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II. Généralités

2.2.2. Propriétés pharmacologiques des thiosemicarbazones

2.2.2.1. Inhibition de la Ribonucléotide réductase

L'un des domaines les plus prometteurs dans lequel les molécules de thiosemicarbazones sont en cours de développement est celui qui concerne la cancérologie. Leur activité anti-tumorale est extrêmement différenciée et elle est très dépendante de la typologie des cellules tumorales. Cette caractéristique rend l'ensemble de la classe des thiosemicarbazones très intéressante, car elle implique une sélectivité rigoureuse vis-à-vis des cellules tumorales et cancérigènes. A l'heure actuelle, les principaux effets connus liés à leur activité anticancéreuse sont, dans l'ordre de la découverte de l'inhibition de la ribonucléotide réductase (RR) (Brockman et al. 1970), inhibition des espèces réactives de l'oxygène (ROS) (Shao et al. 2006), l'inhibition de la topo-isomérase (II) (Hall et al. 2000), la perturbation des mitochondries (Yuan et al. 2004), et, plus récemment l'inhibition d’une protéine multi-résistance (MDR1) (Ludwig et al. 2006, Wu et al. 2007). En effet, la compréhension de l'effet antitumoral des thiosemicarbazones a été explorée dans les années 50 (Brockman et al. 1956, French et al. 1965).

Une première hypothèse de l'action de ces composés est basée sur la formation constante de leurs complexes métalliques, et leur capacité à séquestrer le fer de l'environnement cellulaire. Les exigences relatives à l'activité chélatrice ont été identifiées avec un système NNS chélateur. Sartorelli et al. ont observé l'incorporation de ces composés dans l'ADN des cellules et ont, à cet effet, proposé un mécanisme par lequel ces molécules inhibent la ribonucléotide réductase (Opletalová et al. 2008, Sartorelli et al. 1971). L'inhibition de cette enzyme entraîne un blocage de la synthèse en phase du cycle cellulaire et éventuellement la mort cellulaire par apoptose. En fait, il a été découvert plus tard que les complexes de fer et de cuivre sont de loin plus actifs que leurs ligands libres (Antholine et

al. 1976). Un mécanisme raisonnable a prouvé que les médicaments à base de

thiosemicarbazones inhibent l’enzyme de la ribonucléotide réductase en détruisant les radicaux (Thelander et al. 1983). Le fait que le 1-formylisoquinolinethiosemicarbazone et la 2 -formylpyridinethiosemicarbazone inhibent fortement la ribonucléotide réductase a donné une indication indirecte selon laquelle l'enzyme devrait avoir une poche hydrophobe ou un patch avec lequel le système aromatique interagit, ce qui pourrait justifier le fait que la méthylation sur le cycle aromatique de 2-formylpyridinethiosemicarbazone rend ce composé plus actif (Thelander et al. 1983, Agrawal et al. en 1974). De récents articles ont rapporté la synthèse, la caractérisation et les essais biologiques des complexes de Fe (III) et Ga (III) de diverses thiosemicarbazones (Kowol et al. 2007a). La 2-acétylpyridine-N,N-diméthylthiosemicarbazone, la 2-acétylpyridine-N-pyrrolidinylthiosemicarbazone, l’acétylpyrazine-N,N-diméthylthiosemicarbazone, l’acétylpyrazine-N-pyrrolidinylthiosemicarbazone et l’acétylpyrazine-N-pipéridinylthiosemicarbazone ont été étudiées. Leurs complexes correspondants aux ligands ont été testés in vitro avec succès pour leur activité anti-proliférative sur deux lignées cellulaires cancéreuses humaines (41M et SK-BR-3).

Plus tard en 2009, les même auteurs ont observé que la coordination de gallium (III) augmente la cytotoxicité, tandis que le complexe de fer (III), montrent une réduction de l'activité cytotoxique. Ces composés ont été aussi testés pour la capacité de l'inhibition de la ribonucléotide réductase par incorporation de 3H-cytidine dans l'ADN dans une solution de protéines purifiées et dans des cellules entières (Kowol et al. 2009).

Ils ont également essayé de voir l'influence du changement de l'hétéroatome dans les molécules de 2-acétylpyridine-N,N-selenosemicarbazone, de diméthylsemicarbazone et de N-2-acétylpyridine-N-diméthylthiosemicarbazone sur les mêmes lignées cellulaires (41M et SK-BR-3) (Kowol et al. 2007b). De cette étude, il résulte que l'activité anti-proliférative est fortement dépendante de l'hétéroatome (O, S, Se) et qu'elle augmente dans l'ordre Se> S >> O. Cette observation pourrait suggérer un rôle possible de

l'hétéroatome sur la stabilisation d'une forme hypothétique anionique ou une espèce radicale (cette dernière conduirait alors à l'extinction du radicale tyrosine dans la ribonucléotide réductase). La réactivité du soufre dans les thiosemicarbazones avec les cystéines est en effet envisagée par des chercheurs qui proposent, en tant que mécanisme d'action, une attaque nucléophile d'une teneur en soufre de cystéine sur le fragment de thionyle (Trossini et al. 2009). L'intermédiaire formé est stabilisé, dans leur modèle, par la présence d'une histidine mais il pourrait être encore mieux stabilisé par un centre métallique. Évidemment, cette réaction est réversible.

En résumé, Les agents « alkylants » que constituent les thiosemicarbazones induisent une modification chimique des molécules qui entrent dans la composition de l’ADN et entravent sa réplication, ce qui aboutit à la mort de la cellule touchée.

L’activité anticancéreuse des thiosemicarabzones est donc connue depuis très longtemps et continues de faire l’objet de plusieurs travaux scientifiques (Jevtović et al. 2010a, Ferraria et al. 2010, Jevtovic et al. 2010b, Palanimuthu et al. 2013).

2.2.2.2. Inhibition de la Topo-isomérase II et interactions avec l’ADN

La planéité de nombreux complexes suggèrent un comportement possible d'intercalation d'ADN vers une autre cible possible récemment identifiée dans la topo-isomérase II. La topo-isomérase est une protéine nucléaire de cellules eucaryotes qui empêche le passage à travers une hélice d’ADN en évitant ainsi la réplication de l'ADN (Larsen et al. 1998, Larsen et al. 1996,). La topo-isomérase II est nécessaire pour la synthèse de l'ADN et la division cellulaire des cellules à prolifération rapide. Les tumeurs contiennent généralement des niveaux élevés de cette enzyme, ce qui explique le comportement des cellules cancéreuses. L’activité inhibitrice de la topo-isomérase II des thiosemicarbazones, se déroule par stabilisation des produits clivables formés par la topo-isomérase II de l'ADN (Easmon et al. 2001, Chen et al. 2004).

2.2.2.3. Thiosemicarbazones contre la résistance hypoxique

Un autre domaine dans lequel les complexes métalliques de thiosemicarbazone reçoivent beaucoup d'attention est leur utilisation comme supports pour les radio-traceurs comme 64Cu. Cette technique est particulièrement utile dans les tumeurs solides. L'hypoxie se produit souvent lorsque la tumeur devient trop grande pour son apport vasculaire et les cellules ont tendance à s'adapter en régulant à la hausse la production de nombreuses protéines qui favorisent leur survie. L'hypoxie tumorale résiste souvent à la chimiothérapie, mais beaucoup de travaux ont montré que la voie des thiosemicarbazones est prometteuse (Dietz et al. 2008, Lewis et al. 2008, Jalilian et al. 2009, Dehdashti et al. 2008, Matarrese et al. 2010, Krohn et al. 2008).

2.2.2.4. Activité antimicrobienne et antibactérienne

L’action inhibitrice très intéressante des thiosemicarbazones sur plusieurs microorganismes Bacillus Subtilis, Enterobacter aeruginosa, Eschericia coli, Listeria

monocytogenes, Pseudomonas aeruginosa, Staphilococcus aureus, Candida albicans, et Saccharomyces cerevisiae a été démontrée (Choudharya et al. 2011, Lessa et al. 2013,

Kumar et al. 2013). Le même travail réalisé au Bénin sur la semicarbazone et la thiosemicarbazone de la carvone a montré que ces molécules inhibent de façon significative les microbes et les champions utilisés (Fatondji et al. 2010b).

2.2.2.5. Activité antitrypanosomienne et antipaludique

En effet, le paludisme et la trypanosomose humaine africaine (THA) font partie des maladies parasitaires à transmission vectorielle constituant des menaces constantes de santé publique et souvent multiples dans de vastes zones géographiques. Elles représentent 17% des maladies infectieuses et figurent parmi les plus importantes pathologies en santé humaine, tant par la morbidité que par la mortalité qu'elles entraînent.

Parmi les molécules les plus prometteuses en cours de développement contre ces maladies, il y a aussi les thiosemicarbazones, leurs dérivés nitrés et leurs complexes

métalliques. Des études ont été publiées sur l'activité de la 5-nitrofuryl-3-thiosemicarbazoneacroléinepalladium (II) sur les parasites de trypanosome (Otero et al. 2006). La plupart des complexes ont montré une grande activité in vitro d'inhibition de la croissance de Trypanosoma cruzi supérieure à celle du Nifurtimox : médicament utilisé dans le traitement de la maladie. Pérez-Rebolledo et al. rapportent que des dérivés N-4 substitués de la 4-nitroacétophénonethiosemicarbazone ainsi que leurs complexes de cuivre (II) de formule générale [CuL2] testés in vitro inhibent la croissance de la forme épimastigote de Trypanosoma cruzi (Pérez-Rebolledo et al. 2008).

Etant donné les effets secondaires graves des médicaments utilisés pour le traitement de ces maladies, les thiosemicarbazones pourraient constituer une nouvelle classe de médicaments candidats contre la trypanosomose sous toutes ses formes (Vieites et al. 2008, Glinma et al. 2012). Toutes les recherches sur le mécanisme d'action trypanocide des thiosemicarbazones s’accordent principalement sur la forte inhibition de la croissance des parasites à travers une double voie impliquant la production de radicaux libres toxiques par bioréduction des thiosemicarbazones en interaction avec l’ADN. Beaucoup de travaux ont aussi indiqué l’activité trypanocide des complexes métalliques des thiosemicarbazones.

Biot et al. ont en 2007 rapporté la synthèse et l’évaluation de l'activité antipaludique de thiosemicarbazones et de leurs complexes de fer qui se sont révélés très actifs contre les parasites responsables de la maladie. D’autres auteurs ont également apprécié la puissante activité antipaludique de thiosemicarbazones (Pingaew et al. 2010).

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