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Que sont les «compétences informationnelles» à acquérir?

SECTION I - UN CONTEXTE EN MUTATION

3. La bibliothèque de demain et la compétence informationnelle

3.3 Que sont les «compétences informationnelles» à acquérir?

Les bibliothèques universitaires ont depuis longtemps proposé à leurs usagers une offre de formation basée sur le meilleur usage des locaux et des ressources documentaires mises à disposition (visites guidées, introduction au catalogue, formation à la recherche sur les bases de données). Cependant, le mouvement s'est accéléré face au développement exponentiel de l'information et à la dispersion des sources d'information. De nouveaux besoins sont apparus avec les enjeux économiques de la globalisation et l'avènement de la société de l'information dans le cadre de son sommet mondial (2003-2005). Les bibliothécaires ont pris conscience de l'évolution de la société civile et ont réalisé qu'il fallait exploiter toutes les ressources

disponibles de manière optimale. Ils ont alors intégré dans leur offre de service de nouvelles formations basées sur une démarche stratégique de recherche documentaire, d'évaluation de l'information ainsi que son utilisation efficace.

Face à la dématérialisation progressive de l'information, la mutation des bibliothèques est déjà en cours. Certes des livres resteront sur les rayons, mais la bibliothèque de demain consistera en un pôle de compétences informationnelles mis à la disposition de la communauté universitaire. Ainsi, l'UNESCO, à travers son programme intergouvernemental «Information pour tous» (PIPT), promeut l'accès universel à l'information et à la connaissance. Elle a développé un programme de soutien important pour les bibliothécaires du monde entier en ce qui concerne l'encadrement de formation des formateurs (10).

Mais, de quelle connaissance parle-t-on? Clairement identifié en anglais par le terme Information Literacy, le concept a de la peine à s'exprimer en français. Selon les pays francophones et selon les sensibilités, on est confronté aux dénominations suivantes:

«connaissance ou culture informationnelle» (Québec), «maîtrise de l'information» (France), mais aussi «alphabétisation informationnelle» et encore «compétence informationnelle». Pour notre part, nous choisissons l’expression de «compétence informationnelle» dans la mesure où nous inclurons dans notre charte la formation à la recherche d’information, mais également sa critique et sa restitution sous forme d’écrits reconnaissant explicitement les sources d’origine des idées et des écrits.

Selon la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, qui a intégré une «maîtrise de l'information» dans son offre de formation, cela inclut:

«… le savoir-faire de base lié à la recherche et au traitement de l'information. Les compétences documentaires représentent un concept très large qui s'étend de la reconnaissance et la formulation du problème à la recherche fructueuse et l'évaluation critique de l'information, ainsi qu'à son utilisation efficace en situation d'apprentissage, dans un contexte de résolution de problèmes ou de prise de décision.

Les compétences documentaires sont une clé de succès indéniable dans l'apprentissage et les études. Au vu de l'évolution incessante du domaine de l'information, la maîtrise de ces compétences est également reconnue comme un facteur déterminant au niveau de la réussite professionnelle.»

Relevons également la définition donnée, en 2000, par l'Association of College and Research Libraries (ACRL), selon les standards américains des compétences des études supérieures:

«Information literacy is a set of abilities requiring individuals to recognize when information is needed and have the ability to locate, evaluate, and use effectively the needed information.»

Par ailleurs, il est intéressant de constater que l'ACRL met en relation des normes avec des résultats, et qu'elle a servi de modèle aux bibliothèques québécoises du CREPUQ (11).

Parallèlement à ce changement de philosophie, un besoin de normes et de standards s'est manifesté. Des groupes de professionnels ont développé des référentiels de compétences à acquérir non seulement pour réussir des études universitaires, mais aussi pour pouvoir valider des acquis informationnels dans la compétitivité de la vie professionnelle, au niveau de son curriculum vitae.

Le mouvement d'officialisation sur le plan national des normes de «compétences informationnelles» a commencé en 1999 au Royaume-Uni avec SCONUL (12), s'est poursuivi aux Etats-Unis en 2000 avec l'Association of College and Research Libraries (ACRL) (13) puis s'est étendu en Australie la même année, reprise par le Conseil des bibliothécaires académiques d'Australie (CAUL). Les 7 piliers de la maîtrise informationnelle sont:

1) Savoir reconnaître un besoin en information 2) Savoir comment combler le manque d'information

3) Savoir construire des stratégies pour localiser l'information 4) Savoir localiser et accéder à l'information

5) Savoir comparer et évaluer l'information obtenue de différentes sources 6) Savoir organiser, mettre en application et communiquer l'information 7) Savoir synthétiser et créer de nouvelles connaissances

En octobre 2000, CAUL (Conseil des bibliothécaires académiques d'Australie) adoptait des standards pour maîtriser les «compétences informationnelles». Ces standards ont été repris par ANZIIL (Institut australien et néo-zélandais pour la connaissance informationnelle) en 2004.

Selon ces standards (14), la personne qui maîtrise l'information doit savoir s'adapter aux

contraintes culturelles, éthiques, économiques, légales et sociales liées à l'usage de l'information et être capable de:

1) Définir ses besoins en information et déterminer la nature en quantité et qualité 2) Trouver l'information nécessaire avec efficacité et efficience

3) Evaluer l'information avec un esprit critique et développer une stratégie de recherche 4) Gérer l'information récoltée ou générée

5) Intégrer l'information récente à son expérience pour créer et construire de nouvelles connaissances

Aujourd’hui, même si les normes de la maîtrise informationnelle ne sont pas partout explicites, nous constatons que des efforts d’organisation à cet égard sont en train de s’implanter. Partout, à travers le monde, des initiatives prennent forme et se concrétisent. La question reste posée de savoir pourquoi ces modèles n’incluent pas explicitement les risques associés à cette «compétence informationnelle». Par exemple, l’approche fonctionnaliste qui inspire le modèle britannique dans l’élaboration de ses sept piliers prévoit bien les étapes de renforcement des compétences. Ainsi, l’apprenant passe par les stades de novice, de débutant avancé, de compétent avant d’atteindre le stade de l’expertise. Cependant, un étudiant aujourd’hui habitué à aller directement chercher sur Internet des informations diverses et variées peut avoir l’impression d’être déjà un expert de la recherche d’information sans en avoir compris même les bases.

Notre proposition est donc ici de ne pas dispenser une formation à la recherche d’information sans lui adjoindre une formation très claire à la citation correcte et une mise en garde contre les dangers du plagiat (involontaire ou non).