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2.  Fonctions et composants d’un stockage géologique de CO 2

2.2.   FONCTIONS D’UN STOCKAGE GEOLOGIQUE ET FONCTIONS DE

2.2.2.  Assurer la sécurité du stockage

Assurer la sécurité du stockage consiste à confiner le fluide et préserver les enjeux humains et environnementaux, à court comme à long terme. Ceci se décompose en cinq fonctions de sécurité*, que l’exploitant a la charge de garantir en permanence :

1. Assurer le confinement, dans une partie spécifiée du sous-sol, du fluide injecté ; 2. Prévenir un relâchement, massif ou diffus, de gaz à la surface du sol ou en

proche surface susceptible d’affecter la santé des travailleurs et du public ; 3. Prévenir un déplacement de fluides ou de substances dissoutes susceptible

d’effets indésirables sur l’écosystème ou les ressources, notamment en eau potable ;

4. Limiter les perturbations d’ordre mécanique, hydraulique et chimique apportées aux formations géologiques à l’échelle régionale ;

5. Favoriser l’évolution vers une situation de stabilité à long terme.

[FS-1] Assurer le confinement, dans une partie spécifiée du sous-sol, du fluide injecté

Le CO2 doit être maintenu isolé de l’atmosphère pendant une durée suffisamment longue pour que son stockage contribue à la limitation de l’effet de serre. Le milieu géologique, à cet égard, a l'avantage d'offrir des configurations aptes à confiner à long terme un fluide peu dense comme le CO2. L’exploitant doit identifier la zone géologique capable de réaliser un tel confinement, et de maintenir le CO2 isolé des compartiments sensibles*. Cette zone constitue le complexe de stockage. Une fuite est définie comme un déplacement hors de ce complexe du fluide injecté (cf. Section 2.1.5), détectable ou susceptible d’effets défavorables.

L’extension horizontale de cette zone dépend du site et des conditions d’exploitation envisagées. Dans le cas d’un stockage en piège structural, elle sera définie par les limites de la structure géologique. Dans un concept de piégeage hydrodynamique, ses limites ne correspondront à aucune frontière physique, mais à des prévisions de l’exploitant. La partie spécifiée du sous-sol peut comprendre verticalement plusieurs couches, dans le cas où existent des formations de confinement secondaire. La présence d’autres ressources souterraines doit être prise en compte par l’exploitant dans le dimensionnement de l’injection, de sorte que l’extension prévue n’empiète pas sur des ressources à ne pas compromettre.

La réalisation de cette fonction de sécurité contribue au premier plan à celle des deux fonctions de sécurité suivantes. En ceci, le confinement ne se restreint pas au CO2, mais concerne l’ensemble des substances co-injectées.

Pour assurer cette fonction, il faut une bonne connaissance de la structure géologique, des propriétés d’écoulement des différentes formations et de leur état de fissuration.

Ceci nécessite de bien comprendre le comportement hydraulique et chimique du fluide au fil du temps. Au-delà de ces considérations liées au milieu géologique, ceci conditionne la réalisation des puits et leur fermeture afin de prévenir la création de cheminements préférentiels.

[FS-2] Prévenir un relâchement, massif ou diffus, de gaz à la surface du sol ou en proche surface susceptible d’affecter la santé des travailleurs et du public

Cette fonction vise à préserver les personnes des effets d’émanations, en surface, de CO2 ou de substances annexes issus du stockage, suite à des remontées dans ou le long des puits ou via des cheminements géologiques. Elle doit donc être assurée tout au long de la vie du stockage : pendant l’exploitation et la phase de surveillance active, mais aussi à long terme ; elle doit alors être maintenue de manière passive.

Cette fonction exige qu’en cas de fuite en surface, celle-ci n’induise pas le dépassement des seuils critiques vis-à-vis de l’exposition* humaine. Ceux-ci sont déterminés par des études toxicologiques et matérialisés, pour certaines substances au moins dont le CO2, par des limites réglementaires. De même, cette fonction n’exclut pas un mouvement de fluide vers d’autres compartiments sensibles, toutefois un tel mouvement est pris en compte par les fonctions suivantes (FS-3 et 4). Concernant les substances annexes, cette fonction s’applique à la fois aux substances injectées dans le flux de CO2 (ex. H2S, CO, Hg… voir Section 2.1.4) et aux substances mobilisées dans le sous-sol (ex. H2S, radon, métaux, composés organiques…).

Cette fonction doit être assurée par le confinement, dans le complexe de stockage, du fluide injecté. La démonstration de ce confinement est l’élément essentiel de l’analyse des risques. La défaillance du confinement doit être extrêmement peu probable. Il est préférable de pouvoir montrer que, si une telle défaillance survenait, cette fonction serait néanmoins maintenue par l’action de différents processus naturels au sein des terrains de recouvrement (atténuation, dilution, carbonatation…). La mise en œuvre de mesures techniques ou organisationnelles de prévention d’une exposition critique peut contribuer à la réalisation de cette fonction : par exemple, choix de l’implantation du site d’injection à distance de secteurs sensibles et de dépressions topographiques où le CO2 serait susceptible de s’accumuler, intervention pour intercepter la fuite avant qu’elle n’atteigne la surface, ou mise en place de mesures actives de dilution en surface (cf. Section 3.6).

[FS-3] Prévenir un déplacement de fluides ou de substances dissoutes susceptible d’effets indésirables sur l’écosystème ou les ressources, notamment en eau potable

Le stockage de CO2 ne doit pas nuire à l’écosystème en surface ni aux ressources souterraines, à commencer par l’eau potable qui constitue un enjeu majeur.

L’exploitation d’un site doit donc limiter, en-deçà de seuils qui produiraient des effets indésirables, les mouvements de fluides, ou de substances dissoutes dans l’eau, qui atteindraient soit la surface soit des ressources souterraines. Comme la fonction précédente, celle-ci doit être assurée aussi bien pendant l’exploitation et la phase de surveillance active que de manière passive à long terme. A l’instar de la fonction précédente, celle-ci n’interdit pas les mouvements de fluide, tant que leurs caractéristiques ne génèrent pas d’exposition critique pour les éléments vulnérables*

considérés.

Une variété de situations est visée par cette fonction :

- le mouvement ascendant de CO2 ou de substances annexes (co-injectées ou mobilisées dans le sous-sol) jusqu’au sol et à la surface, avec les conséquences que ceci peut avoir pour l’écosystème ;

- le mouvement ascendant de CO2, de substances annexes ou de saumure vers des aquifères d’eau potable ou d’autres types de ressources souterraines exploitables ;

- le mouvement latéral de CO2, de substances annexes ou de saumure au sein de l’unité hydraulique* où se tient le stockage vers des zones où sont présentes de telles ressources.

Les conséquences potentielles dépendent du phénomène et de la ressource considérée.

Le maintien de cette fonction peut résulter des caractéristiques naturelles des formations rencontrées (perméabilité, écoulement régional), mais également de la conception du site (éloignement par rapport aux ressources naturelles) ou de dispositions techniques (gestion de la pression, intervention en cas de fuite).

[FS-4] Limiter les perturbations d’ordre mécanique, hydraulique et chimique apportées aux formations géologiques à l’échelle régionale L’injection de CO2 dans une formation souterraine induit une perturbation du champ de pression en son sein. Celle-ci est susceptible de se propager à d’autres couches sous- ou sus-jacentes, et peut avoir une influence sur des distances pouvant être importantes, et à des degrés divers. Ces modifications de pression se répercuteront sur le fonctionnement hydrogéologique de la région. De plus, la perturbation en pression modifie l’état de contraintes des roches. Elle conduit au soulèvement des terrains en surface, qui dans la plupart des cas devrait toutefois rester modeste (millimétrique à centimétrique), et pourrait engendrer la réactivation d'une faille. Par

ailleurs, le CO2 étant une substance réactive, son injection dans une formation où de l’eau est présente initialement modifie l’équilibre chimique. En cas de déplacement de CO2, de substances annexes ou de saumure vers des aquifères sus-jacents, ceux-ci subiront également des modifications chimiques sur des distances potentiellement significatives.

En outre, ces processus interagissent : par exemple, la réactivation d’une faille pourrait être favorisée par une altération chimique ; les réactions chimiques avec les fluides (colmatage, dissolution) ou bien la réponse mécanique de la roche influencent sa porosité, ce qui peut affecter, en retour, le déplacement de CO2.

Ces impacts du stockage sont, pour partie, inévitables. Les études accompagnant le dimensionnement permettront de les évaluer, au besoin en considérant les différents phénomènes de façon couplée. Il convient de limiter ces impacts autant que possible, pendant l’exploitation et la période de surveillance, mais aussi à long terme ; ils pourraient en effet subsister ou, pour les effets chimiques, ne se produire qu’après des durées assez longues.

Cette fonction concerne toute la pile stratigraphique, jusqu’à la surface. Il est nécessaire de limiter les effets mécaniques à des niveaux d’intensité* tels qu’ils ne puissent engendrer des nuisances pour les biens en surface, notamment les bâtiments. Les éléments vulnérables concernés par cette fonction comprennent également les ressources exploitables (par exemple le potentiel géothermique d’un aquifère), dont la perturbation doit être réduite autant que possible.

La réalisation de cette fonction dépend avant tout des propriétés géologiques (géométrie, propriétés hydrauliques, chimiques et mécaniques). Elle peut s’appuyer également sur des dispositions de conception (stratégie d’injection) ou d’intervention (extraction de saumure pour relâcher la pression ou orienter la migration du panache).

[FS-5] Favoriser l’évolution vers une situation de stabilité à long terme Une spécificité majeure du stockage géologique de CO2, par rapport à d’autres activités industrielles, tient aux échelles de temps qu’il implique : le CO2 injecté est laissé en place à l’issue de l’exploitation, et l’absence de risques à long terme doit être démontrée. La sécurité doit ainsi être garantie au-delà de l’échelle d’une vie humaine, et même au-delà des durées où un contrôle institutionnel peut raisonnablement être assuré. La gestion du site évoluera par étapes : exploitation, surveillance active par l’exploitant, puis transfert de responsabilité à l’État et, à terme, passage à une sécurité passive, c’est-à-dire absence de contrôle institutionnel. Le passage de l’une à l’autre de ces phases s’appuie sur la démonstration progressive de la stabilité du site à long terme, entendue comme un état où les évolutions sont très lentes, avec une relaxation significative des déséquilibres générés pas l’injection. Cette démonstration comporte notamment la vérification périodique de l’adéquation entre les observations et les résultats des calculs prédictifs.

Cette évolution vers la stabilité est d’abord favorisée par les caractéristiques naturelles du complexe ; elle repose aussi sur la conception et le déroulement des opérations :

par exemple, la position et le nombre des puits influeront sur le mouvement et la dissolution du CO2 et sur la pression résultante, la composition du flux injecté sur l’évolution chimique. L’exploitant doit ainsi prendre en considération cette fonction de sécurité dès la conception du stockage.