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Avant de nous engager sur le délicat terrain des recommandations, nous souhaiterions

présenter une synthèse des facteurs de réussite et d’échec en matière de TR à partir de nos

cinq études pays (Madagascar, Tunisie, Namibie, Argentine, Costa-Rica) et zones afférentes

afin d’en tirer quelques éléments d’orientation pour nos propositions/recommandations.

1. Synthèse des facteurs communs de réussite et d’échec en matière de TR

1.1. Facteurs de succès

Plusieurs facteurs communs de succès ressortent de nos cas d’étude :

A- L’adhésion des communautés au processus de développement des projets de

TR

- Attachement des populations locales à leurs ressources et volonté de les valoriser.

- Existence d’une concertation efficace et rapide.

- Existence de structures communautaires bien organisées et stables.

B- La génération de revenus stables induits par le TR et la répartition de ces

revenus entre les différents acteurs

- Les activités touristiques s’insèrent (complémentarité) dans une chaîne comprenant

des activités économiques préexistantes (comme dans le cas de coopératives agricoles, ex.

Costa Rica), ou qui sont amenées à se développer. Cette complémentarité assure la stabilité et

réduit le syndrome de dépendance associé à la mono-activité du tourisme. Cela augmente de

plus les effets multiplicateurs (effets induits amont/aval).

- L’existence de flux de touristes locaux et régionaux : cela évite la saisonnalité (versus

effets néfastes de « stop and go » comme dans le cas de la Quebrada en Argentine).

C- L’existence d’un Etat « facilitateur »

- La réelle volonté de l’Etat (mise en lois et actions) pour développer le TR : le cadre

législatif, via les politiques fiscales et règlementations décidées, favorisent le développement

du TR face au tourisme de masse.

- L’acceptation par l’Etat de déléguer aux communautés locales des droits sur des

actifs naturels à forte valeur ajoutée : ainsi, l’Etat rétrocède aux communautés des droits

fonciers sur des zones attractives en termes de tourisme, comme une partie des parcs

nationaux (cas de la Namibie ou de l’Afrique du sud). Ceci permet de mettre en œuvre

légalement des mécanismes de redistribution (royaltees, droits de concession dans les parcs,

parcs contractuels, etc.).

D- La possibilité d’alliances des communautés

- Avec le secteur privé : les possibilités légales de partenariats entre acteurs privés,

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importants nécessaires au développement d’infrastructures de qualité, (2) l’accès au

savoir-faire d’opérateurs expérimentés et (3) l’accès aux marchés déjà connus et contrôlés par

l’opérateur.

- Entre elles : les possibilités légales (au niveau national ou régional) de partenariats

entre les communautés locales en matière de TR leur permettent de diversifier l’offre et de

faciliter la vente du produit touristique (comme au Costa Rica par exemple).

E- Le professionnalisme des ONG, des organismes d’appui et des donateurs

Cela renvoie au développement d’une unité « tourisme » spécifique au sein de ces institutions

et la présence de personnes spécialisées en tourisme (pas seulement des « développeurs »).

1.2. Facteurs d’échec

Plusieurs facteurs communs d’échec semblent également ressortir de nos cas d’étude :

A- Une insuffisante qualité du produit de TR et des services rendus

- Une qualité des projets de TR insuffisante : les voyageurs associent trop souvent le

TR à des projets de faible qualité et à faible valeur ajoutée. Au contraire, les études de

demande de voyage montrent que la qualité des infrastructures et du service rendu (accueil,

connaissance de langues étrangères, guides touristiques) est essentielle pour l’achat de

voyages et de produits touristiques. Cela pose ici le problème de la qualité critique des projets

de TR.

- Une inadéquation entre l’offre de TR et la demandetouristique : Les projets de TR

sont montés sans étude préalable de la demande auprès des voyageurs individuels et des TO.

Trop souvent, les projets ne répondent à aucune demande. Ils sont situés hors des routes

touristiques, sont enclavés et ne sont insérés dans aucun circuit

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.

B- Une insuffisance des ressources humaines (compétences et capacités)

- Des capacités collectives (organisationnelles) limitées : les organisations villageoises

sont peu compétentes pour gérer des projets de TR suivant des critères stricts de gestion. La

gestion est souvent peu transparente et les délais de décisions sont trop longs. Cela pose le

problème de la difficile cohabitation entre deux logiquesde gestion : logique communautaire

d’un coté et de logique de marché de l’autre (le secteur du tourisme est très compétitif).

D’autre part, la difficile gestion communautaire (organisation déficiente) limite la distribution

efficace et équitable des revenus aux membres du groupe. Cela réduit ainsi l’adhésion

(l’intérêt) des habitants au développement du TR et peut créer des situations de conflits.

- Des capacités individuelles insuffisantes : les niveaux de formation et

d’enseignement atteints par les membres de communautés reculées sont trop limités par

rapport aux besoins du secteur touristique.

C- L’inexistence de moyens de financement adaptés aux besoins des PME de TR

Les outils disponibles de financement ne prennent pas en compte les difficultés des PME

individuelles ou communautaires dans le TR. Les garanties demandées sont trop élevées, les

144 Les projets de TR sont trop peu situés entre deux points d’attraction touristiques (deux parcs nationaux par exemple)

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délais de remboursement sont trop courts, les montants prêtés non adaptés (trop faibles pour

assurer une qualité critique, ou trop importants pour des PME).

D- Une « mise en marché » très limitée

- Les projets de TR bénéficient de plateformes de communication et de marketing trop

limitées (ou insuffisamment développées). Les projets de TR se limitent trop souvent à une

communication auprès de consommateurs « militants », dont la demande reste limitée.

- Une insertion insuffisante dans la chaîne des intermédiaires de voyage : faute

d’incitations (commissions), de communication ou d’une qualité suffisante des prestations

TR, les TO continuent d’acheter et vendre des produits et services touristiques traditionnels.

- Des centrales de réservation inexistantes ou dont l’efficacité est limitée : des

conditions strictes (paiement à l’avance, sécurité de la réservation, assurance annulation,

délais) exigées par les TO qui ne sont pas remplies par les centrales de réservation de TR

existantes dans les pays en développement.

E- Une planification insuffisante des activités de TR

- Une homogénéité insuffisante dans l’application des règles imposées par l’autorité

(locale, régionale, nationale) aux projets de TR (règles sur la concurrence, règles sur les

conditions de travail, gestion des déchets, règles de construction). Notons également

l’élaboration lente et sans respect chronologique des textes d’application de lois relatives au

TR dont certains n’ont pu encore être adoptés – ce qui empêche un réel développement de

cette forme de tourisme.

- Des infrastructures de transport et des infrastructures collectives (assainissement,

stations essence, électricité, eau potable, etc.) insuffisantes.

- Une planification réduite et inefficace : aucune concertation n’est effectuée au niveau

local pour définir les besoins et les activités amont/aval à développer. L’approche est trop

souvent sectorielle.

- Une cohabitation mal gérée entre tourisme de masse et TR (cas du Costa Rica et de

la Tunisie).

F- Un ancrage politique et territorial des formulations et des formules des

organismes internationaux parfois absent ou insuffisant

- Des conflits de temporalité, décentralisation des pouvoirs et gestion durable étant

deux processus (long terme) qui ne peuvent se conjuguer sur une échelle de temps compatible

avec celle des projets ou programmes actuels des opérateurs et organismes d’aide

(court-moyen terme).

- Des idéalismes en matière de TR (démarche top-down et méthodes qualifiées de

best-pratice des OI) sans tenir compte véritablement des difficultés, des spécificités politiques et

locales et de la diversité des pays en développement.

2. Propositions et recommandations pour un tourisme plus responsable :

des pistes à partir des constats par pays

L’analyse des facteurs de succès et d’échec décelés à travers l’étude des cinq pays retenus

dans le cadre de cette étude nous permet maintenant de proposer des pistes de réflexion quant

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à certaines mesures à mettre en œuvre pour (i) évaluer les impacts du TR et (ii) supporter le

développement de projets de tourisme responsable dans les pays en développement.

Trois types de projets de TR de nature organisationnelle différente font ainsi l’objet de nos

propositions et recommandations

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:

(1) Les projets strictement communautaires (développés et gérés à 100% par des

communautés, groupements villageois ou coopératives, etc.)

(2) Les projets strictement privés, qu’il faut cependant contrôler et inciter afin qu’ils

prennent en compte des critères de durabilité (économique, socio-culturelle,

environnementale, territoriale)

(3) Les partenariats où plusieurs agents (communautés, secteur privé, agences de

coopération, Etat, ONG) allient leurs moyens et expertises dans un projet commun

de TR.

Pour des raisons de concision et de clarté, nous avons gardé un socle commun de propositions

et de recommandations pour ces trois formes organisationnelles de TR, tout en précisant

parfois la plus particulièrement concernée.

Enfin, trois types différents d’outils et d’instruments sont ici envisagés dans nos propositions

et recommandations:

(1) Les mesures de gouvernance pour favoriser la réorganisation des rapports et

relations entre les différents acteurs. Elles impactent le régulation du TR.

(2) Les mesures juridiques concernent les lois, règles édictées par une autorité

publique (centrale, régionale ou locale) et qui s’imposent aux agents afin de

contrôler leurs actions. Les lois sur le travail, le respect de l’environnement, etc.

sont autant de mesure juridiques.

(3) Les mesures économiques sont des incitations (par la fiscalité ou par le marché)

qui visent à faire évoluer les comportements des acteurs du TR.

2.1 Propositions et recommandations institutionnelles et organisationnelles en

matière de TR