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Qu’entend-on par populaire ?

Dans le document Les universités populaires en France (Page 55-57)

Les différentes définitions du « populaire » dans l’usage de ce mot par les universités qui le portent dans leur nom se décline en France autour d’une double variation. « Populaire » peut désigner l’ensemble de la population, source de la légitimité politique dans un régime démocratique31 : c’est d’une certaine manière la

définition que donne Michel Onfray lorsqu’il explique qu’il entend par « peuple » « le plus grand nombre, l’énergie de la nation32 ». Mais « populaire » sert aussi souvent à nommer les classes subordonnées dans la société, voire les exclus. Le populaire fonctionne comme référence au peuple source de légitimité dans une démocratie, mais aussi comme référence rhétorique au plus grand nombre ou à ceux qui sont exclus de l’accès au savoir comme socialement, et par là de la cité.

Ces variations sémantiques autour du mot « populaire » ne sont pas propres au français et à la France ; nous les retrouvons aussi bien en allemand qu’en italien. En allemand le mot « Volk » selon le dictionnaire Harrap’s (allemand/français) renvoie aussi bien à la nation qu’au commun ou à la masse, aux gens. En italien, le « popolo » désigne historiquement, depuis la révolution communale du milieu du XIIIe siècle, tous ceux qui dans la ville n’appartiennent pas à la noblesse. En son sein, on distinguait

popolo grasso et popolo minuto (les « gras » et les « petits »).

Partout, « populaire » désigne d’abord les détenteurs de la souveraineté politique. Le populaire renvoie à la nation avec, historiquement, des variations entre une approche démocratique – le peuple comme source de la légitimité politique dans une logique démocratique –, et une approche essentialiste, raciste comme dans les régimes fascistes italiens ou allemands, ou encore la France de Vichy.

La « convocation » du peuple est rhétorique mais aussi pratique. Les universités populaires sont non seulement attachées à cette référence mais la mettent en œuvre à travers leurs programmes en s’ouvrant au plus grand nombre, ce que permet l’absence de toute demande de prérequis en matière de diplôme pour y accéder ou la mise en place de programmes spécifiques pour les exclus. Cela est vrai en France aussi bien dans le réseau historique de l’AUPF que dans celui des universités alternatives. Pour Michel Marc, longtemps président de l’AUPF, l’une des missions des universités populaires est la « refondation du lien social dans une société où l’individualisme semble l’emporter33 ». Pour l’AUPF, et ceci dès le début, ceux qui sont les plus éloignés culturellement et socialement de l’université font l’objet d’approches spécifiques. C’est ainsi, par exemple, que dès le début des années 1980, celle de Belfort, met en œuvre des actions spécifiques pour les jeunes exclus34.

31 Tozzi, 2009, op. cit.

32 Cité dans Sciences humaines, no171, p. 23.

33 Marc M., « De l’origine des UP à l’AUPF », Rencontres AUPF/UP scandinaves, 2007

(https://universitespopulaires.files.wordpress.com/2013/01/2007_septembre_de-lorigine-des-up-en-france-a- laupf_mmarc1.pdf).

LES UNIVERSITES POPULAIRES EN FRANCE .Un état des lieux à la lumière de trois expériences européennes : Allemagne, Italie et Suède

Aujourd’hui, nombre d’universités populaires continuent à mener des actions pour les jeunes en difficulté, s’efforcent de développer, avec plus ou moins de succès, des antennes en zones urbaines sensibles, se développent en milieu rural y compris en rural isolé. Selon une enquête menée par l’AUPF en 2013 : « Un tiers des associations proposent des activités orientées vers les publics en difficultés. Vient en tout premier lieu le français pour les étrangers précaires (15 %). Le reste des initiatives sont relativement isolées (gens du voyage, théâtre pour handicapés, cinémas pour les enfants des restos du cœur35 ». En effet écrit encore Michel Marc « refonder les relations sociales, c’est aussi réinsérer dans la société des personnes qui risquent d’être ou qui sont déjà marginalisées36 ». Pour les universités alternatives, le populaire est d’une certaine manière leur raison d’être, mais elles ne font pas nécessairement une place plus grande aux classes populaires et leur public, à de rares exceptions près, est surtout composé de représentants de classes moyennes. Les universités populaires d’ATD Quart-Monde représentent un cas d’exception : elles mobilisent un peuple composé uniquement d’exclus socialement ou des plus démunis.

De la même manière, en Allemagne, en Suède comme en Italie, les universités populaires organisent des actions en direction des plus démunis. En Allemagne une partie des programmes ciblent des populations les plus éloignées de la culture et marginalisées socialement, et prennent en compte de façon remarquable les réfugiés, ce qui témoigne du profond enracinement de cette dimension populaire comme ouverture au plus grand nombre. Plus de trois millions d’heures de cours y sont délivrées afin de favoriser l’intégration linguistique et sociale des migrants et leur permettre de devenir des citoyens allemands en les préparant aux tests qui leur permettront d’obtenir la nationalité allemande37. En Suède, les universités populaires visent également des publics dits « spécifiques » comme les personnes ayant un faible niveau de qualification, en situation de handicap ou encore les migrants38. En Italie, qu’il s’agisse des universités regroupées au sein de la CNUPI ou de l’UNITRE, toutes sont très attachées à la problématique de la promotion sociale profondément ancrée dans la longue histoire de l’éducation des adultes. Une problématique développée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, notamment avec les Corsi de Educazione per adulti « dans les quartiers neufs, dans les zones de réforme agraire, dans les bourgades, dans toutes les zones où l’on cherchait remède à la marginalité de la population » et dans les régions où l’émigration restait importante39 ». Ce « populaire », pris au sens du plus grand nombre ou circonscrit aux classes subordonnées, renvoie à des profils sociologiques relativement typés. Les universités populaires mobilisent surtout des membres des classes moyennes, avec tout le flou que peut avoir cette catégorie, à des femmes et à

35 Ibid.

36 Marc, 2007, op. cit.

37 VHS Die Volkshochschule. Bildung in öffentliche Verantwortung 38 Ibid.

INJEP NOTES & RAPPORTS/RAPPORT D’ÉTUDE

des personnes âgées. Comme l’écrivait, dès 1983, Geneviève Poujol : « Le public des universités populaires est loin d’être populaire40. »

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