles entre managers du « National Health Services » (noté NHS) et les chercheurs. D’un côté les personnes « terrain » comme les managers voudront étudier des problèmes très précis sur des échelles de temps souvent courtes contrairement aux chercheurs qui viseront des généralités et cela sur plusieurs années. Il est donc évident que les modèles de simulation à produire et les résultats attendus seront différents. Un dernier point important à souligner est que les résultats des modèles de simulation sont le plus souvent indicatifs et non pas à prendre au pied de la lettre, difficulté supplémentaire à faire prendre en compte aux non-initiés.

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