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II. L’EXCITABILITE CORTICALE MESUREE PAR STIMULATION MAGNETIQUE TRANSCRANIENNE

2) La facilitation intra-corticale : elle est mesurée en appliquant un stimulus

2.4 Psychotropes et excitabilité corticale Effets des psychotropes sur l’excitabilité corticale

La majeure partie des connaissances concernant les paramètres de neuroexcitabilité corticale est issue des expériences de pharmaco-TMS, c’est-à-dire l’étude des effets aigus de médicaments psychotropes (ou neurotropes) sur les paramètres mesurés par TMS (161, 186). La combinaison de molécules à tropisme cérébral et de la TMS exploratoire permet d’une part d’étudier les mécanismes physiopathologiques sous-tendant les paradigmes TMS et d’autre part de monitorer les effets pharmacologiques sur la physiologie cérébrale. La situation la plus favorable est celle d’un produit psychotrope (ou neurotrope) avec un mode d’action

pharmacologique unique et bien connu. Malheureusement, la plupart des psychotropes disponibles chez l’Homme ne sont pas aussi sélectifs. Dans une majorité de cas, ils présentent une pléiotropie de modes d’action, qui contribuent d’ailleurs à leur efficacité synergique en polythérapie. Ceci constitue la première limite des études pharmacologiques par TMS dont nous devons tenir compte.

Par ailleurs, si la présence d’une pathologie psychiatrique influence les paramètres TMS, il existe aussi des variations inter-individuelles (parfois notables) sur ces mesures TMS. Par exemple chez les sujets sains, des facteurs comme les polymorphismes génétiques (187, 188), l’âge (189), le sexe (190), la consommation d’alcool, de tabac, de caféine (191 à 193) ou bien encore la phase du cycle menstruel (194) sont susceptibles de modifier les mesures par TMS. Ces facteurs représentent la deuxième limite des études pharmaco-TMS.

Enfin, les médicaments psychotropes (ou neurotropes) devant franchir la barrière hémato-encéphalique pour atteindre leur cible, la voie d’administration (orale, intraveineuse, intramusculaire ou intrathécale) constitue une troisième limite aux comparaisons des effets des molécules entre elles.

Malgré ces inconvénients, nous allons essayer de détailler les effets connus à ce jour des médicaments psychotropes sur les paramètres TMS.

Psychotropes et potentiel évoqué moteur (MEP)

Les modulateurs allostériques positifs des récepteurs GABA-A, comme les benzodiazépines (diazepam, lorazepam ou midazolam) et le barbiturique thiopental provoquent une baisse significative de l’amplitude du MEP (195 à 198).

A l’inverse, certains antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la

sérotonine (sertraline, paroxétine), la mirtazapine ou bien les inhibiteurs de la

recapture de la noradrénaline (méthylphénidate, d-amphétamine, reboxétine ou atomoxétine) entrainent une augmentation de l’amplitude du MEP (199 à 202). Un antipsychotique de première génération, l’halopéridol, a les mêmes effets.

Psychotropes et seuil moteur (MT)

Les anticonvulsivants, en particulier ceux bloquant les canaux ioniques au sodium voltage-dépendant, induisent une élévation du seuil moteur et donc une hypoexcitabilité des voies cortico-spinales. En psychiatrie, les molécules de cette classe qui sont le plus utilisées sont la carbamazépine et la lamotrigine (203, 204).

A contrario, la kétamine qui agit comme un antagoniste NMDA augmentant la neurotransmission glutamatergique indirectement via les récepteurs AMPA, abaisse le seuil moteur (205). La kétamine est aujourd’hui reconnu comme un antidépresseur d’action ultra-brève mais dont l’intérêt et la sécurité d’emploi n’ont pas été établis en pratique clinique. Les autres antidépresseurs, toutes classes confondues, ont un

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Psychotropes et période de silence cortical (CSP)

Les modulateurs allostériques positifs des récepteurs GABA-A, telles les benzodiazépines ou leurs apparentés hypnotiques (diazepam, lorazepam, zolpidem) produisent des effets contradictoires sur la période de silence cortical (170, 198). Ce phénomène pourrait dépendre de l’intensité du stimulus TMS : une période de silence cortical courte provoquée par un stimulus de faible intensité est prolongée par l’administration de lorazepam tandis que les stimuli de forte intensité seraient raccourcis (197). Ceci confirme la théorie selon laquelle la partie précoce de la période de silence cortical est régulée par les récepteurs GABA-A alors que la partie tardive est sous le contrôle des récepteurs GABA-B (et indirectement par l’auto- inhibition des récepteurs GABA-A).

Le baclofène, un agoniste des récepteurs GABA-B, prolonge de manière inconstante la période de silence cortical (173, 198 et 203).

Parmi les antidépresseurs, seuls le citalopram et la mirtazapine ont été étudiés et ont démontré une prolongation significative de la période de silence cortical (186).

Psychotropes et inhibition intra-corticale courte (SICI)

Les benzodiazépines, agissant comme des modulateurs allostériques positifs des récepteurs GABA-A, entrainent une forte potentialisation de l’inhibition intra- corticale courte (196, 206 à 209). Dans une moindre mesure, le citalopram

potentialise également ce paramètre (210). Parmi les autres psychotropes, certains

inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline (méthylphénidate, reboxétine ou atomoxétine) exercent l’effet inverse, d’autres (carbamazépine, lamotrigine, kétamine, olanzapine, sertraline et paroxétine) ont un effet neutre (186).

Psychotropes et inhibition intra-corticale longue (LICI)

De par sa modulation quasi-exclusivement régulée par la neurotransmission inhibitrice GABA-B, il existe peu de médicaments à usage psychiatrique courant pouvant impacter l’inhibition intra-corticale longue. On peut citer le baclofène, un agoniste spécifique des récepteurs GABA-B, qui potentialise ce paramètre (186).

Psychotropes et facilitation intra-corticale (ICF)

Les anticonvulsivants, notamment ceux dont le mécanisme d’action implique un blocage des canaux ioniques au sodium voltage-dépendant, n’exercent aucun effet sur la facilitation intra-corticale (186). Les benzodiazépines (diazepam, lorazepam) (170, 198) diminuent la facilitation intra-corticale.

Les inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline (méthylphénidate, d- amphétamine, reboxétine ou atomoxétine) entrainent une augmentation forte et soutenue de la facilitation intra-corticale, soulignant le rôle majeur de la noradrénaline dans la modulation de la facilitation neuronale indexée sur l’ICF.

Certains antidépresseurs sérotoninergiques (sertraline, citalopram) peuvent diminuer la facilitation intra-corticale, mais cet effet est inconstant d’après la littérature (186).

Globalement, le profil pharmacologique de la facilitation intra-corticale (ICF) présente des similitudes importantes avec celui du potentiel évoqué moteur (MEP), mais plutôt peu avec celui de l’inhibition intra-corticale courte (SICI) ce qui renforce l’hypothèse d’une physiologie distincte entre ces 2 paramètres et réfute la théorie selon laquelle la facilitation intra-corticale n’est qu’un phénomène rebond de l’inhibition précédente.

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Résumé de l’effet des psychotropes sur l’excitabilité corticale

Tableau 5 : Récapitulatif des effets des psychotropes sur l’excitabilité corticale.

D’après Paulus et al. (2008).

○ = absence d’effet ; ▼ = diminution ; ▲ = augmentation.

MEP = potentiel évoqué moteur ; MT = seuil moteur ; CSP = période de silence cortical ; SICI = inhibition intra-corticale courte ; LICI = inhibition intra-corticale longue ; ICF =

facilitation intra-corticale.

Classe

thérapeutique Mode d’action Molécules MEP MT CSP SICI LICI ICF Anticonvulsivants

Blocage des canaux Na+ voltage dépendant Carbamazépine ○ ▲○ ○ ○○ ○ Lamotrigine ○ ▲▲▲▲ ○ ○○ ○○ Benzodiazépines Z-drug Barbiturique Agonistes GABA-A Diazepam ▼ ○○○○ ▼○ ▲▲○ ○ ▼▼ Lorazepam ▼▼ ○○○○○ ▲ ▲▲▲▲○ ▼○ Midazolam ▼ Zolpidem ▼ ○○ ▲ ▲○ ▲ ▼ Thiopental ▼ ○ ○

Addictolytique Agoniste GABA-B Baclofène ○○ ○○○ ○○○▲ ▲▼ ▲ ▼

Antipsychotiques typiques Antagonisme D2 Halopéridol ▲ ○○ ○ ▼○ ▲ Sulpiride ○ ○ ○ Antipsychotique atypique Antagonisme D2 + Antagonisme 5- HT2A Olanzapine ○ ○ ○ Stimulants Inhibition de la recapture de la noradrénaline et/ou dopamine Méthylphénidate ▲ ○○ ○ ▼▼○ ▲▲○ D-amphétamine ▲ ○ ▲ Réboxétine ▲▲ ○○▼ ▼○ ▲▲▲ Atomoxétine ▼ ▲ Antidépresseurs Inhibition de la recapture de la sérotonine (ou autre*)

Citalopram ○ ○▲ ▲ ▲▲ ○○

Paroxétine ▲ ○ ○ ▼

Sertraline ▲ ○ ○ ○ ▼

2.5 Un biomarqueur prédictif de la réponse thérapeutique ?