• Aucun résultat trouvé

1.2 Optimisation via des impuretés optiquement actifs : les terres rares

1.2.1 Propriétés générales des terres rares

Les terres rares, également nommées lanthanides, sont situées dans la sixième ligne du tableau périodique de Mendeleiev entre le lanthane et le lutécium comme le montre la figure 1.8. Ces éléments partagent de nombreuses propriétés et ont la même confi-guration électronique externe de type 5s25p66s2. Les terres rares révèlent une anomalie exceptionnelle dans leur couche électronique interne 4f qui est partiellement remplie et protégée de l’environnement local par les couches électroniques externes5s2et5p6pleines (voir figure1.9). De ce fait, les niveaux d’énergie4f sont peu sensibles à l’environnement chimique et sont principalement influencés par les interactions spin-orbite plutôt que le champ cristallin appliqué.

La différence dans le nombre d’électrons occupant la couche interne 4f rend chaque élément de terre rare unique (4fnavecnallant de1pour le cérium à14pour le lutécium). Quand les ions lanthanides sont insérés dans une matrice cristalline ou amorphe, ils existent généralement au degré d’oxydation3+, mais les degrés2+et4+peuvent parfois être rencontrés. Sous excitation électrique ou optique, une luminescence de ces ions peut être générée. Même si quelques espèces bivalentes peuvent présenter de la luminescence (cas du samarium et de l’europium), les ions de terres rares coordonnés dans l’état 3+

1.2. Optimisation via des impuretés optiquement actifs : les terres rares ont le plus grand intérêt car ils montrent une bande luminescente intense et fine dans de nombreuses matrices hôtes. Cette forte luminescence provient de transitions intra-4f

puisque le couplage électron-phonon est faible et les ions se comportent efficacement d’une manière similaire à des ions libres grâce au blindage électronique [53].

Figure 1.8 – Position des éléments de terres rares dans le tableau périodique. Tiré de [54].

Figure1.9 – Ecrantage de la couche4f par les couches externes5set5ppour les ions d’erbium. Le schéma présente la densité radiale de probabilité de présence pour les orbitales4f,5set5p. Tiré de [55].

Chapitre 1. Vers l’intégration du silicium dans la photonique

Les terres rares couvrent, selon l’élément choisi, une gamme de luminescence allant de l’ultraviolet jusqu’au proche infrarouge, par exemple : l’erbium dans l’infrarouge, le cérium dans le bleu, le terbium dans le vert... (voir figure 1.10), faisant ainsi des lanthanides des éléments de choix pour une large gamme d’applications optiques.

Parmi les terres rares, l’erbium et le néodyme ont attiré le plus d’attention. L’inté-rêt suscité par l’erbium tient à l’essor rapide des télécommunications optiques longues distances dans la mesure où les fibres en silice connaissent un minimum d’atténuation vers 1550 nm qui correspond à la longueur d’onde d’émission de l’ion Er3+. L’ion N d3+, quant à lui, est à la base de la grande majorité des systèmes laser solides actuellement disponibles (ex. : N d3+ :YAG).

Figure 1.10 – Transitions radiatives des terres rares. Tiré de [56].

Les transitions qui ont lieu à l’intérieur de la configuration 4f sont de type dipolaire électrique [57] et se produisent entre états de même parité. D’après la règle de Laporte, elles sont interdites pour un ion complètement isolé [58]. Pourtant, inséré dans une

1.2. Optimisation via des impuretés optiquement actifs : les terres rares matrice, l’ion de terre rare réagit avec le champ cristallin permettant ainsi des transitions possibles (voir figure 1.10). Ces dernières possèdent des temps de vie longs de l’ordre la milliseconde [53,59] et ont donc une intensité de luminescence limitée. De plus, il est difficile d’exciter les terres rares directement à cause des faibles sections efficaces d’absorption des transitions entre niveaux 4f (de l’ordre de 10≠21cm2). Parmi les terres rares, les ions de Ce3+ sont un cas particulier du fait que leurs transitions radiatives se produisent du niveau d’énergie 5d vers le niveau 4f. Ces transitions ont lieu entre des niveaux de parités différentes et sont donc autorisées par les règles de sélection. Par conséquent, elles possèdent un temps de vie court [60], une forte intensité de luminescence et une section efficace d’excitation directe plus grande (de l’ordre de10≠18cm2).

Le paramètre majeur limitant la luminescence des terres rares dans une matrice hôte est leur faible limite de solubilité. Une fois celle-ci dépassée, les ions de terres rares précipitent sous forme de particules ou via la formation d’alliages avec des éléments de la matrice hôte (par exemple des oxydes ou des silicates). Dans de nombreux cas, ces précipités sont indésirables et donnent lieu à une extinction de la luminescence. En effet, dans de tels alliages, la terre rare peut se trouver dans un état de valence optiquement inactif ou la proximité des ions de terres rares l’une de l’autre provoque une augmentation des interactions non radiatives entre ions. La faible limite de solubilité des terres rares dans le matériau hôte, par exemple31017at.cm≠3 pour l’erbium dans le silicium [61] et

1018at.cm≠3 pour l’erbium dans la silice [53], peut imposer des contraintes technologiques sur l’architecture de dispositif. L’amplificateur à fibre dopée à l’erbium est un exemple courant où des mètres de fibre de silice dopée sont nécessaires pour obtenir un gain optique suffisant en raison de cette limite thermodynamique.

Transferts d’énergie entre ions de terres rares

Comme il a été mentionné précédemment, lorsque deux ions de terre rare sont suf-fisamment proches l’un de l’autre dans une matrice donnée, des transferts d’énergie peuvent avoir lieu. Ces interactions ion-ion ont été étudiées par Förster [62] et Dex-ter [63]. Dans ces modèles, un ion donneur (D) dans un état excité transfère son énergie à un ion accepteur (A). Il est possible de classer les interactions entre terres rares en

Chapitre 1. Vers l’intégration du silicium dans la photonique

trois catégories principales : les transferts résonnant radiatifs, les transferts résonants non radiatifs et les transferts non résonants non radiatifs.

La figure 1.11 représente trois types de modèles non exhaustif. Dans la migration d’énergie (voir figure 1.11.a), un ion donneur (D) dans un état excité transmet son éner-gie, d’une manière résonante et sans émission de photon, à un ion accepteur voisin (A). Ce dernier sera alors excité. Bien que dans un tel processus l’énergie soit conservée, la migration d’énergie augmente considérablement la probabilité d’une recombinaison non-radiative conduisant ainsi à une extinction de luminescence [53]. Le processus d’up-conversion coopératif (voir figure 1.11.b) se produit lorsque deux ions se trouvent tous les deux dans un même état excité. Quand l’un des ions se désexcite vers l’état fonda-mental, l’autre ion peut être promu à un niveau élevé d’excitation. L’ion accepteur se désexcite soit non radiativement, ce qui est le scénario le plus courant dans les verres d’oxydes, soit radiativement en retournant à son état métastable. En revanche, la re-laxation croisée (voir figure 1.11.c) se produit lorsqu’un ion (D) dans un état excité supérieur transfère son énergie, en se désexcitant vers un niveau intermédiaire, à un ion voisin (A) qui à son tour sera excité au premier niveau métastable. Cet effet est aussi généralement considéré comme un processus de perte. Un autre mécanisme, similaire à l’up-conversion, qui peut avoir lieu est l’absorption dans l’état excité. Ce dernier n’est pas un phénomène de transfert d’énergie mais il constitue toutefois un effet indésirable pour la luminescence. Ce processus de perte se produit lorsqu’un ion se trouvant dans un état excité est ré-excité vers un niveau supérieur par un photon de longueur d’onde appropriée. Il se désexcite ensuite par le biais d’une relaxation multiphonons ou d’un déclin radiatif.

1.2. Optimisation via des impuretés optiquement actifs : les terres rares

Figure 1.11 – Trois types de transfert qui peuvent avoir lieu entre les ions de terres.