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1.4 Propriétés macroscopiques des bétons recyclés

1.4.3 Propriétés de transfert

Les propriétés de transfert des bétons en général dépendent de la connectivité et de la tortuosité des pores capillaires présents au sein de la microstructure. Initialement, remplies d’eau au jeune âge, ils se vident une fois le béton durci laissant place à des cavités qui

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deviennent des trajets privilégiés pour les agents agressifs. Ainsi, le réseau capillaire des bétons joue un rôle fondamental dans leurs propriétés de durabilité. Le cas particulier des bétons recyclés revêt un aspect encore plus important compte tenu de la porosité importante des granulats recyclés. La substitution totale des granulats naturels par des granulats recyclés entraîne inévitablement une augmentation du réseau poral du béton et par conséquent de ses propriétés de transfert. Cependant, il convient de noter que, contrairement à ce que l’on peut intuitivement penser, l’augmentation de la porosité d’un matériau n’influence pas directement sa capacité à se laisser pénétrer par un liquide. En effet, en absence d’une interconnectivité des pores, un matériau peut bien être poreux mais demeurer imperméable.

1.4.3.1 Porosité et perméabilité

La porosité d’un béton est définie comme le volume du vide dans le béton rapporté au volume total du béton. De ce fait, ce paramètre dépend du rapport e/c du béton. En effet, plus ce rapport est élevé, plus la porosité du béton augmente. Ce phénomène est dû au fait que pour de grands rapports e/c, la microstructure du béton regorge d’un surplus d’eau (n’ayant pas servi à l’hydratation du ciment) qui s’évapore une fois le béton durci. Ce qui laisse ainsi du vide dans le béton. Pour les bétons recyclés, cette propriété est amplifiée par la nature poreuse de l’ancien mortier qui fait partie des granulats recyclés. Zaharieva et al. [119] ont montré que la porosité d’un béton augmente avec la substitution des granulats et (ou) des sables naturels par des granulats recyclés. Ils ont ainsi réalisé des essais de porosité et de perméabilité à l’eau à 28 jours sur du béton naturel et des bétons recyclés (100% de substitution) tout en gardant la quantité de ciment constante. Les résultats (Tableau (1.8)) montrent que la porosité ainsi que la perméabilité d’un béton sont très sensibles à la nature du sable et du granulat.

Béton naturel RAC 1 RAC 3 Références

Porosité (%) 7,2 23,1 19,7 [119]

Perméabilité à l’eau (×10−20m2) 0,8±0, 1 1,4±0, 3 2,4 ±0, 5 [119]

Tab. 1.8 – Porosité et perméabilité à l’eau du béton naturel et du béton recyclé. (RAC1 et RAC3 sont des bétons contenant 100% de sable et granulats recyclés. RAC1 contrairement à RAC3 contient des granulats recyclés partiellement saturés d’eau, moins de sable recyclé que RAC3, et plus de granu- lats recyclés (6/12mm) que RAC3 )

Ces résultats montrent que la substitution totale du sable et des granulats naturels provoque une augmentation de la porosité et de la perméabilité à l’eau (jusqu’à un fac- teur de 3). De plus, ces propriétés dépendent du degré de saturation d’eau des granulats

1.4. Propriétés macroscopiques des bétons recyclés ou sable recyclé ce qui justifie la perméabilité importante de RAC3 comparé au RAC1 contrairement à la porosité.

Par ailleurs, la perméabilité au gaz du béton est sa capacité à se laisser traverser par un gaz sous l’effet d’un gradient de pression. De ce fait, elle dépend beaucoup du réseau capillaire (notamment de la porosité et de la tortuosité) du béton et donc de sa composition. En effet la perméabilité au gaz augmente avec le rapport e/c [70]. Dans le cas des bétons recyclés, et pour un rapport e/c fixé, la perméabilité au gaz est plus importante que celle des bétons naturels à cause de la nature poreuse des granulats recyclés [109]. De plus, elle peut aussi dépendre du taux de substitution et de la nature poreuse des éléments substitués. En effet, Quebaud [92] montre que la perméabilité des bétons recyclés augmente avec le taux de substitution des granulats naturels par des granulats recyclés et que la substitution du sable naturel accentue cette augmentation. Zaharieva et al. [119] trouvent que la perméabilité au gaz est doublée pour une substitution totale des GN par des GR alors qu’elle est multipliée par un facteur de 11 lorsqu’on substitue en plus le sable naturel par le sable recyclé. Néanmoins, il convient de noter que l’augmentation de la perméabilité au gaz aussi bien pour les bétons naturels que pour les bétons recyclés peut être atténuée par l’utilisation des additions minérales (laitiers, cendres volantes, fumée de silice) qui ont pour objectif d’obstruer les espaces dans les pores capillaires.

1.4.3.2 Diffusion des ions chlorures

Le coefficient de diffusion des ions chlorures d’un béton traduit sa capacité à favoriser la pénétration des ions chlorures en solution. C’est un paramètre fondamental dans l’éva- luation des propriétés de durabilité des bétons, surtout dans les structures ferraillées. Les ions chlorures (Cl−) particulièrement ne sont pas dangereux pour le béton ; cependant,

lorsque leur concentration devient élevée localement, ils peuvent provoquer la corrosion très localisée des armatures (piqûres de corrosion).

Fig. 1.9 – Piqûre de corrosion (localisée) due aux ions chlorures.

De plus, tout comme le phénomène de carbonatation qui se manifeste par des éclats de béton ou des fissures, l’attaque des ions chlorures se traduit en plus par l’écoulement des produits de corrosion.

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et s’y propagent par diffusion. De ce fait, la porosité du béton ainsi que son réseau ca- pillaire jouent un rôle fondamental dans sa capacité à s’opposer à la propagation de ces agents agressifs. Sur le plan de la composition du béton, le rapport e/c et la présence ou non des fines (cendres volantes, laitiers, fumée de silice) sont autant de paramètres à même d’influencer la résistance des bétons face aux ions chlorures. Dans le cas des bétons recyclés, le coefficient de diffusion est beaucoup plus élevé que celui des bétons naturels pour un même rapport e/c. En effet, la porosité très élevée des granulats recyclés (due à l’ancien mortier et aux nombreuses zones d’interfaces) augmente le réseau capillaire ainsi que les pores connectés. Les ions chlorures en solution disposent donc de plus de canaux de propagation comparativement aux bétons naturels. Enfin, les microfissures (induites lors du concassage) présentes dans les granulats d’origine rendent ces derniers plus perméables et augmentent ainsi les voies de diffusion des ions chlorures dans les bétons recyclés. Des études sur le béton recyclé estiment entre 20 et 50%, l’augmentation du coefficient de dif- fusion des bétons avec 100% de substitution des GN par des GR [85,109]. Bien évidement, ces chiffres peuvent varier sensiblement lorsqu’on substitue aussi les sables naturels par les sables recyclés. Néanmoins, dans des récents travaux, Thomas et al. [109] montrent qu’on peut bien améliorer les propriétés de diffusion des bétons recyclés en jouant sur les paramètres tels que le rapport e/c ou sur la quantité d’additions minérales.

1.4.3.3 Carbonatation

Elle se traduit par la réaction de la chaux libre (portlandite) présente dans le béton avec le dioxyde de carbone atmosphérique (Ca(OH)2+CO2 → CaCO3+H2O). En effet,

au contact de l’air ambiant, le CO2 pénètre dans le béton à travers le réseau de pores

ou de fissures situé à la surface et à l’intérieur du béton et réagit avec la portlandite qui contrôle la basicité de la solution interstitielle du béton (pH = 12 − 13). La basicité de la solution interstitielle garantie la protection des armatures dans les structures ferraillées. En cas d’épuisement de la portlandite suite à sa réaction avec le CO2 atmosphérique,

on assiste à une acidification de la solution interstitielle rendant cette dernière incapable d’assurer la protection de l’acier contre la dépassivation , ce qui entraîne la corrosion des armatures. Dans la pratique, la prise en compte de la propriété de carbonatation se traduit par la composition du béton en fonction de la classe d’exposition ; l’objectif étant de freiner le front de carbonatation le plus longtemps possible afin d’éviter son contact avec les armatures dans les structures ferraillées. Des auteurs [103, 110] recommandent d’ailleurs l’utilisation d’additions minérales (censées obstruer les porosités et donc freiner la pénétration du dioxyde de carbone dans le béton).

Les bétons recyclés de leur côté sont moins résistants à la carbonatation à cause de leur porosité importante et aussi compte tenu de la nature souvent carbonatée des granu- lats recyclés. En effet, dans les travaux récents [58,71], les auteurs montrent à travers un

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Fig. 1.10 – Attaque des structures en béton armé par le CO2 atmosphérique.

Fig. 1.11 – Test à phénolphtaleine

essai de carbonatation accéléré que la substitution de 60% de granulats naturels par les granulats recyclés provoque une augmentation de la profondeur de carbonatation de 62%. Dans le même cadre, Silva et al. [103] montrent qu’il existe une relation linéaire entre le taux de substitution des GN par des GR et la profondeur de carbonatation. De plus, cette dernière s’accentue lorsqu’on substitue le sable naturel par le sable recyclé (Fig.1.12). Par ailleurs, le rapport e/c du béton recyclé peut aussi influencer sa résistance à la carbona- tation. Ainsi, Otsuki et al. [85] ont montré que l’augmentation du rapport e/c diminue la résistance des bétons recyclés à la carbonatation ; ceci étant due à l’augmentation du réseau des pores dans le béton pour des rapports e/c de plus en plus élevés.

Fig. 1.12 – Influence des granulats et du sable recyclés sur la profondeur de carbonata- tion des bétons [103].

Enfin, l’utilisation d’additions minérales permet de freiner le front de carbonatation dans les bétons d’atténuer les effets négatifs (porosité et perméabilité élevées) dûs à l’in- troduction des granulats recyclés [71, 110].

Le béton subit aussi d’autres phénomènes comme le gel-dégel, les réactions sulfatiques internes qui peuvent aussi dépendre de la nature des granulats ou du sable (naturels ou recyclés)

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