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Partie 2 : La France, un bailleur à part ?

2.2 les enjeux du positionnement institutionnel

2.2.6 quel partenariat avec les bénéficiaires ?

ƒ Du mieux dans la préparation des FSP, les lettres de mission des AT, …

Comme nous l’avons signalé (cf. § 2.2.1 et 2.2.2), la qualité du dialogue entre bailleur et bénéficiaire de l’aide est une condition nécessaire au succès des actions de coopération, tout particulièrement dans de domaine de l’appui institutionnel. Les procédures d’élaboration et de mise en œuvre des FSP pays ont évolué au fil du temps dans le sens du renforcement du partenariat et du dialogue avec les bénéficiaires du dispositif, tant dans la phase préparatoire d’identification et d’élaboration des FSP, de formulation des termes de référence et des lettres de missions des AT, que dans les modalités de gestion des composantes de ces FSP.

Le cas des FSP d’intérêt général est un peu différent : du fait de leur nature même, les bénéficiaires sont moins directement identifiés et la dynamique de partenariat est plus difficile à mettre en œuvre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les Rapports de Présentation de ce type de FSP ne prévoient pas de pont spécifique sur la démarche de partenariat au cours de la préparation du projet, comme c’est aujourd’hui le cas pour les FSP pays.

Le partenariat s’est renforcé dans la phase de préparation des FSP pays, en donnant une plus grande place à l’échange et à la co-construction du projet et de ses composantes avec les bénéficiaires potentiels comme l’illustre par exemple l’encadré suivant. Ce renforcement du partenariat s’est sans doute fait progressivement au fil des ans de manière plus ou moins spontanée, mais il a été institutionnalisé à la fin des années 90 par l’introduction dans le formulaire du Rapport de Présentation d’une rubrique spécifique, intitulée « La démarche de partenariat au cours de la préparation du projet », et qu’il est impératif de remplir.

Encadré 13 : Deux exemples de démarche de partenariat dans l’élaboration de FSP pays

Le cas du FSP PAMIR au Burkina, en 2001

La fiche de prise en considération du projet a été élaborée à partir des divers documents de politiques de développement en vigueur et des requêtes des autorités nationales. Les orientations stratégiques identifiées ont été traduites en actions concrètes et moyens à mettre en œuvre par chacune des directions techniques concernées selon un processus participatif avec les représentants de la société civile (OPA, collectivités locales). Une commission de travail, créée à la suite d’une réunion de concertation qui s’est tenue le 19 juin 2001 sur l’initiative du Ministre des Ressources Animales assurant l’intérim du Ministre de l’Agriculture, a été chargée de synthétiser et d’arbitrer l’ensemble des propositions d’activités recueillies. Le document définitif qui constitue le rapport de préparation de projet, a été adressé au SCAC le 30 juillet 2001 par le Ministère de l’Agriculture. Ce document fruit d’une large concertation interministérielle a servi de base à l’élaboration du présent rapport de présentation au comité des projets du Fonds de Solidarité Prioritaire.

Source : Rapport de présentation du FSP PAMIR

Le cas du FSP PACI au Mali, en 2003

Dans le cadre de la rédaction de la FPC, un groupe de travail a été mis en place conjointement par le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP) et le SCAC, rassemblant des représentants des services du MAEP (Cabinet, CPS, DGRC, CARI), le SCAC, la coordination du PASAOP, des représentants de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (APCAM) et de l’Association des Organisations de Producteurs (AOPP), des personnes ressources extérieures (ONG, Bureaux d’études), et ponctuellement des représentants des bailleurs de fonds (AFD, Coopérations européenne, néerlandaise et suisse), les assistants techniques auprès du Cabinet du MAEP, de la CPS, de l’AOPP et de l’APCAM, un représentant du CIRAD. Ce groupe s’est réuni sept fois sur une période de trois mois. L’élaboration des différents axes du programme s’est faite à l’occasion de cette concertation continue, ce qui a permis de déboucher sur une proposition de projet dont les objectifs et contours sont partagés par les parties malienne et française. Les travaux ont été alimentés par des communications successives du SCAC, des services et structures bénéficiaires du PDISR sur les impacts du projet précédent, et leurs attentes quant à un futur projet, et également par le rapport d’évaluation du PDISR.

Source : Rapport de présentation du FSP PACI

Cette évolution est très positive, car l’élaboration conjointe du projet est une condition nécessaire, à défaut d’être suffisante, à sa réussite, et ce particulièrement dans le cas d’un projet d’appui institutionnel. La qualité et l’ampleur de la dimension partagée du diagnostic initial sont des éléments déterminants pour la construction de pertinence du projet et par la suite de sa cohérence et de son efficacité. La qualité du partenariat au cours de cette phase reste toutefois variable selon les FSP, la co-construction du projet avec les partenaires est plus ou moins réelle et peut se limiter à une simple consultation. Autre frein à ce renforcement du partenariat, les FSP s’inscrivent souvent dans une continuité historique de relations avec les acteurs, et reprennent de ce fait un certain nombre d’alliances anciennes, établies sur d’autres bases qui peuvent nuire à un réel renouvellement des dispositifs. La co-élaboration des lettres de mission des AT

Les partenaires nationaux sont également plus impliqués que par le passé dans la définition des postes d’assistance technique, au choix du profil de l’AT, à sa sélection et à

l’élaboration de sa lettre de mission. La qualité du dialogue à cette phase est bien appréciée des partenaires nationaux, il constitue en outre un moyen de tester l’intérêt de la structure appuyée pour l’appui proposé. Ainsi, par exemple au Niger, suite à la négociation avec les membres de la CSA de la primature, les contours du poste de l’AT ont été modifiés : la fonction initialement prévue de relation avec les bailleurs a été supprimée car les partenaires jugeaient que cette fonction était du ressort du personnel permanent de la cellule. Des propos recueillis au Burkina sont révélateurs du changement des pratiques : « l’AT répond

mieux aux besoins de l’équipe grâce à des termes de référence qui ont été co-élaborés ; maintenant, on peut refuser des CV sans qu’il y ait un chantage du type « c’est lui ou personne » ; le partenariat devient plus évident ».

Responsabilisation dans la gestion du projet

Les structures appuyées sont de plus en plus associées à la gestion des fonds qu’elles reçoivent. L’option vers un partenariat plus équilibré se généralise donc à l’ensemble de la conception et de la mise en œuvre des FSP. Cette plus forte implication permet de mieux responsabiliser les bénéficiaires de l’aide, de renforcer leur capacité de gestion financière, et d’accroître l’efficacité du projet par une meilleure prise en compte du caractère limité de la ressource. Les lignes « transfert budgétaire » des nouveaux FSP, qui transfèrent la gestion de certains fonds aux bénéficiaires après accord sur un cahier des charges de leur utilisation, sont ainsi plus développées que par le passé. Les conventions de subvention traduisent l’effacement du bailleur derrière la structure désormais seule responsable de la gestion technique et financière des activités lui incombant. La mise en place de ces conventions suppose en règle générale que la structure ait démontré sa capacité à programmer, à mettre en œuvre directement ou non et à suivre et à évaluer ses activités. Et phénomène nouveau, cette tendance touche non seulement les administrations mais également les Organisations de Producteurs, qui se voient responsabilisées dans la gestion de fonds. C’est notamment le cas du PDISR Mali (cf. encadré 14)

Encadré 14 : délégations de gestion dans le cadre du PDISR Mali

Les instruments financiers prévus par le PDISR confortent la responsabilité des maîtres d’ouvrage des composantes.

ƒ Chacune des structures concernées du Ministère est pleinement responsable du volet du programme qui s’adresse à elle. La CPS, la CARI et la DGRC disposent de pouvoirs étendus pour la mise en œuvre des activités les concernant

ƒ Plus caractéristique encore, le PRMC est bien le maître d’ouvrage de la composante « sécurité alimentaire »

ƒ Enfin, et il s’agit là d’une véritable innovation, les OP sont bien les maîtres d’ouvrage de la composante de l’appui aux OPA contrairement à une pratique qui tend à confier au département en charge de l’agriculture la responsabilité des programmes d’appui aux OP. Cette option du PDISR mérite d’être soulignée car elle a encore du mal à s’imposer dans beaucoup de projets d’appui aux OP par suite d’une confusion entre maîtrise d’ouvrage et financement.

Cette délégation de gestion est incontestablement un facteur d’efficience du projet. L’Association des Organisations Professionnelles Paysannes (AOPP) a adopté un barème pour un certain nombre de postes (transport, per diem, coût de formation) et les chiffres retenus sont dans la fourchette basse de ce qui est pratiqué habituellement par les projets. Ils ont certainement contribué à limiter certaines dérives. Le fait de responsabiliser pleinement l’AOPP quant à l’emploi des ressources de fonds souple l’a naturellement incitée à une gestion stricte. Le dispositif a eu pour effet de transformer l’argent froid du bailleur en argent chaud de l’AOPP.

Source : Rapport d’évaluation du PDISR Mali

Les acquis évoqués dans le point précédent ne sont toutefois pas généralisés. Et les structures nationales appuyées n’ont pas toujours la même perception du partenariat, que ce soit dans la définition des actions ou dans leur mise en œuvre. Ainsi, les échos et commentaires recueillis auprès des bénéficiaires potentiels font état d’une certaine réserve. Malgré les efforts déployés pour renforcer le partenariat aux différents niveaux des projets, les cadres nationaux continuent de voir les FSP comme des programmes de la France, qu’elle gère à sa guise et dont elle modifie unilatéralement les règles du jeu sans préavis19. A cet égard, le gel budgétaire de 2003-04 a eu un effet dévastateur sur la crédibilité du partenariat. Il a démontré comment des actions décidées en commun, avec des calendriers décidés en commun, et avec des moyens clairement identifiées et programmés, pouvaient être suspendues du jour au lendemain. Cette situation a été particulièrement mal perçue dans les cas où elle n’a pas fait l’objet de communication et d’explications de la part du SCAC.

« Peut mieux faire ! »

Telle est la sentence d’un responsable national à l’encontre du dispositif français de coopération. Et la question de la gestion des budgets est l’un des sujets les plus sensibles. De nombreux partenaires nationaux considèrent que leur place dans le pilotage stratégique et financier des projets reste encore assez limitée. Certaines susceptibilités sont ainsi froissées : « l’Assistant Technique me dit ce que je dois faire et je suis son exécutant, c’est

dévalorisant ; on parle d’homologue, mais ce n’est pas le cas, il faudrait pour cela que l’on soit sur un pied d’égalité au niveau des moyens » ou encore « l’AT ne rend pas de comptes, il apparaît et disparaît comme bon lui semble ». L’équilibre est donc difficile à trouver, et les

rancoeurs se cristallisent souvent sur la gestion des moyens : «on ne sait pas ce à quoi on a

droit, si on veut faire telle ou telle chose, on ne sait pas si c’est possible de le financer, on a l’impression que les règles sont assez floues, et qu’en dernier recours, ça dépend beaucoup de l’humeur de l’AT ».

Les partenaires rencontrés regrettent en général leur manque de contrôle direct sur l’usage des fonds des FSP. Ils sont en général associés aux choix dans l’allocation de ces fonds mais les procédures de décaissement, assujetties aux règles du SCAC, créent une dépendance dans leur mode de faire. Ils ne se sentent pas pleinement responsabilisés. Les comités de pilotage, un instrument encore imparfait

On peut noter toutefois une évolution positive avec la systématisation d’un recours à des Comités de Pilotage dont la composition et le fonctionnement prévisionnel font maintenant partie intégrante des Rapports de Présentation des FSP pays, ce qui n’était pas le cas il y encore 5 ans. Le Comité de Pilotage de chaque FSP est une instance visant à associer les partenaires nationaux aux orientations et aux prises de décision concernant les actions. Selon les termes des Rapports de Présentation, il arrête les éléments de politique générale du programme (stratégie, critères d’éligibilité des dossiers, thématiques, etc.) et décide du financement des actions proposées, sur avis du Comité d’Examen. Il a la responsabilité du contrôle de la bonne utilisation des fonds publics. Il se réunit au moins une fois par an. L’ordonnancement délégué n’impose en effet pas qu’il se réunisse plus souvent. Cependant, il est appelé à se réunir éventuellement plus souvent chaque fois que la situation l’exige. L’organisation et la préparation des réunions du Comité de Pilotage se font en concertation avec le SCAC.

19 cf. un commentaire tiré du Rapport d’évaluation du PDISR, page 16 : « il faut cependant noter que cette perception du montage du volet CPS à priori respectueux de l’autonomie de la structure et cherchant à éviter toute substitution n’est pas partagée par tous les cadres de la CPS. Certains considèrent qu’il reste un projet « intrusif », conçu par un bailleur à l’issue de consultations formelles et géré techniquement et financièrement directement par ce même bailleur ».

Encadré 15 : le Comité de pilotage du FSP PAMIR Burkina, de la théorie à la pratique

Présentation des modalités du Comité de Pilotage dans le Rapport de présentation

- Le Comité de Pilotage, tenu au moins une fois par an, sera l’instrument d’orientation du projet et assurera l’arbitrage quant aux éventuelles propositions de réorientation soumises par le Comité de Coordination. Prenant en compte les évolutions institutionnelles, il pourra adapter le positionnement institutionnel de l’assistance technique.

- Il comprendra les trois Secrétaires Généraux (agriculture, ressources animales, environnement et eau) en présidence tournante, les directeurs centraux et Secrétaires Permanents impliqués, le chef du SCAC, l’attaché en charge du projet au SCAC et des représentants des OPA. Le SP/CPSA assurera le secrétariat exécutif et la préparation des réunions. Compte tenu de la multiplicité et de l’imbrication importante des différentes interventions, il conviendrait d’ouvrir ce comité de pilotage aux représentants d’autres partenaires (AFD, BM, délégation de l'UE).

- Les Comités de Suivi réuniront, sur une fréquence trimestrielle, les responsables opérationnels (administration, OPA/OPE, assistance technique) impliqués dans la mise en œuvre des composantes ou volets spécifiques, pour suivre les activités, rendre compte au Comité de Pilotage et proposer toute modification jugée nécessaire. Des représentants d’autres partenaires ou d’autres programmes ou projets travaillant sur les mêmes problématiques pourront être membres de ces comités.

Perception du Comité de Pilotage par les cadres burkinabé

Le PAMIR apparaît souvent comme une agrégation d’interventions dont il n’est pas facile de saisir la cohérence d’ensemble. L’absence d’un AT coordonnateur du PAMIR a de toute évidence surpris les Burkinabé « la structure du PAMIR est assez insaisissable, il n’y a pas de chef, mais des

composantes dans tous les sens, sans articulation claire ; cela freine le renforcement des capacités »,

ou encore « On ne trouve pas dans l’administration burkinabé une personne capable de parler du

PAMIR en général ». En absence de chef de programme, plusieurs interlocuteurs soulignent la

difficulté qu’ils ont de suivre l’exécution de chaque composante « le PAMIR est lourd à gérer, avec des

comités de pilotage et de suivi qui mobilisent énormément d’intervenants ; et finalement, très peu de décisions sortent de ces comités de pilotage ». Le regroupement des actions de plusieurs FSP

antérieurs au sein du PAMIR est plutôt mal perçu : « il faudrait revenir à des projets unidimensionnels,

plus autonomes et avec des procédures de décision plus agiles ».

Source : tome annexe 3, Burkina

Néanmoins, les comités ne permettent pas de résoudre les difficultés de pilotage, de prendre des décisions, et d’accroître de façon substantielle la coordination nécessaire à la mise en œuvre de projets de plus en plus lourds (cf. encadré 15). Par ailleurs, de part leur faible fréquence (généralement annuelle) et leur coté protocolaire, les Comités de Pilotage ne garantissent pas la transmission des idées développées dans le projet auprès des décideurs qui font partie de ces comités. C’est notamment le cas du projet PAOPA au Vietnam, selon le rapport d’évaluation externe (IRAM, 2002)20. La composition du Comité de Pilotage est déterminante sur son fonctionnement, et la surreprésentation de certaines institutions par rapport à d’autres peut conduire à privilégier certaines composantes au détriment des autres : ainsi par exemple, dans le cas de Madagascar, les acteurs principaux du comité n’ayant pas pour priorité l’appui aux OP, cette composante du projet a connu un retard important dans sa mise en oeuvre (cf. tome annexe 3). A l’évidence, la mise en place d’un

20 tiré du Rapport d’évaluation du PAOPA, page 17 : « Le projet a été piloté par un Comité National d’Orientation, composé de représentants du MARD à haut niveau, le Directeur du VASI et l’Ambassade de France et se réunissant tous les six mois. Les représentants des composantes du projet sont essentiellement présents au titre d’observateurs. Les réunions de ce comité ont été un sujet de frustration pour la plupart de ses membres. L’impact attendu de ce comité sur la politique nationale n’a sans doute pas été à la hauteur des attentes initiales du bailleur. Créé au départ par le projet, le comité provincial d’orientation de la province de Bac Kan a été repris par les autorités et a permis une meilleure coordination des activités de développement de cette province. Un comité de gestion a facilité la gestion du projet. Outre le suivi des activités, les coordonnateur et co-coordinateurs ont joué un rôle important dans le développement de synergies entre les partenaires et à l’organisation de réflexions communes ».

Comité de Pilotage est une bonne chose, mais son existence ne garantit pas un réel co-pilotage avec les partenaires du projet.