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La proximité non-spatiale : plus de liens sociaux, organisationnels et institutionnels

PARTIE I : ATTENTES ET USAGES POSSIBLES D’UN SERVICE DE PORTAGE

4. Le portage d’achat en centre-ville, créateur de proximité ?

4.1. La proximité : un concept multi-facettes

4.1.2 La proximité non-spatiale : plus de liens sociaux, organisationnels et institutionnels

D’une manière générale, la proximité non-spatiale, ou organisée, touche aux rapports sociaux et économiques entre les acteurs, que ce soit entre les hommes ou entre les hommes et les organisations (Torre et Rallet, 2005). Deux logiques la sous-tendent : la logique d’appartenance, qui renvoie à l’existence de liens sociaux et d’interactions entre les individus ou les organisations, directs ou indirects, plus ou moins forts ; et la logique de similitude, qui fait référence à l’existence d’une base cognitive et matérielle commune entre les acteurs, et au partage d’un même système de représentations et de croyances (Bouba-Olga et alii, 2008 ; Torre, 2010).

D’autres auteurs ont proposé une décomposition alternative. Ainsi Pecqueur et Zimmermann (2004) distinguent au sein de la proximité organisée les processus de coordination qui sont fondés sur une interaction directe entre les agents – on parle alors de proximité « organisationnelle » – et ceux sans interaction directe – qui renvoient à une proximité « institutionnelle ». Les mêmes auteurs divisent ensuite la proximité « institutionnelle », en distinguant les institutions qui s’imposent aux acteurs (normes) et celles qui doivent leur existence aux agents concernés eux-mêmes (standards). Cette proximité institutionnelle de standards peut également être « inintentionnelle » (logique d’appartenance) ou intentionnelle (logique d’adhésion).

Pour ce qui concerne l’analyse des commerces par les consommateurs lors de leurs courses, Bergadaà et Del Bucchia (2009) ont décliné le pan non-spatial de la proximité en quatre dimensions qu’elles qualifient de proximité fonctionnelle, proximité relationnelle, proximité identitaire et proximité de processus. Ces quatre dimensions s’ajoutent à celles de la proximité spatiale et permettent d’aborder le prisme de la proximité selon des angles complémentaires, synthétisés dans le Tableau 1. Les quatre dimensions de la proximité non-spatiale perçue par le consommateur (pour les commerces). Nous retiendrons ces dimensions, adaptées au commerce, pour analyser le PAC.

Tableau 1. Les quatre dimensions de la proximité non-spatiale perçue par le consommateur (pour les commerces)

Proximité Cette proximité apparaît si… Conséquences pratiques : un besoin …

Fonctionnelle

le consommateur peut faire ses courses de façon efficace, en réduisant son « coût de visite », grâce à une présentation des linéaires et produits claire, facile, et une amplitude horaire adaptée à son style de vie.

de voir satisfaire le besoin de choix de produits, en un seul lieu, au moment voulu. De disposer d’un assortiment de produits du quotidien adéquats et d’une large palette de services, par exemple la livraison en un lieu choisi.

Relationnelle

la relation interpersonnelle avec le commerçant et ses salariés permet de développer des sentiments de confiance et d’attachement.

d’un accueil plaisant, d’une écoute attentive, de conseils personnalisés ;

de signes de reconnaissance ; de liens sociaux.

Identitaire

un sentiment d’appartenance à une communauté existe, né d’un lien affectif, conatif (habitude) et cognitif (adhésion).

de se reconnaître dans des valeurs partagées avec le personnel (gérant, franchisé, salariés…).

De Processus

le mode de production des produits et services garantit le niveau requis par le consommateur en termes de

qualité, de respect de

l’environnement.

de preuves de la qualité du processus de fabrication et de distribution, du respect du triptyque du développement durable ;

de traçabilité des matières premières et des savoir-faire mobilisés.

Source : Adapté de Bergadaà et Del Bucchia (2009)

La proximité fonctionnelle tend à favoriser la satisfaction des attentes du consommateur par la mise à disposition d’un éventail adéquat de services et/ou de produits, présentés de façon à lui faire gagner du temps et du confort et à réduire en conséquence son « coût de visite » (Bell et alii, 1998)2. Elle prolonge ainsi la proximité d’accès au point de vente.

Un service tel que le PAC pourrait agir :

- sur l’offre des commerces de centre-ville, la rendant plus riche par l’adjonction d’un service différenciant mais aussi en permettant aux clients de penser tous les commerces de centre-ville comme complémentaires et répondant à un ensemble de besoins.

- sur la perception du confort et de la facilité dans l’acte d’achat.

Les proximités relationnelle et identitaire correspondent au volet social de la proximité. La première s’intéresse aux relations interpersonnelles de confiance et d’attachement (se rapprochant de la logique d’appartenance). Avec le vieillissement de la population (Bardin et alii, 2010), la déstructuration des familles et la multiplication des foyers d’une seule personne, la demande de liens sociaux s’accroît, et les commerces de proximité peuvent jouer un rôle relationnel en maintenant, voire développant des liens sociaux dans un quartier. Ils peuvent constituer des points de ralliement, de la jeunesse, de générations variées, ou de personnes du troisième âge. Les personnes âgées, par exemple, qui représentent un marché actuel et futur

2 Un parallèle peut être fait avec le concept anglo-saxon de convenience (pouvant être traduit par la commodité)

qui représente un moyen de diminuer les coûts non-monétaires (en temps, en énergie, en CO2, en opportunité, etc.), engendrés par la consommation d’un produit ou d’un service (Kelley, 1958 ; Kotler et Zaltman, 1971 ; Etgar, 1978).

conséquent, considèrent les courses comme étant un moyen de rencontrer du monde et de créer des liens intergénérationnels (Antéblian et Barth, 2011).

Un service tel que le PAC pourrait renforcer :

- les relations interpersonnelles entre les habitants et les commerçants - la confiance entre les habitants et les commerçants

- l’attachement entre les habitants et les commerçants

La proximité identitaire résulte du partage de valeurs proches, voire communautaires (se rapprochant de la logique de similitude), et s’illustre à travers des commerces construisant leur offre sur des valeurs partagées avec leurs clients (produits bio, insertion professionnelle de personnes en difficulté, logistique « durable » par exemple). Ces proximités relationnelles et identitaires permettent, en outre, de donner à la relation marchande un visage plus social et d’estomper les mobiles marchands attribués par le consommateur à la firme (Filser et Vernette, 2010).

Un service tel que le PAC pourrait agir sur : - le partage de valeurs communes

- l’engagement entre les habitants et le commerce de centre-ville - le sentiment d’appartenance à un groupe (sur des critères variables)

Bergadaà et Del Bucchia (2009) identifient une quatrième dimension de proximité perçue par le consommateur, la proximité de processus, qu’elles définissent comme le contrôle et la traçabilité des processus de fabrication et de distribution. Plus les valeurs exprimées par les consommateurs sont intégrées au processus de distribution et tout au long de la filière, plus la satisfaction du client sera élevée en termes de qualité, de respect de l’environnement…

Un service tel que le PAC pourrait agir sur : - la perception de la qualité de l’offre

Notons toutefois que le travail de ces auteurs, centré sur la perception du consommateur de la qualité et de la traçabilité, ne s’étend guère sur l’organisation du canal de distribution en amont du consommateur. En particulier, il n’explore pas les dimensions de la proximité entre les entreprises du canal de distribution (industriels, grossistes et prestataires de services logistiques, distributeurs), que nous qualifions de proximité inter-organisationnelle. Cette proximité inter-organisationnelle apparaît lorsque des liens étroits sont construits avec l’amont du canal pour concevoir ensemble les meilleurs produits du quotidien et une large palette de services facilitant la vie des habitants du quartier, et pour optimiser l’organisation de la logistique. De même que dans le cas de la proximité de processus, la façon dont la supply chain va se construire sera impactée par les exigences en termes de valeurs (Capo et al, 2014). La proximité inter-organisationnelle renvoie aux liens étroits construits entre des acteurs aux profils et intérêts variés (collectivités publiques, chargeurs, prestataires de services logistiques, association de commerçants, ou de quartier etc.) susceptibles d’interagir pour construire une offre de « solutions », grâce à un système mutualisé. De plus, le consommateur s’implique de plus en plus dans la construction de la supply chain amont (comme par exemple, dans les AMAP). Face à la multiplicité des acteurs, il est nécessaire de souligner l’importance d’un rapprochement cognitif et politique entre les acteurs afin qu’ils partagent des connaissances et des intérêts communs (Talbot, 2010). Ce rapprochement nécessite un travail politique permanent entre les acteurs afin de pouvoir avancer ensemble : il faut identifier les intérêts de chacun et travailler à réduire les divergences tout en légitimant

un rapprochement par des objectifs stratégiques. « Si l'action collective repose sur un travail cognitif de rapprochement des représentations, elle suppose pour exister un travail politique de mise en convergence des intérêts qui seront plus ou moins satisfaits par l'atteinte d'objectifs communs, l'arbitrage entre des intérêts inconciliables, l’imposition de choix qui apparaissent aux acteurs comme finalement légitime, etc. Bref, les acteurs, pour se coordonner, s'opposent autant qu'ils s'associent » (Talbot, 2010, p.129-130).

Un service tel que le PAC pourrait agir sur :

- l’implication des différentes parties prenantes autour des problématiques de centre-ville et de son animation (motivations)

- la coordination des différentes parties prenantes (convergence des objectifs et mode de gouvernance) pour inventer des schémas logistiques durables

Enfin, la proximité prix vis-à-vis du consommateur reste essentielle dans la prise de décision d’achat de produit et/ou d’utilisation de services.

Un service tel que le PAC pourrait agir sur :

- la perception du prix d’un achat en centre-ville par les habitants

Un service au sein d’un commerce peut donc impacter sur plusieurs variables des dimensions de la proximité. Celles-ci sont synthétisées dans la grille d’analyse ci-dessous.

Tableau 2. Grille d’analyse de la proximité du commerce par le service

Dimensions de la proximité

Variables opérationnalisées

Proximité spatiale

ou d’accès Le centre-ville est perçu comme proche par les habitants : en distance, en temps et en termes de facilité d’accès (par tous moyens de transport)

Proximité fonctionnelle

• La qualité de l’offre par l’enrichissement au niveau des services • La perception du centre-ville comme un ensemble de commerces

complémentaires répondant à de nombreux besoins. • L’augmentation du confort dans l’acte d’achat.

• L’augmentation de la facilité dans l’acte d’achat. Proximité

relationnelle

• Qualité et récurrence des relations interpersonnelles entre les habitants et les commerçants

• La confiance entre les habitants et les commerçants • L’attachement entre les habitants et les commerçants Proximité

identitaire

• Le partage de valeurs communes

• L’engagement entre les habitants et le commerce de centre-ville • Le sentiment d’appartenance

Proximité de

processus • la perception de la qualité de l’offre commerciale du centre-ville

Proximité interorganisationnel

le

• L’implication des différentes parties prenantes autour des problématiques de centre-ville

• La coordination des différentes parties prenantes pour inventer des schémas logistiques durables

Chapitre II - Expériences de portage

d’achat : état des lieux