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II. Compréhension de la maturation de l’ARNr 18S

3. Proposition d’un modèle de maturation

Nous avons enfin essayé d’identifier des facteurs impliqués dans la maturation finale de l’ARNr 18S, c’est-à-dire dans la régulation de la coupure induite par Nob1. Dans la littérature, Nob1 est activé dans une conformation pseudo 80S qui est formée suite à une première interaction des deux SU (Lebaron et al., 2012; Strunk et al., 2012). Parmi les AFs tardifs, on peut retrouver la kinase Rio1 qui est impliquée dans la maturation de l’ARNr 18S. Nos tests d’interaction entre Rio1 et Pno1 nous ont indiqué qu’il n’y a pas de lien direct entre ces deux protéines puisque nous n’avons pas observé de reconnaissance, au moins indépendamment du pré-40S. Récemment, des données d’interaction ont montré que la kinase Rio1 est capable de reconnaître le complexe Nob1/Pno1 mais pas les protéines seules (Parker et al., 2019). Ces résultats sont donc cohérents avec nos résultats de co-expression de Pno1 avec Rio1. Les auteurs ont également indiqué que Rio1 était impliquée dans la dissociation du complexe Nob1/Pno1 permettant ainsi d’assurer la formation d’une SU compétente pour la traduction. On pourrait alors suspecter que la reconnaissance par Rio1 favoriserait une conformation où l’interaction de Pno1 avec l’ARN 18S serait déstabilisée entrainant donc l’activation de Nob1 et par conséquent la coupure au site D. D’ailleurs des études ont déjà montré l’implication de Rio1 dans la maturation de l’ARN 18S, supportant le fait que la particule pré-40S compétente pour la coupure est associée aux facteurs Rio1, Pno1 et Nob1 (Turowski et al., 2014).

D’un point de vue structural, on peut principalement observer deux états conformationnels du pré-40S : une particule associée au complexe Nob1/Pno1 et une autre où l’on peut observer la kinase Rio1 et RPS26. On ne peut donc pas exclure l’implication de Rio1 dans le recrutement de RPS26. D’une part si Pno1 est associée au pré-40S, sa présence bloque l’activité de Nob1 et lorsque les deux protéines sont absentes l’extrémité 3’ mature est générée. La transition entre les deux états pourrait être assurée par Cinap (Fap7) (Bai et al., 2016). Nous avons d’ailleurs étudié la reconnaissance de Cinap avec le complexe Nob1/Pno1. Celle-ci peut reconnaître Pno1 et aussi Nob1 de manière indépendante et nos données nous ont aussi fait suspecter que le partenaire Pno1 est impliqué dans la régulation de l’interaction entre Cinap et Nob1. Cette régulation pourrait impliquer l’activité ATPase de Cinap ce qui serait cohérent avec le modèle

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de coupure proposé par Bai et ses collègues. De même, nous avons également montré l’existence d’un complexe RPS14/Cinap/RPS26 chez l’homme qui a déjà été observé chez la levure où les auteurs ont indiqué que le recrutement de RPS26 est dépendant du complexe Cinap/RPS14 (Peña et al., 2016). Nos études nous ont permis de montrer que Cinap pouvait médier différentes interactions protéiques et ceci suggère fortement que Cinap pourrait effectuer le lien entre la transition pré-40S associée au complexe Pno1/Nob1 et pré-40S associé à Rio1. Ces données pourraient donc éclaircir le mécanisme de maturation même si des liens entre les différentes étapes restent encore à démontrer.

Par conséquent, on pourrait proposer le mécanisme de maturation de l’ARNr 18S suivant : dans un premier temps, Nob1 adopte une conformation inactive bloquée par Pno1. L’arrivée de la kinase Rio1 entraine la dissociation des facteurs Ltv1 et Rio2, ce phénomène entraine un réarrangement structural qui va destabiliser l’interaction de Pno1 avec l’ARN, permettant ainsi le chargement de RPS26 au niveau de l’extrémité 3’ de l’ARNr 18S qui est dépendant de Cinap et RPS14. On aurait donc un échange RPS26/Cinap en Pno1/Cinap. Dans ce cas de figure, Pno1 pourrait réguler la fonction ATPase de Cinap ce qui lui permettrait de reconnaître Nob1 induisant un changement de conformation et donc l’activation de sa fonction endonucléolytique pour assurer la coupure du site D et finalement la maturation de l’ARNr 18S (Figure 43). Néanmoins, le modèle proposé reste à valider puisque si des interactions directes entre Cinap et Nob1 ont été rapportées dans la littérature, nos expériences de pull down ou de co-expression ne sont pas très concluantes. En effet, si on observe une interaction entre Nob1 et Cinap en co-expression, ces mêmes résultats ne sont pas observés dans les tests de pull down. Nous n’avons pas non plus réussi à étudier la relation entre l’ensemble de ces différentes protéines (Nob1, Pno1, Cinap, RPS14 et RPS26).

La principale difficulté vient du fait que les RPs sont connues pour avoir besoin d’un partenaire comme leur chaperonne pour stabiliser leur expression. C’est effectivement le cas de la protéine RPS14 qui se comporte mieux lorsqu’elle est co-exprimée avec Cinap. Cependant, le modèle proposé nécessite d’avoir les protéines seules pour effectuer les contrôles. Ces derniers sont importants pour voir si les protéines RPS26 ou RPS14 peuvent déplacer Pno1 de l’ARNr dans des expériences de retard sur gel. On peut aussi penser que l’ajout de ces facteurs dans les tests d’activités endonucléolytiques pourrait nous apporter des informations plus pertinentes concernant l’activité de Nob1, ce qui in fine, pourraient soutenir ou infirmer le modèle de maturation proposé.

pg. 120 Figure 43 : Proposition d’un modèle de la maturation de l’ARNr 18S : activation de l’endonucléase Nob1. Les protéines Nob1 (bleu), Pno1 (rose) et RPS14 (orange). L’endonucléase adopte une conformation « inactive ». L’arrivée de la kinase Rio1 (rouge) entraine le départ des AFs : Ltv1 et Rio2, le recrutement de Rio1 déstabilise l’interaction de Pno1 au pré-ribosome qui permet le recrutement de RpS26 (violet) dépendant de Cinap (Vert) qui va l’échanger avec Pno1. Le complexe formé (Cinap/Pno1) induit un changement de conformation de Nob1 entrainant son activation et par conséquent le clivage du site D.

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