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3. SIMULATIONS DYNAMIQUES DE LA VÉGÉTATION

4.4. Détermination des paramètres et variables d'entrée du modèle

4.4.2. Propriétés statiques du sol

L'utilisation du modèle DPM nécessite de documenter différentes propriétés des surfaces dont la distribution en taille (i.e. la granulométrie) des grains et agrégats du sol et la hauteur de rugosité de la surface « lisse » (sans éléments de rugosité tels que cailloux ou végétation), la texture du sol (pour définir le rapport des flux vertical sur horizontal et l’humidité résiduelle du sol) et la fraction de surface érodable (en l'absence de la végétation). Ces propriétés peuvent être considérées comme statiques à notre échelle de temps c'est à dire quelques années. L'effet dynamique de la végétation sur la rugosité de surface et le taux de couverture sera intégré lors d'une étape ultérieure (voir 4.4.3). Notre choix de travailler à une résolution inférieure ou égale à 0.25° nous conduit à rechercher des données fiables à cette résolution.

4.4.2.1. Granulométrie et texture

Rappelons ici que la granulométrie d'un sol et sa texture sont deux caractéristiques distinctes d’un même sol. En effet, la texture désigne la distribution en taille des particules constituant un sol après rupture de toutes les forces inter-particulaires et dispersion totale des agrégats. Ceci se fait en utilisant généralement un liquide pour dispersant, on parle donc de texture par voie humide. A l'inverse, la granulométrie désigne la distribution en taille des grains et agrégats tels qu'ils se trouvent à la surface du sol ; on parle alors de granulométrie par voie sèche.

Une étude conduite sur différents sols du Sahara et du Sahel a permis de montrer que les distributions en taille des sols désertiques pouvaient être reproduites par des distributions log-normales (Chatenet et al., 1996). Pour caractériser de telles distributions statistiques, deux paramètres sont nécessaires : le diamètre médian et l’écart type. Dans le cas de sols ayant plusieurs modes log- normaux, la proportion relative de la masse totale que chaque mode représente doit également être définie. Plus précisément, des séries de mesures de tamisage à sec sur 26 échantillons dont 23 provenaient du Sahara et du Sahel ont permis de mettre en évidence l'existence de 4 populations granulométriques qui pouvaient être décrites par de telles fonctions log-normales et dont tous les sols étudiés sont des combinaisons. Les auteurs en déduisent une typologie des sols érodables en zone saharienne selon les poids respectifs de ces 4 populations et leur teneur en argile, c'est-à-dire leur texture (tableau 4-1).

Population Nature minéralogique Dmed (en m) σ % Argile Silt alumino-silicaté Sable fin Sable grossier Sels Argile dominant Quartz dominant Quartz Sels et argile 125 210 690 520 1.8 1.6 1.6 1.5 9.7 3.6 0 3.2 Tableau 4-1 : Populations typiques des sols sahariens et sahéliens (dénomination, paramètres

statistiques des distributions log-normales – diamètres médians et écarts type – et teneur en argile (i.e. texture). D’après Chatenet et al., 1996.

Marticorena et al. (1997a) et Callot et al. (2000) ont développé une approche géomorphologique à partir de cartes topographiques et géologiques afin de cartographier les états de surface (hauteur de rugosité et types de sol) en Afrique du Nord. Pour les types de sol, ils ont utilisé cette typologie en considérant les sols des zones désertiques comme des combinaisons de ces 4 populations. Cette cartographie, réalisée au 1°x1°, renseigne jusqu'à 5 états de surface différents par maille, selon leur proportion relative dans cette maille.

Les informations de cette carte au 1°x1° ont depuis été spatialisées au ¼°x ¼° jusqu’à 16°N (Laurent et al., 2008). Pour mener à bien cette spatialisation, les types de sols, renseignés au sein d’une maille de 1°x1°, et leur granulométrie associée, ont été comparés à des observations de télédétection au ¼°x ¼° afin de spécifier la granulométrie selon les types de sols identifiés visuellement à cette résolution plus fine.

Afin de disposer d’informations sur la totalité de notre zone d’étude, nous avons étendu cette cartographie réalisée à une résolution de ¼° jusqu’à 12°N à partir des informations cartographiées à 1°x1° en utilisant la même méthodologie que décrite précédemment. Pour les simulations à 0.10°, les données déterminées à 0.25° ont été simplement « dupliquées » en utilisant toutefois des pas spatiaux entiers. Autrement dit, les propriétés d’une maille de 0.25° sont reproduites tantôt sur un intervalle de 0.2°, tantôt de 0.3°, et ce dans les deux dimensions.

Il doit être noté que la précision et la qualité des informations cartographiées selon la méthode géomorphologique ne sont pas homogènes sur l’ensemble de la zone. Elles diminuent fortement sur la zone sahélienne, et plus particulièrement dans la partie orientale. En effet, l’interprétation géomorphologique à partir de cartes topographiques est difficile à réaliser pour des zones végétalisées et elle est d’autant moins fiable que les informations disponibles sont anciennes ou de mauvaise qualité (cartes du Soudan, par exemple).

Enfin, la texture du sol, ou plus particulièrement sa teneur en argile, est estimée à partir de ces bases de données de type de sol au ¼°x ¼° (tableau 4-1).

4.4.2.2. Rugosité du sol en l'absence de végétation saisonnière

Un sol dépourvu de végétation saisonnière mais présentant des éléments de rugosité à sa surface est caractérisé dans le DPM par deux hauteurs de rugosités différentes : (i) la rugosité du sol

rugosité tels que cailloux ou végétation pérenne ; (ii) la rugosité de la surface intégrant les éléments de rugosité statiques (cailloux, végétation pérenne). Nous verrons plus loin (4.4.3) comment estimer la rugosité dynamique de la surface en intégrant l'effet de la végétation saisonnière.

Il est couramment admis que la hauteur de rugosité de la surface « lisse » peut être déterminée en fonction de la taille des grains du sol (Greeley et Iversen, 1985) à laquelle elle est proportionnelle:

z

0s

= D

p

/ 30

(12)

Cette hauteur de rugosité lisse est donc estimée à partir de la distribution en taille des types de sols cartographiés comme proportionnelle au diamètre médian de la population granulométrique la plus grossière (Marticorena et al., 1997a).

Pour l’estimation de la hauteur de rugosité aérodynamique de la surface (c'est-à-dire intégrant la végétation pérenne et les cailloux) Marticorena et al. (2004) ont proposé d'utiliser des outils de télédétection. Les auteurs se basent sur les fonctions de distribution de réflectance bidirectionnelle (BRDF) du radiomètre POLDER-1 (Polarization and Directionality of the Earth's Reflectance) pour estimer la rugosité de la surface en zone aride saharienne. Plus précisément, ces auteurs ont proposé d’utiliser un coefficient dit de protrusion, lié physiquement aux aspérités de la surface imagée par le satellite. Ce coefficient est dérivé de l’inversion des fonctions de distribution de réflectance bidirectionnelle de surface par le modèle de Roujean et al. (1992). Une relation empirique est alors établie entre ce coefficient de protrusion et la rugosité de la surface au Sahara. Elle permet d’établir des cartes de hauteur de rugosité à la résolution nominale des produits POLDER-1, c'est-à-dire à 1/16°. La méthode de cartographie consiste à établir une carte composite de coefficients de protrusion sur les mois non affectés par la présence de poussière (il n’y a pas de correction aérosol dans la chaîne de traitement de produits de surface POLDER) en se basant sur des critères de qualité et de stabilité des données au cours du temps. Ces mesures de réflectances sont faites à trois 3 longueurs d’onde, 443 nm, 670 nm et 865 nm, c'est-à-dire dans le domaine visible et donc la surface ne peut être observée que par ciel clair. La qualité du produit final peut donc être localement affectée par des occurrences élevées de nuages.

Une approche similaire a été proposée pour utiliser les coefficients de rétrodiffusion radar, signaux extrêmement sensibles à la rugosité et à l’humidité des sols. Ainsi Marticorena et al. (2006) ont établi une relation linéaire entre les coefficients de rétrodiffusion dérivés du radar SAR/ERS (Synthetic Aperture Radar sur la plateforme Earth Resource Satellite) de l’European Space Agency (ESA) et les hauteurs de rugosité aérodynamique mesurées sur différents types de surface du sud tunisien. Cette méthode permet de réaliser des cartographies de rugosité de surface à relativement haute résolution (la résolution nominale des produits SAR/ERS est de 12.5 m), bien adaptée à des applications d’échelle locale.

A partir des observations du diffusiomètre embarqué sur la plateforme ERS également, Prigent et al. (2005) estiment les hauteurs de rugosité de la surface à une résolution de 0.25°. Les émissions d’aérosols minéraux alors simulées à l’échelle globale permettent d’obtenir de bonnes corrélations avec les observations. Toutefois, les propriétés de la surface ainsi obtenues incluent les effets de l’humidité du sol et du couvert végétal. Or, nous souhaitons ici élaborer un outil qui puisse être

prédictif, et décrire explicitement les processus physiques en jeu. Par conséquent ces données ne nous permettraient pas de remplir nos objectifs.

Afin de simuler les émissions de poussières depuis les déserts du nord de l’Afrique, Laurent et al. (2008) ont utilisé les coefficients de surface POLDER pour mettre au point une cartographie des longueurs de rugosité de surface sur cette région. La résolution spatiale, de ¼° x ¼°, a été choisie car elle représente l’optimum entre une bonne représentation des propriétés de la surface et un temps de calcul raisonnable pour faire des simulations pluri-annuelles sur un domaine spatial de dimension continentale. Le passage de la pleine résolution (1/16°) au 0.25° est réalisée en calculant la valeur médiane du coefficient de protrusion en chaque maille, grandeur statistique la plus représentative de l’état de surface dominant dans la maille considérée. Les hauteurs de rugosité sont alors estimées en appliquant la relation empirique établie par Marticorena et al. (2004). La carte établie a été utilisée pour réaliser des simulations pluriannuelles des émissions de poussières sur le Nord de l’Afrique de 38° à 16°N (Laurent et al., 2008). Des approches identiques ont été suivies pour cartographier les déserts de Chine (Laurent et al., 2005 ; 2008) et les déserts d’Asie Centrale (Darmenova et al , 2009).

Nous avons donc utilisé, pour documenter la rugosité statique, les données ainsi produites entre 20°N et 12°N à la résolution ¼°× ¼°. Comme noté par Laurent et al. (2008), la carte composite produite sur le nord de l’Afrique comporte des données manquantes, soit en raison d’un manque de données initiales, notamment sur les zones où des nuages peuvent persister pendant la période de sélection, soit lié à la procédure de sélection des données. Afin de combler ces lacunes, les hauteurs de rugosité Z0 dans les mailles non renseignées ont été estimées en moyennant les valeurs reportées dans

les mailles adjacentes en longitude, afin de respecter le gradient latitudinal observé sur les données disponibles (figure 4-8). Ce choix revient à faire l’hypothèse que la valeur la plus probable de la rugosité dans une maille non renseignée est celle de sa voisine.

Figure 4-8 : Carte des hauteurs de rugosité aérodynamique – en logarithme décimal, Z0 étant exprimé en cm - dérivée des produits POLDER-1 à la résolution 0.25° x 0.25°.

La cartographie ainsi obtenue fait apparaître un gradient latitudinal prononcé : les rugosités au sud de la zone sont notablement plus élevées qu’au nord. Ceci traduit une couverture plus importante de la surface par des éléments de rugosité, et en particulier l’effet de la présence d’une végétation pérenne au sud de la zone. A l’inverse, au nord de la zone (entre 18°N et 20°N environ) se trouvent de grandes structures dunaires, appelées « ergs », lesquelles présentent des hauteurs de rugosité faibles (figure 4-8, bleu foncé). Les zones de très fortes hauteurs de rugosité (en orange et rouge sur la carte)

correspondent à des reliefs prononcés et des massifs montagneux (10°E, 17°N à 20°N : massif nigérien de l’Aïr Azbine ; 20°E, 20°N et 22°E, 17°N : massifs tchadiens du Tibesti et de l’Ennedi).

4.4.2.3. Fraction de surface érodable E

La fraction de surface érodable, c'est à dire la fraction de la surface dépourvue d'éléments de rugosité statique, est celle prise en compte dans le calcul du flux horizontal. Autrement dit, on considère que les éléments de rugosité recouvrent une partie de la surface qui est ainsi protégée de l’érosion. Cette fraction est estimée à partir de la rugosité statique de la surface selon une relation linéaire empirique établie par Laurent et al. (2006) : pour des Z0 inférieures à 3.10-3 cm, la fraction de

surface érodable E est de 100%, puis cette fraction érodable diminue à mesure que Z0 augmente

(Laurent et al., 2008).

1

si Z

0

< 3.10

-3

cm

E =

(13)

0.7304 – (0.0804 log

10

(Z

0

))

si Z

0

> 3.10

-3

cm