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C. Organisation du rapport

1 ETAT DE L’ART

1.3 Caractéristiques des composites cimentaires fibres

1.3.1 Les bétons et mortiers renforcés de fibres artificielles

1.3.2.1 Propriétés à l’état frais

1.3.2.1.1 Maniabilité des composites à l’état frais

La maniabilité des mortiers et bétons est l’une des principales propriétés à l’état frais. L’incorporation de fibres végétales non‑traitées au béton conduit à une forte réduction de la maniabilité, due à l’absorption d’eau par les fibres. Cependant, le mélange doit être suffisamment maniable pour la mise en œuvre. Un mélange trop raide ou trop sec pourrait conduire à un produit final insuffisamment compacté, qui serait susceptible de contenir davantage de vides et/ou des nids d'abeille (réseau poreux). A l’inverse, un mélange trop humide conduira à une diminution des résistances mécaniques.

L'autre aspect important concernant la maniabilité est la formation de boulettes de fibres, c’est‑ à‑dire l’agglomération des fibres entre elles durant le malaxage. Le degré d’agglomération dépend du type et de la longueur des fibres utilisées, la fraction volumique de fibres, et de la dimension maximale de l'agrégat présent dans le composite cimentaire (Bentur, 2007). L’agglomération des fibres doit être évitée car il a un effet néfaste sur la résistance. Certaines dispositions peuvent être prises lors du mélangeage afin de minimiser l'effet d'agglomération. Normalement, l'addition progressive des fibres à la fin de l'opération de malaxage, une fois les autres ingrédients mélangés, permet de réduire cet effet d'agglomération. L'utilisation d’un plastifiant réducteur d'eau permet également d’augmenter sensiblement la maniabilité, sans nuire aux performances mécaniques du composite (ACI, 1996; Chafei et al., 2015). De plus, selon Aziz, la diminution du dosage en granulat permet aussi de limiter la formation de boulettes (Aziz et al., 1981).

Des mesures du temps d’écoulement sur des mortiers incorporant des fibres de lin ont montré que ce temps croît fortement avec l’augmentation du taux de fibres incorporées (Le Hoang, 2013). La Figure 1‑19 présente les résultats obtenus lors de cette étude, pour des fibres d’une longueur de 30mm. L’écoulement pour le mortier témoin sans fibres est de 6 secondes, ce qui correspond à une maniabilité « ouvrage » au sens de la norme NF P18‑452. Un mortier est considéré comme non utilisable avec les méthodes courantes de mise en œuvre pour un temps d’écoulement supérieur à 20 secondes. Pour tous les taux volumiques de fibres, le temps d’écoulement est supérieur à 20 secondes. On note également que plus le taux de fibres augmente, plus le temps d’écoulement est augmenté.

Figure 1-19 : Temps d’écoulement de mortiers renforcés de fibres de lin (Le Hoang, 2013)

D’autres études se sont également intéressées à la rhéologie des mortiers incorporant des fibres de lin. Le même constat a pu être fait, à savoir une diminution de la maniabilité des mortiers avec l’augmentation du taux de fibres (Chafei, 2014; Chafei et al., 2012). Au‑delà de 4 % de fibres en volume, le mélange devient quasiment impossible à mettre en œuvre avec les méthodes traditionnelles.

1.3.2.1.2 Maniabilité des composites à l’état frais

L’étude de la compatibilité du ciment avec les fibres végétales ou le bois reste délicate étant donné le caractère hétérogène des végétaux. Les explications sont souvent complexes et parfois contradictoires. Un retard et une augmentation du temps de prise des pâtes cimentaires associées avec du bois ont été reportés dès les années 60 (Biblis et Lo, 1968; Weatherwax et Tarkow, 1964). Selon ces auteurs, la composition chimique et la teneur en sucres libres dans les extractibles seraient responsables de l’augmentation du temps de prise.

En 1994, Simatupang et al. ont explicité les mécanismes d’interaction entre le bois et le ciment. Ils attribuent l’augmentation du temps de prise du ciment à une solubilisation partielle des hémicelluloses au cours de l’interaction entre la pâte de ciment et le bois (Simatupang et al., 1994). Selon Reading, les alcalins, qui proviennent de la dissolution du ciment, pourraient s’attaquer aux hémicelluloses et les transformer en oligosaccharides solubles qui inhiberaient ensuite l’hydratation de la pâte cimentaire (Reading, 1985).

Récemment, une étude par calorimétrie isotherme sur la modification de l’hydratation du ciment par le bois a été menée (Govin et al., 2006). Il a été montré que le bois agit comme un inhibiteur d’hydratation du ciment. Pendant 48 heures, la quantité de chaleur dégagée du ciment en présence de bois est plus faible que celle normale du ciment, ce qui traduit un retard important de l’hydratation. Cette quantité de chaleur diminue d’autant plus que la concentration en copeaux de bois est élevée (Figure 1‑20). Une analyse par thermogravimétrie a permis de quantifier les hydrates formés, ce qui a révélé une forte inhibition de la formation de Portlandite Ca(OH)2. La présence du bois modifie la condensation des silicates et la formation des C‑S‑H. Selon Govin,

l’inhibition de l’hydratation des phases silicatées est en partie due au pH élevé et donc à la concentration en ions hydroxydes OH dans la solution interstitielle.

Figure 1-20 : Influence de la concentration en peuplier sur la quantité de chaleur d’hydratation dégagée (Govin, 2004)

Sedan s’est également intéressé à l’effet des fibres végétales sur l’hydratation du ciment, avec des fibres de chanvre (Sedan, 2007). Il a pu observer la fixation des ions calcium Ca2+ sur les chaînes de pectines présentes dans les fibres. En effet, du calcium bivalent entouré de molécules d’eau peut se lier à des atomes d’oxygène électronégatifs et assurer la liaison entre deux chaînes de pectines (Figure 1‑21). Si le calcium est fixé entre les deux chaînes d’acide galacturonique, une structure stable, appelée « egg box » est formée (Alexos M.A.V. et Thibault, 1991). Cette fixation des ions calcium sur les fibres végétales entraîne une forte diminution de ces ions dans la pâte de ciment. La concentration en calcium est ensuite trop faible pour permettre la formation d’un gel de silicate de calcium hydraté C‑S‑H. En permettant la fixation du calcium sur les fibres, les pectines inhiberaient la formation de gels silico‑calciques, qui sont les produits majeurs de l’hydratation du ciment Portland.

Figure 1-21 : Fixation des ions calcium entre deux chaines de pectine (Leick et al., 2010)