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1.2.4.1 Métabolisme et dégradation de la toxine T-2.

Aucune donnée n’est disponible sur le métabolisme de la toxine T-2 et la toxine HT-2 chez l’homme. Par contre chez les animaux, la toxine T-2 est rapidement absorbée après ingestion dans la plupart des espèces et distribuée dans l’organisme sans accumulation dans un organe spécifique. Les concentrations plasmatiques maximales sont observées après 30 minutes chez les rongeurs (European-Commission, 2001).

Plusieurs études ont été réalisées concernant la voie de dégradation de la toxine T-2. La vie moyenne de la toxine T-2 dans le plasma est inférieure à 20 minutes. La toxine T-2 est rapidement métabolisée par déacétylation, hydroxylation, glucoronoconjugasion et dé- époxydation. La principale voie de biotransformation est une déacétylation au niveau du carbone 4, qui aboutit à la formation de la toxine HT-2. Les résultats montrent que le métabolisme in vivo est catalysé par une carboxyestérase non spécifique, présente dans le sérum, le tractus gastro-intestinal des animaux et plusieurs tissus, principalement dans le foie. La HT-2 peut être ensuite deacétylée, hydroxylée et conjuguée selon différentes voies métaboliques en 3’-hydroxy HT-2, T-2 triol, 3’-hydroxy T-2 triol, 4-deacetylneosolaniol qui est converti en T-2 tetraol et ses conjugués glucoronides (European-Commission, 2001).

37 Dans le rumen, le carbone 4 de la toxine T-2 est rapidement déacétylé pour former la toxine HT-2 qui est ensuite déacétylée au niveau du carbone 15 en T-2 triol (Yoshizawa et al., 1981; Yoshizawa et al., 1980). L’isovaléryl-déacétylation du carbone 8 forme le néosolaniol (Westlake et al., 1987). Les voies de bioconversion ruminale de la T-2 sont résumées dans la Figure 12.

Figure 12. Voies métaboliques possibles de transformation de la toxine T-2 dans le rumen. Réactions (1) : Deepoxidation, (2) : Deacetylation et (3) : Isovaleryl deesterification (EFSSA

Rapport Mars 2009).

Dohnal et al. (2008) ont observé que les métabolites de dégradation in vivo à partir de la toxine T-2 sont HT-2, T-2 triol, T-2 tetraol, 3’-hydroxy-T-2, et 3’-hydroxy-HT-2. La toxine T-2 est considérée de 1,5 à 1,7 fois plus toxique que la HT-2, et la HT-2 est 4,8 fois plus toxique que la molécule T-2 tétraol.

Sudakin (2003) expose dans sa revue l’existence de bactéries et de champignons ayant la capacité de dégrader la toxine T-2 (Tableau 13). Il rapporte que la stabilité des toxines T-2 et HT-2, est affectée par l’interaction avec d’autres micro-organismes en populations mixtes et la structure chimique des toxines peut être changée. C'est-à-dire que ces micro-organismes développent des mécanismes pour transformer la structure chimique des toxines pour réduire leur toxicité et de cette manière être moins affectés pendant l’interaction. Par contre, dans ce

T-2 Neosolaniol Deepoxy Neosolaniol HT-2 T-2 triol T-2 tetraol Deepoxy T-2 tetraol Deepoxy T-2 triol Deepoxy HT- 2 (1) (2) (3) (2) (2) (1) (1) (1)

38 rapport, les mécanismes de transformation des toxines T-2 et HT-2 par ces micro-organismes ne sont pas détaillés.

Tableau 13. Moisissures et bactéries capables de transformer la toxine T-2 dans l’environnement (Sudakin, 2003).

Moisissures Bactéries

Alternaria sp. Pseudomonas sp.

Aspergillus flavus Arthrobacter sp.

Aspergillus candidus Blastobacter natatorius

Cladosporium cladosporioides Agrobacterium sp. Cladosporium macrocarpum

Rhodotorula sp. Ulocladium sp.

1.2.4.2 Effets biochimiques causés par la toxine T-2. Effets sur la synthèse d’ADN et ARN

La toxine T-2 inhibe la synthèse d’ADN et d’ARN in vivo à une concentration de 0,75 mg/kg poids corporel (une ou multiple doses) et in vitro à une concentration entre 0,1 et 1 ng/mL (European-Commission, 2001). Elle inhibe fortement l’incorporation de [3H]thymidine dans des lignées cellulaires de thymus à une concentration de 10 ng/mL dans le milieu de culture (EFSSA, rapport Mars 2009).

Effets sur la synthèse de protéines

La toxine T-2 a une forte affinité pour la sous-unité ribosomale 60S, et inhibe l’activité de la peptidyl transférase et par conséquent la synthèse des protéines est inhibée dans la phase d’initiation. Elle peut inhiber la synthèse des protéines in vitro et in vitro à une concentration de 0,01 ng/mL (European-Commission, 2001).

39 Effets sur les membranes et peroxydation de lipides

La toxine T-2 affecte la perméabilité de la membrane cellulaire in vitro à une concentration de 0,4 pg/mL. Une dose unique de 3,6 mg/kg de poids corporel augmente les peroxydes lipidiques dans le foie de rats (European-Commission, 2001).

Apoptose

La toxine T-2 cause l’apoptose in vitro des cellules HL-60 et RAW 264.7 à une concentration de 10 ng/mL et de 10µM dans les cellules Jurkat (avec les toxines HT-2, T-2 triol et T-2 tetraol) ; et in vivo à 10 mg/kg poids corporel dans les lymphocytes et d’autres tissus. Le mécanisme d’induction de l’apoptose n’est pas élucidé. Par contre, la toxine T-2 et ses métabolites T-2 triol et T-2 tetraol peuvent activer les kinases c-Jun N-terminal et/ou p38MAPK (European-Commission, 2001).

Autres effets

La toxine T-2 inhibe aussi le système de transport d’électrons mitochondrial dans les levures à cause de l’inhibition de l’enzyme succinique déshydrogénase (European- Commission, 2001).

1.2.4.3 Toxicité.

Des effets de toxicité aiguë sont observés lors de la consommation de la toxine T-2 entre 0,06 et 10 mg/kg de poids corporel chez plusieurs espèces. Les principaux effets relevés dans les études expérimentales comportent des symptômes non-spécifiques comme la perte de poids, l’inappétence, des dermatites, des vomissements, des diarrhées, des hémorragies ainsi que des lésions nécrotiques des épithéliums stomacal et intestinal, de la moelle osseuse, de la rate, des testicules et des ovaires.

La toxine T-2 a une haute toxicité avec des valeurs de DL50 pour les rongeurs entre 5 à

10 mg/kg de poids corporel et par contre, pour la toxine HT-2 il n’y a pas de valeurs de DL50

40 1.2.4.4 Génotoxicité.

Les données des études de génotoxicité sur la toxine T-2 sont contradictoires et il est difficile de tirer une conclusion définitive. D’après des tests effectués chez des bactérie et levure (Salmonella typhimurium et Saccharomyces cerevisiae) la toxine T-2 n’induit pas de changement dans l’ADN, il n’y aurait pas de mutation génétique. De manière contraire, dans les cellules de hamsters chinois de type V79, des abérrations chromosomiques sur les cellules sont trouvées à une concentration de 0,1 µg/mL de T-2 et chez Drosophila melanogaster, les essais de mutations récessives liées au sexe sont l’un positif et l’autre négatif (European- Commission, 2001).

1.2.4.5 Cancérogénicité.

Les tests de cancérogénicité de la toxine T-2 chez l’homme ont été négatifs en tant qu’initiateur ou promoteur de l’induction de la tumeur de la peau. L’IARC (1993) a conclu qu’il n’y avait pas assez de données à propos de la cancérogénicité chez l’homme causée par des toxines produites par F. sporotrichioides et que l’évidence était limitée dans les tests faits sur des animaux. La conclusion de l’IARC est que les toxines produites par F. sporotrichioides ne sont pas classées comme cancérogènes pour l’homme (European- Commission, 2001).

1.2.4.6 Immunotoxicité.

Sur les modèles cellulaires humains, la toxine T-2 inhibe la production d’immunoglobulines IgA, IgG et IgM. Il n’y a pas de donnée concernant l’exposition de l’homme à la toxine T-2, par contre des effets sur des lymphocytes humains ont été enregistrés en Russie à cause de l’Aleucie Toxique Alimentaire « Alimentary Toxic Aleukia » (ATA) où la toxine T-2 est présumée être responsable (European-Commission, 2001).

1.2.4.7 Effets chez l’homme.

L’ATA déclarée en Russie dans les années 1941-1947 est associée à la présence des espèces de Fusarium dans les grains stockés en hiver. La présence de F. poae et F. sporotrichioides, producteurs de trichothécènes comme les toxines T-2 et HT-2 a été établie.

41 Des échantillons de grains contaminés ont été testés sur la peau des animaux et des effets toxiques ont été trouvés. L’épidémie la plus importante est reportée en 1944, mais des autres cas ont été rapportés en 1952, 1953 et 1955 surtout chez les gens qui consomment le blé stocké pendant l’hiver.

Les symptômes cliniques consistent en vomissements, douleurs abdominales et diarrhées suivis de l’apparition de leucopénie, d’hémorragies du nez et de la gorge, de réduction de la moelle osseuse et de fièvre. En considérant la sévérité des lésions nécrotiques dans la cavité orale, l’œsophage et l’estomac peuvent être affectés et la possibilité de mort est élevée. Dans une seconde étape de l’ATA les effets sont plus marqués en présence de leucopénie, aplasie de la moelle osseuse et infections. Lors de la troisième étape, l’atteinte du système hématopoïétique s’intensifie et le nombre de cellules circulantes diminue. Le nombre de thrombocytes tombe alors que le nombre de leucocytes chute et le nombre d’érythrocytes sont aussi réduits.

Lors d’une épidémie en Chine, chez 165 personnes qui avaient consommé du riz contaminé par F. heterosporum et F. graminearum, 50% des personnes ont présenté des symptômes comme des nausées, vertiges, vomissements, distension abdominale et douleur, frissons et diarrhées. Le riz a été évalué avec la méthode ELISA et des concentrations en toxine T-2 entre 180 et 420 μg/kg ont été détectées (European-Commission, 2001)

1.2.4.8 Valeurs toxicologiques de référence et réglementation.

L’Autorité Européenne de Sécurité des Sliments (The European Food Safety Authority - EFSA) a établi que la détermination de la toxicité in vivo de la toxine T-2 doit inclure la toxine HT-2. Le comité a retenu l’étude réalisée par Rafai et al. (1995) chez le porc sur la T-2 comme étude pertinente. Les effets toxiques observés aux faibles doses dans cette étude sont des effets immunotoxiques et hématotoxiques. Comme il n’a pas été identifié de dose sans effet dans cette étude, c’est la plus petite dose avec effet (LOAEL) qui a été retenue, soit 0,029 mg/kg poids corporel/jour. Un facteur de sécurité de 500 (10x10x5) a été appliqué et la dose journalière tolérable provisoire des toxines T-2 et HT-2 est de 100 ng/kg p.c./jour.

La commission Européenne a établi avec les règlements N°. 856/2005 et N°. 1881/2006 les niveaux admissibles de certaines toxines de Fusarium dans les céréales et les produits à base de céréales qui sont entrés en vigueur le 1er juillet 2006. Les niveaux

42 admissibles pour la T-2 et la HT-2 dans les céréales non transformées et les produits à base de céréales sont encore en discussion. Le règlement N°. 105/2010 n’a pas encore fixé un niveau des mycotoxines T-2 et HT-2 dans la bière ou les aliments.

Les effets toxiques des mycotoxines sont connus à partir de modèles expérimentaux effectués sur animaux, mais l’extrapolation aux humains est difficile à faire. Ce problème est dû à l’absence d’information sur les problèmes de santé associés aux limites de consommation proposées et la possibilité d’une synergie avec d’autres mycotoxines. Les limites de consommation journalière sont établies à partir d’informations obtenues lors de tests sur animaux et elles peuvent être inexactes, parce qu’ils ne considèrent pas la différence de sensibilité entre les espèces d’animaux (Creppy, 2002).