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Quatre ans après ce drame, elle rencontre un solide maçon, Jean- Louis Brassens, né à Castelnaudary dans l'Aude, fils de Jules, maçon

Dans le document DLE BRASSENS. le livre dusouvenir (Page 24-27)

lui-même, et de Marguerite, née Josserand. En décembre 1919, Jean-

Louis Brassens épouse Elvira et prend sous sa protection la petite

Simone. Tout le monde s'installe rue de l'Hospice, dans une maison

que deux générations de maçons ont bâtie et rendue agréable. C'est

là que Georges Brassens vient au monde, dans une chambre au

premier étage. La croisée donne sur un verger où grand-père Jules,

entre des treilles de raisins, essaie de cultiver quelques roses. C'est

difficile à Sète, quand il y a trop de soleil et pas assez d'eau.

Georges Brassens entame une enfance harmonieuse et sans histoire. Elvira Brassens, catholique pratiquante, en bonne Napo- litaine, porte la religion comme une seconde nature. Elle décide donc de faire baptiser son fils. Et il est probable que cette décision donna lieu, au sein de la famille, à de chaudes discussions. Car, si le père de Georges, né dans une famille catholique, a reçu une éducation religieuse, il a fini par ne plus croire en Dieu ; il se montre, de surcroît, foncièrement anticlérical. Pour cette raison, il refuse pendant longtemps de faire bénir son union avec Elvira et n'accepte de le faire que des années plus tard, parce que c'est indispensable à l'entrée de la petite Simone dans une école religieuse. Fort de sa conviction inébranlable de libre penseur, il prend sa revanche en s'abstenant d'assister à la première communion de son fils.

Dans ce petit différend théologique, Elvira Brassens marque des points... Ainsi, dès l'âge de 2 ans, Georges est envoyé en maternelle rue du Musée, chez les sœurs de l'institut Saint-Vincent. Il y retrouve sa sœur Simone. Jean-Louis Brassens obtient tout de même répa- ration pour cet affront : deux ans plus tard, à l'âge légal, son fils s'assied enfin sur les bancs de l'école républicaine, gratuite et laïque.

Là, Madame Barada, sévère institutrice, tente de faire entrer le B.A.-BA du savoir dans la tête de ce gamin indiscipliné, mais tel- lement attendrissant.

Georges raffole de son grand-père Jules, qui apprécie toutes les facéties, et qui s'amuse beaucoup des niches incessantes de son petit- fils. Ce grand-père est également un passionné de la nature. Il s'attache à éveiller la curiosité de Georges en lui parlant de ses miracles, des fleurs et des animaux. Il lui fait cadeau d'un chat noir, qui vivra 18 ans. Le premier des innombrables chats de Georges.

La rue de l'Hospice dans une caisse

Mais tout passionnants qu'ils soient, ces cours improvisés de sciences naturelles ne remplacent pas l'école, où Georges, « Jojo » pour les copains, joue les affreux, fait le pitre et dissipe à l'envi ses camarades.

Tant et si bien qu'un jour l'institutrice, à bout de nerfs, l'enferme dans un placard à balais.

Comme beaucoup de mères, Elvira Brassens surveille de près l'éducation de son fils. Elle nourrit des ambitions à son égard. Et lorsque, chaque semaine, elle l'emmène se promener sur les bords de l'étang de Thau, finissant immanquablement le périple par la traversée du cimetière de Py, elle le sermonne à sa manière, pressante, mais douce et aimante : « Avec de l'instruction, des diplômes, on fait une vie. » Pour l'instant, le petit Brassens est un enfant comme les autres, très joueur, un peu bagarreur et qui préfère, malgré les exhortations de sa mère, délaisser des devoirs auxquels il se prétend allergique, pour dévaler la rue de l'Hospice dans une caisse à savon équipée de roulettes.

« Un bain de chansons »

La famille Brassens, que tous les voisins aiment et apprécient, se différencie de toutes les autres familles du quartier par un trait particulier : tous chantent, les grands-parents, la sœur, le père, la mère. C'est la « famille chanson ». Elvira surtout. Elle initie son fils aux chansons populaires, jusqu'à faire naître chez lui un désir impérieux d'écrire et de composer. D'origine napolitaine, elle passe son temps à chanter. Tout y est prétexte : le tricot, la cuisine, la couture, la lessive, une bonne ou une mauvaise nouvelle. Plus tard, Georges Brassens dira, en évoquant sa prime enfance et son adolescence : « Si je me suis intéressé à la chanson, c'est surtout parce que, dans ma famille, tout le monde chantait. Dès l'enfance, dès l'âge de 4 ou 5 ans, cette époque où l'on commence à prendre conscience de "l'extérieur", je me suis mis à chanter avec ma mère, mon père et ma sœur. Ma mère surtout chantait, chantait. Depuis ma naissance, je vivais dans un bain de chansons. »

À cette époque, tous les succès, de tous les horizons, se mélangent.

Les gens, avides de gaieté, d'insouciance, adoptent les airs qui passent. On ne se soucie pas d'esthétisme ni de mode. On reprend les refrains qu'on aime. La mère de Georges apprend les mélodies des cafés-concerts qui arrivent par chanteurs ambulants ou fredonne les airs qui avaient plu à sa grand-mère ou à son grand-père. Comme elle est napolitaine, ce sont souvent des chansons italiennes. Et puis elle chante aussi les dernières nouveautés.

Il y a eu Brassens.

Ses vieux costumes de velours côtelé, son regard bourru, son air de frère sur lequel on peut compter. Ses bancs publics, son chat, son arbre, sa mauvaise réputation, ses copains, son Auvergnat et son pauvre Martin, on aimait l'entendre quand il en parlait.

Puis il y a eu Georges, le philosophe, le sage...

Il a tout accepté de la vie: la pauvreté comme la gloire, les joies comme les maladies. Puis la mort. Sans révolte, sans peur, sans résignation non plus. Il s'est frayé un passage à l'écart de ce monde secoué de violence, un chemin de poète qui a su trouver l'essentiel : la sérénité.

Voilà pourquoi, 25 ans après sa mort, Brassens reste si grand dans notre mémoire.

La réédition de ce livre-culte offre une rencontre avec l'un des chanteurs les plus aimés des Français, dont les œuvres ne cessent d'inspirer la jeune génération.

Martin Monestier est journaliste, écrivain, peintre, auteur de

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