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propriétés tribologiques

Introduction générale du chapitre II

Les articulations synoviales sont des systèmes tribologiques exceptionnels, car elles garantissent la mobilité du squelette tout au long de la vie. Généralement, leur efficacité est caractérisée par un coefficient de friction (CoF) très faible et aucune usure des surfaces jusqu'à des pressions de plusieurs mégapascals et des vitesses de glissement allant jusqu'à 10

6-7 s-1.1 Néanmoins, peu de dispositifs médicaux ou bancs de simulation ne sont capables de reproduire totalement les mécanismes complexes de la friction et de la résistance à l'usure des articulations. De plus, aucun traitement curatif n'existe à ce jour permettant de stopper ou même ralentir la dégénérescence du cartilage qui est le résultat de pathologies comme l'OA. Dans l'optique de développer un fluide lubrifiant permettant de pallier la dégradation des molécules jouant un rôle prépondérant sur la lubrification des articulations lors de l'OA, nous nous sommes intéressés au traitement intra-articulaire de viscosupplémentation qui consiste en l'injection de l’acide Hyaluronique (HA), un glycosaminoglycane (GAG), principale molécule du fluide synovial (SF) et longtemps considéré comme la macromolécule responsable de cette lubrification. En effet, durant l'avancement de l'OA, HA, ainsi que d’autres macromolécules sont sélectivement dégradés par des enzymes, d'où l'idée de réintroduire du HA de haut poids moléculaire et à concentration naturelle de l'ordre de quelques milligrammes par millilitre. De plus, HA possède des propriétés anti-inflammatoires2. Généralement, ce traitement est constitué d'une seringue de ~ 2 mL comportant du HA de haut poids moléculaire solubilisé à ~ 10 mg/mL dans un tampon isotonique et est commercialisé sous les noms de SYNVISC®, SINOVIAL®, SYNOCROM®, STRUCTOVIAL®, SINOVIAL®, OSTENIL®, GO-ON®, EUFLEXXA®, DUROLANE®, ARTHRUM®, ADANT® en tant que dispositifs médicaux tandis que l'injection HYALGAN® est classée comme un médicament. Néanmoins, il est maintenant reconnu que HA ne joue pas un rôle direct majeur sur la lubrification, mais permet de

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maintenir par enchevêtrements et autoassemblage les glycoprotéines et phospholipides lubrifiants dans les zones de contact entre les deux surfaces cartilagineuses3-4.

Jusqu'à présent, plusieurs stratégies ont été étudiées pour lubrifier et protéger les surfaces articulaires. L'extraction des molécules du fluide synovial et leur utilisation a posteriori n'ont pas permis de retrouver les mêmes propriétés tribologiques que celles rencontrées dans les articulations saines du fait de la complexité de leur mode d'action, résultat de mécanismes synergiques entre les différentes molécules du SF et la structure du cartilage3. Le greffage de brosses de polymères biocompatibles , inspirée de la structure de la lubricine ou l'aggrécane adsorbée sur des surfaces articulaires, a permis d'obtenir des revêtements très lubrifiants jusqu'à des pressions de plusieurs dizaines de mégapascals5-7. Ce concept de lubrification requiert cependant une modification chimique des surfaces, ce qui n'est pas envisageable in vivo, mais est très pertinent pour la fonctionnalisation de surface de prothèse pour les rendre davantage biofonctionnelles et limiter leur usure. Finalement, certains groupes de recherche se sont intéressés au développement d'écouvillons moléculaires, en tant que mimes polymériques de la lubricine ou de l'aggrécane, capables de s'adsorber sur les surfaces et de garantir une bonne lubrification8-9. Ces mimes polymériques sont une des thématiques d'étude du Laboratoire Biomatériaux et Interfaces Structurées du Pr Xavier Banquy à l'Université de Montréal. Une preuve de concept prometteuse a d'ailleurs été présentée10 en étudiant le comportement aux interfaces d'un écouvillon moléculaire capable de fournir un CoF aussi faible que μ =0.0115 (Fig. 2.1) à une pression de 2.1 MPa.

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Figure 2.1. Représentations schématiques (A) du PG Lubricine et (B) de l'écouvillon

moléculaire mime tribloc de la Lubricine. (C) Structure chimique du mime polymérique10.

À travers ce chapitre, nous souhaitons développer un SF synthétique pour la tribosupplémentation articulaire capable de lubrifier avec des CoF dans la gamme physiologique et résister à des pressions de plusieurs dizaines d'atmosphères. Ce SF est constitué d'un polymère, structuré en écouvillon moléculaire, mime des macromolécules lubrifiantes en combinaison avec du HA directement injectable dans l'articulation.

77 Introduction de la partie 1

Les macromolécules que l'on retrouve dans les articulations synoviales remplissent des rôles cruciaux dans la lubrification de nos articulations11. La lubricine, se retrouve à la surface du cartilage et peut, grâce à des groupements d'ancrage spécifiques (Fig. 2.2), s'auto-assembler et former une couche lubrifiante et protectrice en surface du cartilage avec l'HA. Au contraire, l'aggrécane forme des complexes très hydratés emprisonnés au sein de la matrice extracellulaire du cartilage1, 12. Sa fonction est d'augmenter les propriétés mécaniques du cartilage sous contrainte grâce à la pression osmotique générée (Fig. 2.2). Dans les deux cas, ces macromolécules possèdent un domaine central en peigne avec des chaines latérales hydrophiles et négativement chargées, constituées principalement de motifs sucrés pour la lubricine et de GAG chondroïtine sulfate et de kératane sulfate pour l'aggrécane (Fig. 2.2). Ce domaine central est couplé à des domaines globulaires qui permettent l'ancrage spécifique sur des surfaces physiologiques et leur assemblage sous contrainte. Les chaines latérales pendantes très hydrophiles sont responsables de l'excellente lubrification, car elles empêchent l'interpénétration des macromolécules entre elles en raison de la gêne stérique engendrée par une grande densité de greffage et aux forces d'hydratation répulsives générées par les têtes hydrophiles très hydratées.

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Figure 2.2. Structure des macromolécules impliquées dans la lubrification articulaire. Hyaluronan : le motif disaccharide constitutif de l'acide hyaluronique, Lubricin : le domaine

central en peigne est fortement glycosylé et comporte quelques chaines de GAG (chondroïtine sulfate). Latéralement sont disposés des domaines globulaires 2-somatomedin B (SMB) (du coté mine terminale) et haemopexin (PEX) (du coté acide carboxylique terminal). Le domaine du côté amine terminal créé des liaisons disulphide entre deux lubricines pour son

autoassociation13. Aggrecan : à gauche, le domaine central en peigne est constitué de chaines

de GAG, chondroïtine sulfate pour les plus longues et kératane sulfate pour les plus courtes. Latéralement, trois domaines globulaires (G) jouent des rôles différents. Le domaine G1 est notamment impliqué dans la liaison à l'HA. À droite, une image de SEM d'un complexe HA-Aggrécane composé d'un squelette central d'HA et de chaines latérales d'aggrécane (barre

d'échelle 500 nm). Extrait de la référence11.

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L’hypothèse centrale de ce travail est que la structure peigne (domaine central fortement greffé et groupements latéraux facilitant l'ancrage) ainsi que la nature chimique des composants des molécules lubrifiantes (domaines fortement hydratés) sont les principales causes de l'excellente lubrification articulaire.

Dans cette partie, nous avons conçu un mime bioinspiré de ces macromolécules, ne possédant pas de groupement d'ancrage, afin de déterminer sa capacité à induire une résistance à l'usure et à réduire le coefficient de frottement. Le domaine central en peigne a été constitué avec des motifs polyzwitterioniques très hydrophiles et biocompatibles de phosphoryle choline, motif omniprésent dans les fluides articulaires grâce à la présence des phospholipides. Ce mime a été synthétisé par ATRP qui est une technique de polymérisation qui permet d'obtenir des architectures complexes avec une très faible dispersité14-15. Ce polymère a été testé tribologiquement à l'échelle moléculaire en utilisant le SFA et à l'échelle macroscopique en utilisant un tribomètre, spécialement conçu pour l'étude. Les surfaces utilisées pour caractériser l'usure ont été d'une part, le mica qui est une surface non poreuse, dure et négativement chargée en milieu aqueux et d'autre part, des hydrogels qui sont des surfaces poroélastiques neutres à pH 7.416. Dans les deux cas, ces surfaces s’usent très rapidement si le lubrifiant ne joue plus son rôle protecteur. Cela permet donc une mesure directe in vitro de l'efficacité du mime polymérique par caractérisation a posteriori de l'état de surface du substrat. Finalement, afin de ressembler encore plus au SF et de se comparer aux solutions de viscosupplémentation commerciales, des HA de différentes masses molaires ont été caractérisés tribologiquement avec ou sans notre mime polymérique17. Les différentes masses molaires ont été choisies pour mimer l'avancement de l'OA qui se caractérise également par une dégradation progressive du HA.

Cette étude fait l'objet d'une publication parue dans le Journal de l'American Chemical Society, ACS Nano, publiée le 2 janvier 201718 et intitulée : Wear Protection Without Surface

Modification Using a Synergistic Mixture of Molecular Brushes and Linear Polymers. Le

polymère a été conçu conjointement par le laboratoire Biomatériaux et Interfaces Structurées du Pr Xavier Banquy, et le laboratoire Matyjaszewski Polymer Group du Pr Krzysztof Matyjaszewski. La synthèse a été effectuée par les Dr Joanna Burdynska et Dr Guojun Xie du laboratoire du Pr Matyjaszewski. Les expériences de tribologie ont été effectuées par le Dr Buddha R. Shrestha (étude SFA) et moi-même (étude SFA, tribomètre et interféromètre) au sein des laboratoires du Pr Xavier Banquy pour le SFA et le Laboratoire de Tribologie et de Dynamique des Systèmes du Pr Stéphane Benayoun pour le tribomètre. Les hydrogels ont été

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fabriqués et caractérisés dans l’équipe Matériaux Polymères à l’Interface avec les Sciences de la Vie du Laboratoire Ingénierie des Matériaux Polymères (groupe animé par Pr Laurent David et Pr Thierry Delair).

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Wear Protection Without Surface Modification Using a

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