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En l’absence de droits économiques et sociaux explicitement garantis à la

Charte canadienne, face à une atteinte alléguée à l’un de leurs intérêts concernés

par la réalisation de ces droits – comme le droit à un niveau minimal d’assistance sociale, le droit de grève, le droit d’être à l’abri de la faim, le droit à un logement suffisant, etc. –, les individus doivent se tourner vers les droits civils et politiques garantis par cet instrument constitutionnel pour fonder leurs réclamations187.

Dans une logique d’interprétation de la législation interne en conformité avec les obligations internationales canadiennes, à la lumière de nos conclusions énoncées à la section 1, les principes de l’universalisme, de l’interdépendance et de l’indivisibilité des droits fondamentaux guideront les tribunaux dans leur interprétation de la portée des droits garantis par la Charte canadienne. Ces principes dictent qu’aucune cloison étanche ne divise ces deux « catégories » de droits : il ne serait donc ni possible, ni souhaitable de les séparer de façon absolue188. Ils permettent ainsi que des intérêts considérés comme se rattachant aux droits économiques et sociaux – comme ceux concernés par le droit à la subsistance – soient reconnus à travers certains droits civils et politiques, et vice versa.

L’universalisme des droits fondamentaux, d’abord, suppose que l’être humain doit être pris en considération dans sa totalité et reconnait tous les droits sont également nécessaires189. Ce principe s’oppose à celui du relativisme, qui propose plutôt que certains droits puissent dépendre de considérations morales et culturelles190.

Le principe de l’indivisibilité, pour sa part, conçoit les droits comme étant « également nécessaires à la dignité de chaque être humain car chaque être humain

187 Jeff King, « Constitutional Rights and Social Welfare: A Comment on the Canadian Chaoulli Health Care Decision » (2006) 69 Modern Law Review 631 à la p 639.

188 Henry J Steiner, Philip Alston et Ryan Goodman, International Human Rights in Context: Law,

Politics, Morals: Text and Materials, 3ème, Oxford, Oxford University Press, 2008 à la p 247.

189 Marie-Joëlle Redor-Frichot, « L’indivisibilité des droits de l’homme » (2009) 7 Les Cahiers de

a des besoins matériels, physiques, spirituels, politiques, sociaux et culturels. Ils ont tous le même fondement, ils sont en outre tous nécessaires, indispensables pour que chacun puisse bénéficier effectivement de tous les droits »191.

À ce propos, il est intéressant de noter que l’approche privilégiée à l’égard des

Pactes internationaux – soit l’adoption de deux traités à être ratifiés individuellement – se distingue de celle privilégiée lors de l’élaboration de la Déclaration universelle,

qui se gardait de hiérarchiser les droits, plaçant les droits économiques et sociaux et les droits civils et politiques sur un pied d’égalité.

Le principe de l’interdépendance conditionne quant à lui l’interprétation des droits en prescrivant qu’ils sont complémentaires. Ainsi, l’effectivité des droits civils et politiques est intimement liée à la prise en compte des considérations économiques et sociales dans lesquelles ils sont appelés à s’exercer, et vice versa192.

Ce dernier principe est primordial à notre analyse en ce qu’il en découle que tout droit comporte une dimension économique et sociale dès lors qu’on s’intéresse à ses conditions concrètes d’exercice et qu’on vise sa pleine effectivité193 : la violation d’un droit économique ou social est susceptible de compromettre l’exercice d’autres droits fondamentaux, notamment de certains droits civils et politiques, et réciproquement194. Ainsi, il existe une corrélation directe entre les droits énoncés au

PIDESC et de nombreux droits civils et politiques énoncés à la Charte canadienne.

En l’espèce, notre analyse se limite au lien qui existe entre le droit à la subsistance et deux droits civils et politiques garantis par le Charte canadienne, soit

191 Redor-Frichot, supra note 189, à la p 77. 192 Ibid à la p 79.

193 Ibid à la p 78.

194 Par exemple, un individu qui n’a pas les ressources suffisantes pour se nourrir adéquatement risque de souffrir de malnutrition et de maladie, ce qui peut porter atteinte à son droit à la vie. Haut- Commissariat aux droits de l’Homme, Le droit à une alimentation suffisante – Fiche d’information

no 34, en ligne, Nations Unies : http://www.ohchr.org/Documents/Publications/FactSheet34fr.pdf,

à la p 7; Marius Pieterse, « The Legitimazing/Insulating Effect of Socio-Economic Rights », (2007)

le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité ainsi que le droit à l’égalité, garantis respectivement aux articles 7 et 15(1).

Dans son Observation générale no 9, le CDESC se penche sur l’importance des principes de l’indivisibilité et de l’interdépendance pour améliorer la réalisation des droits économiques et sociaux :

L'adoption d'une classification rigide des droits économiques, sociaux et culturels qui les placerait, par définition, en dehors de la juridiction des tribunaux serait, par conséquent, arbitraire et incompatible avec le principe de l'indivisibilité et de l'interdépendance des deux types de droits de l'homme. Elle aurait en outre pour effet de réduire considérablement la capacité des tribunaux de protéger les droits des groupes les plus vulnérables et les plus défavorisés de la société195.

L’importance des principes de l’universalisme, de l’indivisibilité et de l’interdépendance a été réitérée à de multiples occasions par la communauté internationale196, en plus d’avoir été reconnue par le gouvernement canadien197.

Dans cette optique, nous soutenons à la présente section que les articles 7 et 15(1) de la Charte canadienne, bien qu’il constitue des droits civils et politiques, pourraient désormais être interprétés comme englobant de nombreuses composantes du droit à la subsistance tel que garanti par les articles 9 et 11 du

PIDESC. Pour ce faire, nous réévaluerons la portée normative et matérielle des

articles 7 et 15(1) de manière à ce qu’ils accordent « une protection au moins aussi grande que les instruments internationaux ratifiés par le Canada en matière de droits

195 Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n 9 : Application du

Pacte au niveau national, E/C12/1998/24, coll 19ème session, Nations Unies, 1998 au para 10.

196 Proclamation of Teheran, Final Act of the International Conference on Human Rights, Teheran, 22 avril au 13 mai 1968, U.N. Doc. A/CONF. 32/41, article 13; Nations Unies, Autres méthodes et

moyens qui s'offrent dans le cadre des organismes des Nations Unies pour mieux assurer la jouissance effective des droits de l'homme et des libertés fondamentales, U.N. Doc. A/RES/32/130,

16 décembre 1977; Déclaration et Programme d'action de Vienne, adopté lors de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, 14-25 juin 1993, Vienne, Autriche. Texier, supra note 104 à la p 463.

197 Gouvernement du Canada, « Le Canada et le système des droits de la personne des Nations Unies, Gouvernement du Canada », en ligne : Gouvernement du Canada

de la personne »198, en respect des développements jurisprudentiels présentés à la section 1.

Afin d’établir ce qui constitue l’état du droit international en matière de droit à la subsistance – qui constituerait ainsi le seuil de protection minimal que ces dispositions constitutionnelles sont présumées garantir à travers une interprétation respectueuse des arrêts de la Cour suprême abordés à la précédente section –, nous nous fonderons d’abord sur le texte du PIDESC lui-même. Son article 2(1) constitue une source persuasive d’importance majeure en ce qu’il expose la nature des obligations juridiques générales assumées par le Canada en tant qu’État partie à ce traité:

Chacun des États parties au présent Pacte s'engage à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives199.

Lorsque cela s’avère pertinent, nous nous réfèrerons également aux divers documents interprétatifs qui visent à clarifier les droits garantis par ce traité et leur application. Ces documents, s’ils ne sont pas contraignants ou obligatoires en droit200, constituent une précieuse source d’information quant à leur contenu et à leurs implications201.

À ce titre, les Observations générales du CDESC, d’abord, renseignent sur l’application concrète des dispositions du PIDESC et en bonifient la substance en expliquant leur contenu, intention et signification juridique202. À travers ces

198 Health Services, supra note 24, au para 70.

199 Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale no 3 : La nature

des obligations des États parties (art.2 par.1 du PIDESC), 5ème session, 14 décembre 199, au para 1 [Observation générale n° 3 du CDESC].

200 Institut professionnel de la fonction publique du Canada, supra note 171 à la p 7 et ss. 201 Texier, supra note 104 à la p 482.

202 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, Droits économiques, sociaux et

culturels, Manuel destiné aux institutions des droits de l’homme, coll Série sur la formation

professionnelle no 12, Nations Unies, 2014 à la p 19, en ligne : <http://www.ohchr.org/Documents/Publications/HR_P_PT_12_NHRI_fr.pdf>.

documents, le CDESC a explicité les trois niveaux d’obligations qui reposent sur les États parties au PIDESC afin d’assurer la pleine réalisation des droits qu’il garantit au sens de l’article 2(1) – soit l’obligation de respecter, de protéger et de donner effet – en plus d’élaborer sur la notion de « noyau essentiel » des droits qui, comme il en sera plus discuté à la section 2.1.1.1, réfère à ses aspects fondamentaux, que les États parties ont l’obligation immédiate d’assurer au maximum de leurs ressources203.

Les Principes de Limburg de 1986 et les Directives de Maastricht204de 1993 constituent deux sources interprétatives supplémentaires sur lesquelles nous fonderons certaines parties de notre analyse. Issus de groupes d’experts dans le domaine des droits fondamentaux, ils sont considérés par l’ONU comme une interprétation autorisée des dispositions du PIDESC, dont ils précisent la portée ainsi que les obligations des États et leur marge de manœuvre205.

Nous entamerons donc maintenant le cœur de notre analyse en démontrant comment les développements jurisprudentiels analysés à la section 1 sont susceptibles de favoriser une meilleure reconnaissance du droit à la subsistance en droit canadien. Pour ce faire, nous traiterons d’abord (2.1) des trois principaux arguments qui sont invoqués – généralement avec succès – pour rejeter la prétention selon laquelle les intérêts concernés par la réalisation du droit à la subsistance sont inclus de la portée normative de la Charte canadienne. Ces arguments ont jusqu’à maintenant fait obstacle à la reconnaissance de nombreux intérêts socio-économiques à travers la Charte canadienne, en ce qu’ils amènent les tribunaux à rejeter le litige devant eux avant même d’avoir entamé leur analyse quant à l’inclusion de ces intérêts aux articles 7 et 15(1).

Une fois ces arguments révisés à travers le principe interprétatif de la présomption de conformité, nous nous pencherons (2.2) sur l'étendue matérielle des

203 Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale no 3 : La nature

des obligations des États parties (art.2 par.1 du PIDESC, coll 6ème session, Nations Unies, 1991 au

para 10.

204 Directives de Maastricht relatives aux obligations extraterritoriales des États dans le domaine des

articles 7 et 15(1) au regard de la jurisprudence récente de la Cour suprême; il sera démontré qu’une fois interprétées de manière à offrir une protection au moins équivalente aux obligations internationales canadiennes, ces dispositions pourraient permettre la reconnaissance de nombreux intérêts liés à la réalisation du droit à la subsistance tel que protégé aux articles 9 et 11 du PIDESC.

2.1) Révision des arguments invoqués pour faire obstacle à la protection des composantes du droit à la subsistance à travers la Charte canadienne

Dans le cadre d’un recours en contrôle de constitutionnalité, pour qu’analyse judiciaire sur la protection implicite du droit à la subsistance à travers les droits énoncés à la Charte canadienne soit entreprise par un tribunal, il est nécessaire que cette loi constitutionnelle soit considérée applicable au litige. De nombreux arguments visant à établir qu’un litige se situe hors du champ de protection de la

Charte canadienne ont ainsi été invoqués avec succès dans la vaste majorité de

litiges où il était allégué qu’un intérêt concerné par la réalisation du droit à la subsistance – comme le droit à des prestations suffisantes de sécurité sociale dans l’arrêt Gosselin – était protégé sous une disposition qu’elle garantit.

Ces derniers sont principalement liés au pouvoir des tribunaux de traiter de certaines questions, soit que 1) la Charte canadienne ne protège pas les intérêts économiques des individus, 2) qu’elle se contente de limiter le pouvoir des autorités étatiques de porter atteinte aux droits qu’elle protège sans toutefois leur imposer l’obligation d’adopter des mesures pour assurer leur réalisation, et 3) que les tribunaux n’ont pas la légitimité pour traiter des questions socio-économiques et budgétaires qui sont liées à la résolution des litiges impliquant les droits économiques et sociaux.

2.1.1) L’exclusion des intérêts économiques de la protection de la Charte

canadienne

L’objection de l’exclusion des droits économiques – au sens de droits économiques de la propriété – du champ de protection de la Charte canadienne a principalement fait obstacle aux réclamations où il était demandé au tribunal de déclarer qu’une mesure étatique portait atteinte à l’une des composantes du droit à la subsistance sous l’article 7.

En effet, quant à l’article 15(1) de la Charte canadienne, il est intéressant de noter que cet argument n’a jamais justifié le rejet d’une réclamation visant à faire reconnaitre un de ces intérêts socio-économiques; au contraire, la Cour suprême a reconnu en 2003 dans l’arrêt Martin qu’à partir du moment où une réclamation est assortie d’une explication quant à la façon dont la dignité d’un individu est affectée, le fait qu’elle porte sur des intérêts économiques ne peut justifier à lui seul son rejet206. L’argument économique n’est d’ailleurs généralement pas invoqué dans le cadre des litiges où un tribunal doit déterminer si une mesure socio-économique porte atteinte au droit à l’égalité, et ce, même lorsqu’il a fait obstacle à une analyse sous le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité. Par exemple, dans Gosselin, alors que la majorité doute que l’article 7 puisse être interprété comme englobant le droit à un niveau minimal d’assistance étatique sur le fondement de l’exclusion des intérêts économiques de la portée normative de cet article, elle entame son analyse quant à la conformité du régime de sécurité sociale au droit à l’égalité sans aborder cet argument207.

À l’égard de la protection des intérêts économiques sous l’article 7, la préoccupation centrale est de déterminer si une mesure étatique qui a un impact sur

206 Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c Martin; Nouvelle-Écosse (Workers’

Compensation Board) c Laseur, [2003] 2 RCS 504 au para 103 [Martin].

207 Voir également R v Banks, 2007 ONCA 19 [Banks]; Melanson et al c Nouveau-Brunswick

la vie, la liberté ou la sécurité d’un individu, tout en présentant une facette économique, est couverte par l’article 7208.

Certains ont soutenu que le libellé de l’article 7 témoigne de la volonté du législateur qu’il ne soit pas appliqué au contrôle des mesures étatiques socio- économiques, notamment vu l’absence du mot « propriété »209. Le professeur Peter W. Hogg, parmi d’autres, adhère à cette conception de l’article 7, considérant que ce choix rédactionnel indique que le législateur prévoyait exclure ces mesures de sa protection210, une position qui fut à maintes reprises invoquée par les tribunaux pour refuser d’y inclure certains intérêts socio-économiques211. La professeure Martha Jackman considère au contraire que si l’historique législatif de l’article 7 témoigne de la volonté du législateur d’exclure les intérêts liés au droit de propriété et à l’usage de la propriété privée, il est inexact d’affirmer que ce rejet s’étend à toutes les réclamations visant la reconnaissance d’un intérêt économique individuel212.

Bien qu’il ressorte nettement de la jurisprudence de la Cour suprême que les droits énoncés à la Charte canadienne ne garantissent pas les intérêts de nature purement pécuniaire213, son traitement des intérêts économiques liés à la vie et à la survie est plus ambigu. Dans l’arrêt Irwin Toy214, rendue sept années après l’adoption de la Charte canadienne, la Cour suprême énonce que si les intérêts économiques des sociétés ne bénéficient pas de la protection constitutionnelle du droit à la sécurité, il est encore trop tôt dans l’interprétation de cette loi constitutionnelle pour se prononcer sur l’inclusion des intérêts concernés par les droits économiques fondamentaux à la vie et à la survie de la personne au sein de cet article215. Dans

208 Banks, supra note 207 au para 81; Masse, supra note 36 au para 222.

209 Abbotsford (City) v Shantz, 2015 BCSC 1909 au para 176 [Abbotsford (City)]; A and L Investments

Ltd v Ontario, [1997] OR (3d) 127 à la p 14.

210 Peter W Hogg, Constitutional Law of Canada, 2016 Student, Toronto, Carswell, 2016 à la p 47.6; Peter W Hogg, « The Brilliant Career of Section 7 of the Charter » [2012] 2d SCL Rev 195 à la p 198. 211 Voir notamment Masse, supra note 36 au para 226; Abbotsford (City), supra note 209 au para 176;

Conrad v Halifax (County), 1993 à la p 22 [Conrad]; R v Banks, supra note 207 à la p 36.

212 Martha Jackman, « Poor Rights: Using the Charter to Support Social Welfare Claims » (1993) 19

Queen’s Law Journal 65 à la p 76.

213 Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb), supra note 73 au para 90; A and

L Investments Ltd v Ontario, supra note 209 à la p 14.

214 Irwin Toy Ltd c Québec (Procureur général), [1989] 1 RCS 927 [Irwin Toy]. 215 Ibid à la p 1004.

plusieurs de ses décisions subséquentes, la Cour suprême réitère qu’il est possible que l’article 7 protège un jour certains intérêts économiques, sans toutefois aller jusqu’à considérer que les faits devant elle justifient une pareille conclusion216.

Il s’agit jusqu’à maintenant de la position suivie par les tribunaux inférieurs, ces derniers ayant refusé de reconnaitre que cette disposition, de façon générale217, puisse inclure des intérêts économiques218.

Comme nous l’expliquerons maintenant, privilégier une interprétation du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité qui offre une protection au moins équivalente à celle qui découle du PIDESC signifie certainement réviser l’approche actuelle des tribunaux au bénéfice d’une interprétation élargie, qui englobe certains intérêts économiques concernés par le droit à la subsistance.

Il ressort des articles 9 et 11 du PIDESC et des Observations générales du CDESC que la pleine réalisation du droit à la subsistance présuppose parfois l’obligation, pour les États parties, de fournir des prestations en nature, en biens ou en services aux individus219 par l’attribution de fonds publics220, au maximum de leurs ressources221. Si cette obligation est généralement progressive, ils ont tout de même l’obligation immédiate d’assurer le « noyau essentiel » de ce droit aux individus dans

216 Voir notamment Gosselin, supra note 31, para 81; Renvoi relatif à l’art 193 et à l’al 1951(1)c) du

code criminel (Man), [1990] 1 RCS 1123, à la p 1140: «Je tiens à préciser ici que cette affaire n'est

pas appropriée pour décider si la "liberté" ou la "sécurité de la personne" pourrait jamais s'appliquer à un intérêt qui comporte un élément économique, commercial ou relatif à la propriété.» [Renvoi

relatif à l’art. 193 et à l’al. 195.1(1)c) du Code criminel]; R c Morgentaler, [1988] 1 RCS 30, au para

20: «Il n'est pas nécessaire en l'espèce de se demander si le droit va plus loin et protège les intérêts primordiaux de l'autonomie personnelle» [Morgentaler]; Martha Jackman, « The Other Section 7» (2013) 62 SCL Rev (2d) 3 à la p 9; Lorne Sossin, Boundaries of Judicial Review: the Law of

Justiciability in Canada, Toronto, Carswell, 2012, à la p 3.

217 Il est intéressant de noter que la nature économique de certains intérêts n’a toutefois pas fait obstacle à leur reconnaissance sous l’article 7, par exemple le droit des mères célibataires bénéficiaires d’assistance sociale de ne pas voir le montant de leurs prestations affecté par leur cohabitation avec un homme : R v Rehberg, 1993 [Rehberg]; Falkiner v Ontario (Minister of

Community and Social Services), [2002] 59 OR (3d) 481.

218 Voir notamment Melanson et al c Nouveau-Brunswick (Procureur général) et al, supra note 207 au para 4; Abbotsford (City), supra note 209 au para 176; Bernard v Dartmouth Housing Authority,

supra note 207 à la p 2.

219Alors que l’article 9 énonce « le droit de toute personne à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales », l’article 11 dispose que les « États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit ».

le besoin, soit de leur assurer « un niveau essentiel de prestations, qui leur permette de bénéficier au moins des soins de santé essentiels, d’un hébergement et d’un

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