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Chapitre 4 : Les méthodes de quantification des transporteurs ABC

4. La spectrométrie de masse

4.2. Application à la quantification des transporteurs membranaires

4.2.3. La quantification absolue

distinguent principalement par la façon dont les marqueurs isotopiques stables sont introduits comme étalon interne dans les acides aminés par voie métabolique, chimique, ou enzymatique, ou alternativement comme étalon externe en utilisant des peptides synthétiques marqués (Ong et Mann, 2005). Une première approche consiste à modifier chimiquement les deux protéomes à l'étude, l'un avec un réactif léger et l'autre avec un réactif marqué. Plusieurs méthodes de marquage ont été développées, comme par exemple l’ICPL (isotope-coded protein label) (Schmidt et al., 2005), les tags isobariques pour quantification relative et absolue (iTRAQ) (Ross et al., 2004 ; Wiese et al., 2007) et les tags pour spectrométrie en tandem (TMT) (Thompson et al., 2003). Cette approche présente l’avantage de pouvoir analyser plusieurs échantillons en une seule analyse, chaque échantillon étant lié à un tag spécifique. Une deuxième stratégie utilisée est l’incorporation d’isotopes par voie métabolique, par apport d’acides aminés marqués avec des isotopes stables dans le milieu de culture cellulaire (méthode SILAC) (Ong et al., 2002). Grâce à la croissance cellulaire et au renouvellement des protéines, ces acides aminés marqués sont incorporés au fur et à mesure dans toutes les protéines cellulaires. L'un des principaux avantages de l'incorporation métabolique par rapport au marquage chimique est que l’isotope est présent dans les cellules vivantes. Ainsi, les deux populations cellulaires peuvent être mélangées avant les différentes étapes de préparation d’échantillon, excluant les sources d'erreur de quantification liées aux étapes pré-analytiques et analytiques.

Bien que la quantification relative soit simple à mettre en œuvre, la quantification des transporteurs membranaires est surtout réalisée de manière absolue.

4.2.3. La quantification absolue

La quantification absolue est la détermination de la quantité précise d’une protéine, par exemple en ng/ml pour un biomarqueur ou en fmol/µg pour les protéines d’une cellule. Elle repose sur la méthode AQUA (pour Absolute Quantification) qui utilise des étalons internes synthétiques marqués isotopiquement (Gerber et al., 2003 ; Brönstrup, 2004). Cette méthode est analogue à la technique de quantification des petites molécules en spectrométrie de masse. Un peptide marqué par un isotope stable, chimiquement identique à son homologue natif, est ajouté en quantité connue dans l’échantillon peptidique. La quantification se fait alors sur la base du rapport du signal du peptide léger sur le signal du peptide lourd. La méthode de

Bien que les modes DDA et DIA soient plus appropriés à la quantification relative et au screening, ils représentent également des approches intéressantes pour étudier le protéome de cellules in vitro. Par exemple, Ölander et al. ont étudié l’expression de protéines impliquées dans la pharmacocinétique des médicaments dans des cellules Caco-2 cultivées sur inserts en utilisant le mode DDA (Ölander et al., 2016). Ils ont réussi à quantifier de nombreuses protéines pouvant être impliquées dans le processus ADME des médicaments, notamment les transporteurs SLC et ABC (Figure 62).

Figure 62. Quantification et localisation subcellulaire des transporteurs ABC et SLC dans les cellules Caco-2

(d’après Ölander et al., 2016)

Seuls les transporteurs ayant une concentration supérieure à 0,1 fmol/µg de protéines sont représentés.

Nakamura et al. ont récemment réussi à quantifier simultanément vingt-sept enzymes du métabolisme et cinquante-quatre transporteurs dans des microsomes humains de rein, de foie et d’intestin par une approche DIA (Nakamura et al., 2016) (Figure 63).

Figure 63. Quantification des transporteurs ABC (A) et SLC (B) dans des microsomes hépatiques, rénaux et

intestinaux humains par une approche DIA (d’après Nakamura et al., 2016). HLM=microsomes hépatiques, HKM=microsomes rénaux, HIM=microsomes intestinaux

Un autre mode d’acquisition, la méthode SIM peut être utilisée pour quantifier les protéines. Il s’agit d’un mode de détection dans lequel seule une plage de rapport m/z limitée et définie est transmise puis détectée par le spectromètre, sans fragmentation du précurseur (Gallien et al., 2012). Plus la plage de masse est étroite, plus la détection est spécifique. Lorsque cette plage de masse est très réduite, voire correspond au rapport m/z souhaité, on parle de targeted-SIM (t-SIM). Cette technique est peu répandue actuellement pour la quantification des transporteurs car elle n’est disponible que sur les spectromètres de masse à haute résolution. Récemment, Weiss et al. ont développé une méthode de quantification des cytochromes et transporteurs présents au niveau de tissus hépatiques associant une technique d’immunodosage et la spectrométrie de masse en mode t-SIM. (Weiss et al., 2018) (Figure 64).

Figure 64. Quantification des cytochromes P450 et des transporteurs à partir de tissus hépatiques (d’après Weiss

Cependant, la technique de quantification absolue la plus répandue reste celle basée sur le mode MRM.La quantification des transporteurs ABC et SLC est très largement développée avec cette méthode. Par exemple, Uchida et al. ont réussi à quantifier jusqu’à vingt-huit transporteurs membranaires sur du tissu rénal murin (Uchida et al., 2016) et sur des cellules Caco-2 à 14, 21 et 28 jours de culture sur insert (Uchida et al., 2014) (Table 7).

Table 7. Niveau d’expression de 10 transporteurs membranaires dans les cellules Caco-2 en fonction de leur

temps de culture sur insert (d’après Uchida et al., 2014).

Certaines études se sont concentrées sur la validation d’une méthode de quantification précise d’un seul transporteur, comme MRP2 (Li et al., 2008) ou P-gp (Zhang et al., 2011) sur les lignées cellulaires MDCK natives et transfectées, ou sur du tissu mammaire sain et cancéreux (Yang et al., 2014). A l’inverse, d’autres études ont quantifié plusieurs transporteurs et/ou enzymes afin d’établir un profil d’expression de ces protéines dans divers types d’échantillons cellulaires ou tissulaires. De nombreuses études rapportent la quantification de transporteurs et/ou récepteurs au niveau de la BHE (Gomez-Zepeda et al., 2019 ; Uchida et al., 2011 ; Ohtsuki et al., 2013). Par exemple, Ohtsuki et al. ont utilisé la spectrométrie de masse afin de caractériser un modèle cellulaire de BHE in vitro, en quantifiant des transporteurs et des récepteurs exprimés sur les cellules hCMEC/D3 et en les comparant à la quantité retrouvée au niveau de la BHE in vivo (Ohtsuki et al., 2013) (Figure 65). Ils en ont conclu que le modèle hCMEC/D3 possède un profil d’expression des transporteurs similaire à celui de la BHE, à l’exception de MRP1, ce qui en fait un bon modèle pour étudier le transport des médicaments à travers la BHE.

Figure 65. Comparaison de la quantité de transporteurs et récepteurs entre les cellules hCMEC/D3 et des

microvaisseaux cérébraux humains (d’après Ohtsuki et al., 2013)

D’autres équipes se sont intéressées à la quantification des transporteurs ABC et SLC impliqués dans l’absorption intestinale des médicaments (Gröer et al., 2013) (Figure 66). Ils ont ainsi démontré des différences d’expression en fonction de la partie de l’intestin considérée, avec une expression globalement plus importante des transporteurs SLC au niveau de l’iléum.

Figure 66. Quantification des transporteurs ABC et SLC dans le jéjunum et l’iléum humains (d’après Gröer et

al., 2013)

Des études semblables ont été conduites sur des échantillons de tissus hépatiques humains ou des cultures primaires d’hépatocytes humains (Ohtsuki et al., 2012 ; Schaefer et al., 2012). Dans les deux cas, les quantités de cytochromes P450 et de transporteurs ont été déterminées à partir de la fraction microsomale et de la fraction membranaire des hépatocytes, respectivement. Enfin, le rein étant un site d’élimination important des médicaments, plusieurs études se sont concentrées sur la quantification des transporteurs membranaires au niveau du cortex rénal (Prasad et al., 2016 ; Basit et al., 2019). Basit et al. ont comparé la quantité de dix- neuf transporteurs ABC et SLC présents au niveau du cortex rénal chez l’homme et quatre espèces animales utilisées dans les études précliniques, dont la souris, le rat, le chien et le singe

(Basit et al., 2019) (Figure 67). Ils ont démontré que les quantités de transporteurs peuvent fortement varier selon l’espèce considérée, ce qui peut biaiser les études de toxicité rénale ou de pharmacocinétique chez certaines espèces et leur extrapolation à l’homme.

Figure 67. Quantification de six transporteurs ABC dans le cortex rénal de cinq espèces (d’après Basit et al.,

2019)

En conclusion, ce dernier chapitre décrit les principales techniques de quantification disponibles pour évaluer l’expression des transporteurs dans des échantillons variés. A côté des techniques plus anciennes, la spectrométrie de masse prend une place de plus en plus importante dans la quantification relative mais surtout précise des protéines et devient un outil incontournable. Elle est capable de quantifier les transporteurs ABC dans différents types cellulaires ainsi que dans une grande variété de tissus animaux et humains. L’ensemble de mes travaux personnels s’intéressera particulièrement aux rôles de la P-gp et de BCRP dans la pharmacocinétique du rivaroxaban, ainsi qu’aux modèles permettant de l’étudier in vitro.

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