. L'usage
d'une fausse qualité est certain lorsque l'agent prétend mensongèrement être titulaire de titre
universitaire
702, de distinctions honorifiques
703, de titre de noblesse
704, de fonction publique
705ainsi que les professions réglementées
706et d'autres professions telles que les mandataires
707.
698
Cass. crim., 26 mars 1885, Bull. crim., 1885, n° 100 ; Cass. crim., 13 déc. 1912, Bull. crim., 1912, n° 639 ; Cass. crim., 4 mars 1937, DH 1937, p. 237, Rev. sc. crim. 1937, obs. H. Donnedieu de Vabres ; Cass. crim., 5 oct. 2005, Dr. pén. 2006, comm. 15, obs. M. Véron : la Cour indique que ne peut être condamné du chef d'escroquerie, celui qui provoque une remise en déclarant mensongèrement à la personne qui a trouvé un objet, qu'il en est le propriétaire ; Cass. crim., 11 déc. 1879, S. 1880, 1, p. 336 : aujourd’hui, la jurisprudence retient le vol, la remise de la chose n'étant alors le fait que d'un simple détenteur matériel ; Cass. crim., 4 juin 1908, Bull. crim., 1908, n° 231 ; Cass. crim., 30 mai 1958, JCP G 1958, II, 10809, obs. A. Chavanne ; Colmar, 10 avr. 1956, JCP G 1956, II, 9671.
699
Cass. crim., 7 oct. 1969, D. 1971, p. 286, obs. G. Guigne ; Cass. crim., 23 févr. 2005, Dr. pén. 2005, comm. 98, obs. M. Véron.
700
Cass. crim., 16 déc. 1969, D. 1970, p. 237 : un tiers confirme la prétendue créance ou lorsque des comparses (les « taxis ») confirment, à l'aide de factures mensongères, la prétention frauduleuse de l'escroc à la taxe. Mais la seule affirmation mensongère de la qualité de créancier n'est pas la fausse qualité de l'escroquerie.
701
Cass. crim., 9 avr. 1857, Bull. crim., no 144 : affirmation fausse de la clerc d’avoué, inspecteur d’assurance ; Cass. crim. 30 oct. 1903, Bull. crim., no 350 : fausse qualité de banquier ; Cass. crim., 11 déc. 1973, Bull. crim., n° 457.
702
Cass. crim., 2 avr. 1897, Bull. crim., n° 123 : utilisation illicite du titre de docteur, de professeur ou de pharmacien.
703
Paris, 4 déc. 1984, Juris-Data n° 1984-027929 : insigne d'officier d'ordre national du mérite, la rosette d'officier de la légion d'honneur.
704
Cass. crim., 31 juill. 1884, Bull. crim., n° 252 ; Cass. crim., 11 oct. 1966, JCP G 1966, II, 14897. 705
Paris, 25 janv. 1984, Juris-Data n° 1984- 020507 : qualité de député, sénateur, conseiller général, maire, adjoint au maire, conseiller municipal, pour un faux adjoint au maire de Paris ; Douai 16 janv. 2001, Juris-Data n° 2001-167644 ; Cass. crim., 10 juill. 1862, Bull. crim., n° 167 : une personne qui utilisait soit la qualité de maire soit d’adjoint aux finances.
706
Cass. crim., 2 avr. 1897, DP 1898, 1, p. 316 ; Paris, 12 juill. 1982, Juris-Data n° 1982-027090 ; Riom, 29 avr. 1982, Juris-Data n° 1982-040620 : se présenter faussement comme huissier, notaire, commissaire-priseur ; Paris, 10 nov. 2006, Juris-Data, n° 2006-325160 ; Cass. crim., 23 oct. 1956, JCP G 1956, IV, 162, Bull. crim., n° 659 ; Cass. crim., 8 fév. 1995, Bull. crim., n° 61, JCP G 1995, IV, 1206, Rev. sc. crim. 1995, p. 592, obs. J.-P. Delmas Saint-Hilaire ; Cass. crim., 5 fév. 1997, Juris-Data n° 1997-001178 : qualité de médecin; Rennes, 3e ch., 15 avr. 1981, Juris-Data, n°1981-040466 ; Paris, 7 juin 1982, Juris-Data, n° 1982-026740 : les professions réglementées susceptibles d'être usurpées par l'escroc, d'expert-comptable ou de comptable agréé, de commissaire aux comptes de société, de banquier, d'agent de change ou courtier, de démarcheur financier, d'expert automobile, d'architecte ou d'agréé en architecture.
170
Cependant, d’autres qualités sont admises avec hésitation. Il en est ainsi de la fausse qualité de
salarié
708, de chômeur
709ou du mensonge sur l'état civil
710. Leur admission au titre de la qualité
a pour conséquence de rendre la notion ouverte à toute forme de mensonge et devient de fait un
moyen de sanctionner le simple mensonge, même réalisé tacitement
711. D'autres activités telles
que les devins, cartomanciens, chiromanciens, mages, ne sont pas retenues par la jurisprudence.
Ces titres ne confèrent aucune légitimité et crédibilité en tant que statut et aucune loi admet
officiellement leur existence permettant de tirer un profit.
La qualité utilisée par l’escroc doit porter sur une qualité personnelle et non sur la qualité d'un
tiers, qu'elle soit ou non déterminante d'une remise
712. D'une manière générale, le caractère écrit
ou oral du mensonge portant sur le faux nom ou la fausse qualité est indifférent
713. Il a été
admis que la prise de fausse identité était caractérisée par geste lorsque l’usurpateur a effectué
un retrait à un guichet automatique de banque avec la carte de crédit d'un tiers
714, par
l’utilisation de cartes de crédits volés pour effectuer des paiements auprès des commerçants
715,
ou à l'insu du titulaire de la carte
716. L'usage du faux nom ou de la fausse qualité, sanctionné à
707
Paris, 31 mai 1941, JCP G 1943, II, 2486, obs. P. Garraud ; Cass. crim., 29 déc. 1949, JCP G 1950, II, 5582, obs. A. Chavanne : pour le délégué d'un comité d'entraide aux prisonniers de guerre qui se fait remettre par la Croix-Rouge quinze colis, alors qu'il n'est le mandataire que des familles de treize prisonniers, use d'une fausse qualité ; Cass. crim., 28 mars 1996, Bull. crim., n° 142, JCP G 1996, IV, 1574 ; Cass. crim., 15 oct. 1998, Juris-Data, n° 1998-004963 ; Cass. crim., 7 avr. 2004, Juris-Juris-Data, n° 2004-023971 : fausse qualité de mandataire. 708
Paris, 27 févr. 1985, Juris-Data, n° 1985-021247 ; Paris, 15 mai 1981, Juris-Data, n° 1981-022416 ; Paris, 30 nov. 1981, Juris-Data, n° 1981-025894 ; Cass. crim., 10 avr. 1997, JCP G 1997, IV, 1779, Bull. crim., n° 137 ; Paris, 30 janv. 2001, Juris-Data, n° 2001-141405 ; Cass. crim., 11 janv. 2006, Juris-Data, n° 2006-032153. 709
Cass. crim., 8 janv. 1937, DH 1937, p. 149, Rev. sc. crim. 1937, p. 486 ; Cass. crim., 30 nov. 1981, Bull. crim., 1981, n° 315 ; Cass. crim., 17 janv. 1983, Juris-Data n° 1983-000229 ; Cass. crim., 26 avr. 1994, Juris-Data, n° 1994-001035.
710
Cass. crim., 8 juin 1960, Bull. crim., 1960, n° 132 : la prévenue affirmait être marié ; Cass. crim., 8 août 1867: S. 1868, 1, p. 349 : invoque la qualité d’épouse légitime pour gagner la confiance ; Cass. crim., 23 nov. 2006, Juris-Data, n°2006-036750 : pour une société étrangère qui se prévaut de la qualité de national ; Cass. crim., 26 oct. 1994, Bull. crim., 1994, n° 341 : prétendre mensongèrement être l'épouse d'un français quand le mariage est simulé. L'analyse des décisions permet d'indiquer que la fausse qualité est relevée lorsqu'on fournit des informations sur des conditions permettant d'obtenir des prestations. Mais aujourd'hui, cette forme d'escroquerie est prévue par l'article 441-6 du Code pénal.
711
TGI Paris, 17 mai 1985, Gaz. Pal. 1985, 1, p. 406, obs. J.-P. Marchi : la juridiction admet que l'on puisse prendre la fausse qualité de salarié tacitement.
712
Cass. crim., 10 nov. 1899, Bull. crim., 1899, n° 317 ; Cass. crim., 23 juill. 1996, Juris-Data, n°1996-003535 : un gérant de société demandant des prêts pour des clients à des organismes de crédit après avoir modifié l'identité de ces clients, mais l'arrêt invoque, à tort semble-t-il, mais il n'importe, d'autres éléments.
713
Cass. crim., 11 juin 1997, Juris-Data n° 1997-003511 ; Amiens, 12 juin 2001, Juris-data n°2001-159046. 714
Bordeaux, 25 mars 1987, D. 1987, p. 424, obs. J. Pradel ; Amiens, 12 juin 2001, op. cit. : la qualification de vol des espèces obtenues du distributeur à l'aide d'une fausse clef est préférable à l’escroquerie.
715
Cass. crim., 19 mai 1987, Rev. sc. crim. 1988, p. 534, obs. P. Bouzat ; Toulouse, 15 nov. 2001, Juris-Data, n° 2001-161103.
716
Aix-en-Provence, 28 mars 2001, Juris-Data, n° 2001-156693 : le voleur qui tente de se faire rembourser sous le nom de sa victime un billet de train trouvé dans le sac volé ; Pau, 20 févr. 2001, Juris-Data, n° 2001-141299.
171
titre autonome, peut constituer l’un des éléments des manœuvres frauduleuses
717. Aussi, l’usage
écrit d’une qualité, les faits peuvent donner lieu à un conflit de qualifications avec le délit de
faux.
2. L'abus de qualité vraie
L’abus d’une qualité vraie était l’un des moyens des manœuvres frauduleuses créés par la
jurisprudence sous l'ancien Code pénal. Il était nécessaire que l’auteur des faits provoque la
confiance des victimes après avoir donné une apparence de véracité à ses affirmations
mensongères
718. L’ancien texte d’incrimination exigeait un élément extérieur confortant les
allégations mensongères. L’article 313-1 du nouveau Code pénal sanctionne à titre autonome
cet élément matériel. Par cette évolution, le législateur a apporté une protection face aux abus
générés par l'honorabilité et la confiance inspirées par certaines professions.
L’article réprime le simple mensonge portant sur une qualité vraie en attribuant au délit un
champ d’application plus large. L’usage d’un faux nom, d’une fausse qualité, ainsi que l’abus
d’une qualité vraie constituent des exceptions légales au principe interdisant la sanction du
simple mensonge. A la différence de l’ancienne incrimination d’escroquerie, la formulation
actuelle du délit n’impose plus des manœuvres accréditant le mensonge initial. Il accorde une
marge de manœuvre et permet d’effectuer une appréciation plus souple lors de la
caractérisation de cet élément constitutif de l’escroquerie. Tout comme les autres mensonges
constituant l’élément matériel du délit d’escroquerie, l’abus de qualité vraie doit avoir
déterminé la remise. Le délit peut être constitué par un mensonge précis, portant sur les qualités
déterminées par la jurisprudence.
La notion de qualité n’est pas définit par le nouveau Code pénal. Ce terme dispose de la même
définition donnée qu’en matière d’usage d’une fausse qualité et des qualités visées sous
l’ancienne jurisprudence. Le délit est caractérisé lorsqu’une personne qui inspire confiance en
raison d’une qualité commet un mensonge à son interlocuteur. L’élément important dans la
mise en œuvre de ce moyen de commission du délit d’escroquerie réside dans la détermination
des fonctions aspirant la confiance. Les professions traditionnellement retenus sont les
717
Cass. crim., 16 déc. 1969, Bull. crim., 1969, n° 344 ; Cass. crim., 27 avr. 1972, Bull. crim., 1972, n° 145 ; Cass. crim., 9 mai 1973, Bull. crim., 1973, n° 213.
718
172
notaires
719, les huissiers
720de justices, les avocats
721, les médecins ou les dentistes
722ainsi que
d'autres métiers
723. A côté de ces professions réglementées et bénéficiant d'une confiance
absolue, d'autres activités n’inspirant pas d’emblée la confiance du public entrent dans cette
catégorie. Il en est ainsi d'un naturopathe
724, un mandataire qui abuse de ses pouvoirs
725ou
encore un kinésithérapeute
726.
L’analyse de la jurisprudence permet de constater qu’il s’agit principalement des professions
réglementées. La confiance des victimes est attribuée en raison de l’encadrement légal de ces
professions. La loi confère une valeur à ces titres et en fait l’objet d’abus par des usages
illicites. Cependant, les illustrations jurisprudentielles concernant d’autres professions moins
prestigieuses, telles que les kinésithérapeutes, expose certaines imprécisions qui règnent sur cet
élément matériel. Il est important d’établir des critères objectifs pour déterminer les professions
concernées afin d’éviter les risques de dérive. Ce procédé sanctionnant le simple mensonge
peut constituer un moyen à la limite du principe de légalité criminelle.
719
Cass. crim., 10 févr. 1855 , Bull. crim., 1855, n° 39. 720
Douai, 16 mars 1953, D. 1954, somm. p. 3. 721
Cass. crim., 30 juin 1999, Bull. crim., 1999, n° 170, Rev. sc. crim. 1999, p. 923, obs. R. Ottenhof . 722
Cass. crim., 26 mars 1936, Gaz. Pal. 1936, 1, p. 1950 ; Cass. crim., 10 janv. 1936, DH 1936, p. 151. 723
Cass. crim., 1er avr. 1968, JCP G 1968, IV, 91, Bull. crim., 1968, n° 115 : les banquiers ; Cass. crim., 3 mars 1960, Gaz. Pal. 1960, 1, p. 329 : directeur de banque ; Cass. crim., 8 oct. 2003, Juris-Data, n° 2003-020936 ; Cass. crim., 30 mai 2007, Juris-Data, n° 2007-039881 : professionnel des transactions financières internationales et des opérations de change ; Cass. crim., 15 févr. 1961, Bull. crim., 1961, n° 98, JCP G 1961, IV, 46 : conseiller juridique ; Cass. crim., 29 mars 1977, Bull. crim., 1977, n° 115, Rev. sc. crim. 1977, p. 824, obs. Bouzat ; Cass. crim., 27 mars 2002, Juris-Data, n° 2002-014064 ; Cass. crim., 23 mars 1978, D. 1979, p. 319, obs. B. Bouloc, Rev. sc. crim. 1979, p. 343, obs. P. Bouzat, Bull. crim., 1978, n° 116 : directeur d’une entreprise comptable ; Cass. crim., 6 juin 1996, Juris-Data, n° 1996-003199 : maire mettant à la charge de la commune des travaux d'intérêt personnel ; Cass. crim., 2 avr. 1998, Juris-Data, n° 1998-002313 : conservateur de musée donnant les apparences de l'authenticité à des objets dépourvus de valeur ; Cass. crim., 29 nov. 2000, Dr. pén. 2001, comm. 45, obs. M. Véron : receveur général des impôts.
724
Cass. crim., 5 févr. 1997, Juris-Data, n° 1997-001178. 725
Cass. crim., 29 nov. 1997, Juris-Data, n° 1997-001019. 726