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2.  Fonctions et composants d’un stockage géologique de CO 2

2.3.  PRINCIPALES QUALITÉS TECHNIQUES ATTENDUES

2.3.1.   Propriétés de la couverture*

La couverture* est la principale entité géologique qui assure que le fluide injecté restera confiné dans une partie spécifiée du sous-sol (FS-1, contribuant aux FS-2 et 3).

Vis-à-vis de la migration des fluides, et en termes de comportement géomécanique ou géochimique, elle doit jouir de propriétés lui permettant d'assurer l'intégrité du stockage, et doit offrir une continuité spatiale suffisante de ces propriétés. Compte tenu de la géologie des bassins sédimentaires français, ce sont en général des formations argileuses, marneuses ou salifères qui présentent des propriétés de couverture favorables.

- Capacité de piégeage capillaire : La couverture possédera une capacité de piégeage capillaire* compatible avec la surpression limite prévue dans la zone de stockage sous-jacente. Cette surpression est fixée par la somme de deux termes : le différentiel de pression qui correspond à la hauteur maximale de « phase CO2 »

continue[17] (appelée encore « colonne de CO2 ») anticipée pour le stockage, et la surpression due à l'injection. Une telle capacité de piégeage tient, d'une part, à la mouillabilité préférentielle des surfaces minérales par l'eau, d'autre part, à la faible dimension des diamètres d'accès aux pores, tant dans la matrice de la roche de couverture que dans un éventuel réseau de micro-fractures. Le seuil de pression auquel correspond un déplacement capillaire*, autrement dit la possibilité de migration du gaz stocké dans la couverture, fera l'objet :

o de mesures simples telles que la porosimétrie mercure ;

o de mesures appropriées sur carotte, dans des conditions expérimentales qui reconstituent les états de pression et de contrainte in situ.

Dans le cas des anciens gisements d'hydrocarbures, lorsqu'une mouillabilité

« mixte » eau / hydrocarbures a pu se développer au sein de la zone de stockage, des mesures dédiées à la mouillabilité au CO2 devront être conduites.

- Perméabilité : À l'échelle du complexe de stockage, la couverture présentera une perméabilité compatible avec l'épaisseur et les surpressions prévues pendant la durée du stockage, (typiquement, inférieure au microdarcy ou 10-18 m2, ce qui se traduira en général par un ordre de grandeur plus faible pour les mesures sur carotte, soit 10-19 m2). Dans ces conditions, si la migration du gaz stocké n'est pas empêchée par les propriétés capillaires décrites ci-dessus, elle restera limitée à la base de la couverture. Cette perméabilité devra être estimée en tenant compte du passage entre l’échelle de la carotte, à laquelle des mesures peuvent être effectuées, et l’échelle de la formation, à laquelle on a besoin de représenter la perméabilité in situ, y compris les effets de l’état de fracturation. Dans le cas où de fortes surpressions sont attendues dans le réservoir suite à l'injection, une couverture dont la perméabilité n’est pas extrêmement faible aura pour avantage de contribuer de manière significative à leur relaxation (FS-4 et 5), en permettant un écoulement très lent de la saumure dans la zone située à la périphérie du panache (e.g., Birkholzer et al., 2009). Toutefois cet avantage de gestion de la pression devra être évalué en prenant des hypothèses conservatives quant à la migration associée (éventuelle) du gaz stocké.

- Propriété de diffusion : Après dissolution du CO2 dans la solution aqueuse, la diffusion opèrera en raison du gradient de concentration entre le réservoir et la couverture. C'est un phénomène lent, mais inéluctable. Il implique qu'à long terme la base de la couverture soit nécessairement impactée par la présence et les effets du CO2 dissous, en particulier celui des réactions minérales. Le flux de diffusion dépend d'un coefficient propre à la molécule considérée, de la porosité et de la structure du milieu poreux. Des mesures et des calculs devront être menés pour vérifier que le flux de diffusion au-delà de la couverture reste nul ou négligeable

17 Fluide dense composé très majoritairement de CO2, et constituant le panache (cf. Section 1.4.5).

pendant des durées très longues (dizaines de milliers d'années). Ainsi, une couverture dont les propriétés de piégeage capillaire seraient satisfaisantes mais qui ne serait pas suffisamment épaisse pourrait aboutir à un flux diffusif trop important.

- Réactivité minérale : Le CO2 dissous dans l'eau rend celle-ci plus acide, ce qui entraîne des possibilités de réactions impliquant les minéraux. Dès que de l'eau ainsi acidifiée est entrée dans la couverture, cette dernière est susceptible de connaître une transformation minéralogique, dont l'intensité pourra être appréciée par la prise en compte de la composition minérale dans un modèle géochimique.

L'état actuel des connaissances montre des grandes incertitudes de prédiction reliées aux variétés de composition minérale et aux cinétiques des réactions. Ainsi les prédictions d'évolution géochimique devront être faites par scénarios, en s'appuyant sur des mesures de réactivité en laboratoire, et en tenant compte dans les simulations des différents choix possibles de valeurs de paramètres (e.g., utilisation comparée de plusieurs bases de données). On tentera de dégager les scénarios présentant un risque élevé de dégradation géochimique, par exemple lorsque le pouvoir tampon de la roche – qui donne plutôt lieu à un colmatage par précipitation minérale du CO2 tant que le milieu reste confiné – est éliminé par la convection. Le cas de fissures fermées présentant une composition minérale distincte de celle de la matrice devra également être considéré.

- Propriétés mécaniques et résistance à la rupture : L'injection de CO2 induit le plus souvent une variation substantielle de pression des fluides. Celle-ci se propage dans le réservoir, modifie l'état des contraintes, et déforme le milieu. Ainsi la couverture est-elle sollicitée mécaniquement par la nouvelle distribution des contraintes. Pour prévoir comment une roche répond à une sollicitation mécanique il faut connaître d'une part certaines caractéristiques qui lui sont propres, d'autre part dans quel champ de contraintes elle se trouve placée. Deux types de propriétés géomécaniques devront être mesurées, ou évaluées en cas d'absence d'échantillons correctement préservés : (1) les modules et paramètres qui interviennent dans des lois de comportement permettant de calculer les déformations lorsque pression et contraintes changent ; (2) des critères permettant d'estimer quels sont les niveaux de contraintes susceptibles d'induire une rupture de la roche. D'autre part, l'état des contraintes in situ avant injection devra être caractérisé. Ces différentes informations permettront de fixer le seuil de pression à ne pas dépasser à la base de la couverture pour éviter la rupture de celle-ci (FS-4). Intégrées dans un modèle de comportement du site, elles seront également utiles pour calculer la déformation des terrains induite par le stockage.

On prendra garde de noter que, selon la configuration du site, le chemin de contraintes suivi en différents points de la couverture peut conduire à la génération de cisaillements importants en particulier à proximité de discontinuités marquées (failles, fractures...) et que la seule pression de fracturation ne suffit pas pour définir un critère d'intégrité mécanique du site.

Les propriétés qui viennent d'être passées en revue sont des attributs locaux de la roche, accessibles pour la plupart grâce à des mesures sur carotte. On attend de la couverture qu'elle possède les propriétés adéquates sur une extension et une

épaisseur suffisantes (plusieurs dizaines de mètres), sans discontinuité. On privilégiera ainsi les zones à faible densité de failles et fractures. Pour démontrer cette capacité à l'échelle – au moins – du complexe de stockage, des méthodes d'investigation adaptées devront être utilisées, qui reposent notamment sur l'utilisation de diagraphies* et, si possible[18], de tests en forage :

- une analyse sédimentologique des faciès caractéristiques de la couverture, qui se traduise par un schéma de l'architecture des dépôts, sur lequel appuyer l'intégration des données locales obtenues par ailleurs ;

- une collection raisonnée de propriétés hydrauliques et mécaniques sur les faciès représentatifs ;

- une étude régionale de la fracturation (à l'aide de la sismique pour les failles les plus importantes) ;

- une analyse de la fracturation de la roche in situ, paramètre crucial sur le plan hydraulique et sur le plan mécanique, quoique difficile à caractériser.

Des modèles numériques pourront aussi servir à montrer l'aptitude de la couverture à remplir son rôle à l'échelle du complexe de stockage – voire à une échelle plus large si des modifications importantes de pression sont attendues au sein de l'unité hydraulique.