• Aucun résultat trouvé

Propriétés thermiques a. Stabilité thermique

Etude bibliographique

II. Les membranes perfluorées sulfoniques (SO 3 H)

II.3. Propriétés des membranes perfluorées sulfoniques

II.3.3 Propriétés thermiques a. Stabilité thermique

Plusieurs études sont menées afin de comprendre le processus de dégradation des membranes Nafion® sous forme acide. Bien que ces expériences ne soient évidemment pas directement reliées à la réalité, elles pourraient être très utiles à la compréhension de la structure de ces systèmes complexes. Le premier objectif consiste à identifier les mécanismes successifs induisant une perte de masse en fonction de la température. La dérivée de la perte de masse en fonction de la température du Nafion® par analyse thermogravimétrique présente en effet a minima quatre pics. L’identification des mécanismes successifs est cependant possible, notamment en couplant l’ATG avec d’autres techniques telles que la spectroscopie de masse et la spectroscopie d’infrarouge. Outre la perte initiale de masse liée à l’eau (~4%) qui intervient à une température inférieure à 200°C, la décomposition thermique de la membrane présente 3 étapes [93, 94] (Figure 28) :

- La première étape (~10% de perte de masse) qui intervient dans la gamme de température 280-380°C avec un maximum à 340°C, concerne la dégradation de la chaîne pendante identifiée à l’aide de la spectroscopie de masse par la présence des fragments SO2 (m/z=64) et CF3O+(m/z=85).

- La deuxième étape (T > 350°C) correspond à la dégradation de la chaîne latérale impliquant la formation de fluorure de carbonyle COF2 et fluorure de thionyle. - A une température T > 380°C, la détection de fragments fluorés de masses

moléculaires élevées comme C3F6+ et C3F5+ pointe la dégradation de la chaîne principale.

Figure 28: Analyse thermogravimétrique d'une membrane Nafion® sous forme acide H+ [95]

Le profil de décomposition de la membrane n’est pas affecté par l’atmosphère dans laquelle est plongé l’échantillon (air ou azote), les températures de décomposition sont toutefois réduites dans une ambiance oxydante.

La stabilité thermique du Nafion® est en outre modifiée par l’ajout de cations (Figure 29). Gomes Lage et al. [96] ont montré une altération de la stabilité thermique du Nafion® par modification des cations monovalents en regard des sulfonates et qui suit l’ordre suivant H+<Li+<Cs+<Rb+<K+<Na+. Selon cet auteur, la densité de charge de ces contre ions affecte l’interaction avec le groupement sulfonique de la membrane, responsable de la stabilité thermique du Nafion®. Iwai et al.[97] ont montré que la membrane Nafion® échangée par Al3+ et Fe3+ présente en revanche une déstabilisation thermique. Ces cations agissent comme des acides de Lewis et catalysent la décomposition de la membrane.

Figure 29: Modification de la stabilité de la membrane par ajout de cations [97]

b. Transitions et relaxations thermiques

Le spectre du Nafion® comprend 2 à 3 transitions selon les auteurs. Dans une étude préliminaire, Yeo et Eisenberg [98] ont montré pour un Nafion sous forme acide (EW=1365 g.mol-1) l’existence de trois transitions (Figure 30) dont l’identification serait, selon ces auteurs, une signature de la morphologie du polymère : phase amorphe et agrégats ioniques.

- La première nommée α vers 110°C (maximum tanδ) est considérée comme la transition vitreuse des régions non ioniques (apolaires) puisque l’eau avait peu d’influence sur la magnitude la position du pic (Tableau 1).

- Une transition β pour le même ionomère à sec est observée vers 20°C. Celle-ci se décale vers les faibles températures en augmentant la teneur en eau du polymère. Ce pic est attribué à la relaxation des régions ioniques polaires riches en eau. - Une transition γ vers -100°C serait due à de petits mouvements locaux des groupes

Figure 30: Courbe représentant le logarithme de tangente δ en fonction de T pour un échantillon de Nafion® sous forme acide (α, β, γ représentent les transitions. Conditions

mesures : 1Hz, -150°C à 250°C) [98]

Tableau 1: Influence de l'eau sur les températures des transitions α et β [98]

Dans un travail ultérieur, Kyu et Eisenberg [99] suggèrent que l’attribution des transitions α et β est inversée en faisant l’analogie avec les études faites sur des ionomères hydrocarbonés dont le spectre de tangente δ présente également 3 pics. Le pic β serait associé à la transition vitreuse de la matrice. Le pic α, qui a la plus grande intensité est considéré comme température de transition vitreuse des régions ioniques dont on voit cette fois-ci la sensibilité à la teneur en eau, le degré de neutralisation du polymère et la charge du contre ion utilisé (Figure 31).

Figure 31: Tangente δ en fonction de la température pour différentes formes de Nafion [99, 100] ( TBA+: tetrabutylammonium)

Récemment, la corrélation des mesures en dynamique mécanique DMA avec ceux de la RMN du solide à température variable et SAXS ( Small Angle X-Ray Scattering) d’une membrane Nafion neutralisée par une série d’ions alkylammonium (Figure 32), a permis précisément d’attribuer la relaxation α aux mouvements simultanées de la chaîne latérale et de la chaîne principale facilités par une déstabilisation des interactions électrostatiques dans les agrégats ioniques. Quant à la relaxation β, elle est associée aux mouvements locaux de la chaîne principale dans le cadre d’un réseau électrostatique de chaînes réticulées. Par comparaison au comportement d’autres types de polymères semi cristallins, cette relaxation β

est associée à la température de transition vitreuse réelle du Nafion neutralisé [101]. Une corrélation ultérieure des mesures en DMA avec ceux de la spectroscopie diélectrique a permis de confirmer que l’origine de la transition β d’un Nafion sous la forme acide ou neutralisé correspond aux mouvements locaux de la chaîne principale [102].

Figure 32 : Corrélation entre tan δ DMA (cercle fermé), module de young DMA (cercle ouvert), SAXS (losange), NMR ( carreau) pour un Nafion –TMA+ ( Tetraméthylammonium) [101]

Di Noto et al. [103] ont réalisé des mesures en spectroscopie diélectrique BDS (Broad-Band Dielectric Spectroscopic) sur un Nafion 117, à l’état sec et hydraté, dans le but d’apporter une meilleure compréhension des origines moléculaires des différentes relaxations observées en DMA. Trois transitions diélectriques (α, β, γ) identiques à celles de la DMA ont été révélées (Figure 33). A température ambiante, la relaxation principale enregistrée à faible fréquence (10-1, 104 Hz) correspond à la relaxation α (fréquence dépendante) attribuée aux mouvements locaux des domaines ioniques du Nafion alors que la relaxation γ est assignée aux mouvements locaux des groupements acides.

Figure 33 : Partie imaginaire de la permittivité complexe (associée aux pertes diélectriques) en fonction de la fréquence et de la température pour un film Nafion hydraté. Gamme fréquence

A.Ghielmi et al. [42] ont étudié l’influence de la longueur des chaînes latérales sur la relaxation α. Une différence de l’ordre de 60°C est observée pour la relaxation α entre un Hyflon® Ion (now Aquivion®) de courtes chaînes (SSC EW 850) et un Nafion® de longues chaînes (LSC EW 1100). Par conséquent, les membranes à courtes chaînes sont considérées comme les plus appropriées pour le fonctionnement en pile au delà de 100°C.

A ce stade, l’attribution des transitions dans le spectre thermomécanique, ainsi que la comparaison des différentes études dans la littérature, est sujette à caution. On peut en particulier noter que les résultats dépendent fortement des conditions opératoires [104] (séchage de l’échantillon, vitesse de chauffe) ainsi que des caractéristiques de la membrane telle que la capacité d’échange ionique (CEI).