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SECTION II - LES PROJETS ORGANISATIONNELS

5. Valeurs, normes et règles

5.4 Le projet de FormEv

Un projet complémentaire est proposé par les activités de FormEv, service de développement et d’accompagnement pédagogique rattaché au Rectorat, dont la fonction principale est de soutenir les enseignants dans leur pratique d’enseignement et de valoriser les activités d’enseignement. Ses actions s’inscrivent dans une perspective de formation et non pas de sanction et visent à renforcer le développement professionnel du corps académique pour ce qui concerne l’enseignement. Ce faisant, son approche par rapport au plagiat et à l’intégrité académique privilégie la prévention et vise avant tout à fournir aux enseignants des outils et le

soutien nécessaire pour qu’ils puissent conduire leurs enseignements et guider les apprentissages des étudiants dans le respect des principes fondamentaux de l’intégrité académique.

Depuis cette année, FormEv propose, dans le cadre de sa collaboration avec le Réseau de Conseil, Formation et Evaluation (Réseau CFE), un atelier de formation portant sur la tricherie et le plagiat. Cet atelier, ouvert à l’ensemble des enseignants des universités romandes, visera à:

– Identifier le phénomène de la fraude académique: cette étape permet de définir les termes de triche, plagiat et fraude, de lister les manifestations des manquements à l’intégrité académique, mais aussi de présenter des études ayant mesuré l’ampleur du phénomène, notamment dans des universités nord-américaines ou anglo-saxonnes.

– Déterminer des mesures préventives: en partant des raisons qui poussent les étudiants à tricher ou plagier, il est proposé aux enseignants de réfléchir à la mise en pratique de mesures pédagogiques visant à éviter ou limiter, tant que faire se peut, que les étudiants aient de tels comportements.

– Présenter les dispositions réglementaires: les participants sont renvoyés aux dispositions réglementaires en vigueur dans leurs institutions. Les procédures détaillées et accessibles d’une des institutions (EPFL) sont présentées.

La première session expérimentale de cet atelier a eu lieu en décembre 2007. Elle a réuni 17 participants, pour la moitié des enseignants ou assistants. L’accueil de ce premier atelier par les participants a été bienveillant. Ils ont particulièrement apprécié la prise de conscience du phénomène à travers la présentation des études dans le domaine, mais aussi les interactions avec leurs pairs durant l’atelier. Néanmoins, ils ont exprimé le souhait de pouvoir davantage discuter des mesures à prendre en cas de fraude, des changements qu’ils devraient apporter à la pédagogie pour faire face à la fraude et travailler davantage sur des cas pratiques et des exemples. Les participants ont par ailleurs été particulièrement surpris du faible nombre d’enseignants présents. Il ressort de ce constat qu’un effort doit être apporté quant à la diffusion des informations relatives à cet atelier et qu’il faudrait prévoir une multiplication des séances en variant les formules pour les adapter aux besoins, aux attentes et aux disponibilités des enseignants.

Ce premier atelier expérimental a rencontré un succès d’estime. Il semble important d’envisager que, suite à ce rapport, les assistants de toutes les facultés soient fortement incités à suivre cette formation. En effet, ce sont eux qui accompagnent les étudiants, et FormEv, en tant que service axé sur la prévention et non sur la répression, adopte le point de vue de reconsidérer l’enseignement de telle manière que les étudiants évitent de recourir à des comportements frauduleux, mais aussi pour permettre aux enseignants d’intégrer les nouvelles approches de l’apprentissage des étudiants.

5.5 Conclusion

Le problème du plagiat concerne autant l’acteur individuel, étudiant, enseignant et membre du corps intermédiaire ou personnel de soutien, que l’institution. L’université délivre un diplôme et donne son label, c’est-à-dire la garantie que l’étudiant a acquis certaines compétences.

Plagier est une fraude, car le monde économique ou académique qui accueillera ensuite l’étudiant fautif se fondera sur ce label pour lui offrir l’accès à un emploi ou à une formation complémentaire. Pour sa part, l’étudiant voit souvent dans son geste une simple triche dont la fréquence et l’importance lui semblent toutes relatives.

Il n’y a pas, à notre connaissance, d’établissements universitaires qui soient aujourd’hui en avance dans l’analyse et l’élaboration de réflexions et de projets concrets pour circonscrire les dérives qui nous préoccupent. Quand bien même certains ont depuis quatre ou cinq ans mis en place des procédures de contrôle et de sanction du plagiat, ils n’ont pas procédé à une évaluation de la situation dans toute sa complexité. En proposant de reconsidérer avec sérénité et courage ce que sont nos valeurs, nos normes institutionnelles, mais aussi ce que sont la mission et le métier de l’enseignant universitaire, nous espérons poser les bases d’une vraie solution qui saura s’adapter aux évolutions encore à venir.

Mais il y a, en parallèle, un travail de fond à accomplir: celui qui consiste à savoir qualifier et quantifier la faute, afin de proposer des sanctions justes et nuancées en fonction de la gravité de la faute. Sur ce dernier point, aucune définition formelle n’a encore été établie, et nos contacts avec les services juridiques d’universités de plusieurs cantons et pays étrangers montrent clairement que tous cherchent à établir ce type de «mesure de la faute», qui idéalement et en toute transparence permettrait de différencier la copie maladroite de la triche,

du plagiat et enfin de la fraude. Tous cherchent également à saisir les principes fondateurs qui leur permettraient d’évaluer l’importance de la faute en termes quantitatifs et qualitatifs; et ce n’est qu’une fois que la faute aura pu être définie qu’ils considèrent qu’il sera possible de réfléchir à la déclinaison des sanctions possibles.

Il nous semble important de souligner que cette question de la qualification des valeurs, des normes, des règles, des fautes et des sanctions concerne chaque acteur individuel de cette université, mais aussi chaque faculté et, bien sûr, le Rectorat puisqu’il s’agit in fine d’affirmer une identité et une stratégie institutionnelles.

Nous recommandons

• De rappeler nos valeurs de création et de diffusion de connaissances afin d’affirmer l’égalité des chances et le mérite individuel.

• De renforcer la croyance en la norme d’évaluation des connaissances acquises, en insistant sur un traitement d’équité, et non sur l’obéissance à une simple règle.

• De vérifier que les règles définies et qui servent de prescription sont bien en phase avec nos valeurs et nos normes actuelles, et non pas un héritage d’anciens règlements plus ou moins remodelés pour s’adapter aux pratiques.

• De constituer un pôle de recherches multidisciplinaires avec des chercheurs de différentes facultés intéressés à comprendre l’évolution des concepts de valeurs, de normes, de coutumes, d’éthique.

• De qualifier la faute et de savoir distinguer la copie de la triche, du plagiat et de la fraude afin de pouvoir évaluer avec équité la faute et de savoir la sanctionner justement.

• De susciter une communication accrue entre les enseignants de l’université à propos de leurs «best practices».

• De rendre systématiques les déclarations signées par les étudiants certifiant le caractère original des documents réalisés et attestant du respect des règles concernant les citations d’autrui.

• De produire un document didactique qui explique clairement la nature des fautes sanctionnées, les procédures et les sanctions pouvant être émises.

• De préciser dans ce document la qualification de la faute, en donnant des indications pour en évaluer la gravité selon, d’une part la quantité de matériel mis en cause et selon, d’autre part, son évaluation subjective du fait que l’étudiant-e a été ou non de «bonne foi».

• De travailler, au niveau du Rectorat, avec d’autres universités suisses et européennes en vue de l’élaboration d’un label commun garantissant l’existence de mesures de détection des fraudes, à faire approuver par le Comité de l'enseignement supérieur du Conseil de l'Europe.

Références

(1) Conférences de Michelle Bergadaà auprès d’institutions externes (textes disponibles sur demande): Les enjeux d’une éthique individuelle et sociale dans l’univers de la connaissance: la perspective de l’étudiant, Université de Lausanne (Suisse), Conseil des doyens (31 janvier 2005); La fraude sur Internet: une mutation de notre société de connaissance, Université de Montpellier (France) (9 novembre 2005); Le plagiat des universitaires sur Internet, Audencia Nantes (France), (1er décembre 2006); El plagio y el Web: un fenómeno de nuestra época que nos concierne todos, Complutense University of Madrid (Espagne) (29 novembre, 2007); Web, Ethics and Science, Middle East Research Competition, Tunis (Tunisie), (December 6-7, 2007); Retour d’expérience des établissements universitaires ayant structuré l’action, Comité des Professeurs des Universités francophones de Belgique, Mons (Belgique), (29 mai 2008).

(2) «Best practices» proposées par les professeurs et membres du corps intermédiaire de l’Université de Genève. Enquête du 24 février 2008.

(3) Le rasoir de Kant (2003), Ruwen Ogien, Paris: L’Eclat.

(4) De la triche à la fraude, Responsable.unige.ch, Université de Genève, Bergadaà M., 2004.

(5) Dermange F. et Flachon L. (2002), Ethique et droit, Collectif, Genève: Labor et Fides.

(6) Engel P. et Mulligan K. (2003), Normes éthiques et normes cognitives, version antérieure d’un article paru dans Cités, 5, Paris: PUF.

http://responsable.unige.ch/NormesEthiques.pdf

(7) Bergadaà M. (2004), Evolution de l’épistémè économique et sociale: proposition d'un cadre de morale, de déontologie, d'éthique et de responsabilité pour le marketer, Recherche et Applications en Marketing, vol. 19, n° 1.