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En conséquence, en comparaison des non-handicapés, le temps moyen passé par les étudiants les plus handicapés au sein de l’enseignement supérieur est nettement plus élevé, et ce, notamment, à partir du second cycle.

Tableau I.3.9 : nombre d’années passées au sein de l’enseignement supérieur en fonction de l’année d’étude

Pas de handicap Handicap Handicap Reconnu*

Moyenne Ecart type Moyenne Ecart type Moyenne Ecart type Bac +1 1,5 1,0 1,7 1,4 [1,8] [2] Bac +2 2,6 1,1 3,0 1,8 [4,1] [3] Bac +3 3,8 1,3 4,4 1,9 [4,9] [1,3] Bac +4 5,2 1,7 5,4 1,7 [5,8] [1,3] Bac +5 6,4 1,6 6,9 2,0 [8,2] [2,1]

* les valeurs pour le "handicap reconnu" sont présentées uniquement à titre indicatif : les effectifs

étant très faibles.

Sources : OVE 2010-2013 ; champ : étudiants en formation initiale entrés au maximum 14 ans avant la date de l'enquête et âgés de moins de 35 ans au moment de l'enquête. L’âge a été ici limité à 35 ans pour éviter d’intégrer les personnes qui entreprennent des études « sur le tard » ; de même, nous avons fixé une limite de 14 ans pour les durées d’études, afin d’éviter les valeurs aberrantes qui, compte tenu de la faiblesse des effectifs dans chaque classe, pourrait biaiser fortement les moyennes et donc leur comparaison. L’écart type indique que la majorité des étudiants (environ les deux tiers) sont dans l’enseignement supérieur depuis + ou - 1 écart-type du temps moyen à un niveau donné (soit, par exemple, pour les étudiants à Bac +5 et dont le handicap est reconnu, entre 6,1 et 10, 3 ans)

En outre, il convient de noter que ce ne sont pas seulement les moyennes qui différent sensiblement, mais aussi les écarts types (différences toutes statistiquement significatives). Du coup, l’étalement des études s’effectue sur un temps nettement plus long pour les jeunes les plus handicapés, comme l’indique le graphique ci-dessous.

Graphique I.3.7 : distribution du nombre d’années d’études passées dans l’enseignement supérieur en fonction du degré de handicap

Sources : OVE 2010-2013 ; champ : étudiants en formation initiale entrés au maximum 14 ans avant la date de l'enquête et âgés de moins de 35 ans au moment de l'enquête.

Note de lecture du graphique : le trait en gras dans la « boîte » indique la médiane ; le bas de la « boîte » le premier quartile ; le haut de la « boîte » le troisième quartile. Les lignes verticales situées au-dessus et en dessous des « boîtes », jusqu’à leur extrémité symbolisée par un trait horizontal, indiquent les plages inférieures et supérieures de la distribution (i.e. les 25 % inférieurs et les 25 % supérieurs de la distribution). Les points situés au-delà sont considérés comme des valeurs extrêmes. On voit clairement que la distribution du nombre d’années passées dans l’enseignement supérieur par les étudiants les plus handicapés est nettement plus étendue : 25 % d’entre eux y passent entre sept et 13 ans.

Nos propres données recoupent celles de l’OVE (Cf. annexe 3-3) : les étudiants bénéficiant d’une reconnaissance institutionnelle de leur handicap, ceux dont le handicap s’étend au-delà de la seule sphère académique (regroupés sous le terme générique de « handicap canonique » ou handicap visible) et, surtout, ceux qui bénéficient d’une AAH, passent significativement plus de temps au sein de l’enseignement supérieur.

Qu’il faille plus de temps aux étudiants en situation de handicap pour mener à bien leurs études tombe sous le (bon) sens. ZENDRERA, MONTSERRAT FREIXA et GRANGEREAU (2015) considèrent ainsi que, pour les étudiants en situation de handicap, l’obtention d’un niveau ou d’un diplôme peut nécessiter davantage de temps, en raison d’inscriptions se faisant uniquement à temps partiel, d’une assiduité discontinue renvoyant aux problèmes de santé, ou bien faute d’encadrement spécialisé.

Cela étant, si l’on s’intéresse au temps moyen passé à l’université par les étudiants ayant terminé leurs études, on remarque que les rapports des temps moyens132 pour obtenir un diplôme s’amenuisent à mesure que l’on avance dans la hiérarchie des diplômes. Ainsi, comme on le voit avec le graphique ci-dessous, c’est pour les étudiants sortis avec un Master 2 que le rapport moyen de temps passé pour obtenir ce diplôme est le plus faible : il est même très légèrement supérieur pour les personnes non-handicapés133. A l’inverse, les étudiants en situation de handicap passent plus de temps que leurs homologues non-handicapés au sein de l’université avant d’en sortir sans diplôme.

Graphique I.3.8 : rapports des temps moyens passés à l’université pour l’obtention d’un diplôme (ou avec une sortie sans diplôme) des jeunes en situation de handicap et des jeunes non-handicapés.

Sources : Céreq 2004-2010 agrégées ; champ : étudiants sortis de l’enseignement supérieur.

Note de lecture du graphique : les étudiants en situation de handicap qui sortent sans diplôme ont passé, en moyenne, 2,8 années à l’université ; ceux non-handicapés y ayant passé 2,2 années, le rapport est donc d’environ 1,3. Le tableau présentant les données complètes figure en annexe 3-4. Le champ est ici uniquement l’université, et ce afin de ne pas biaiser les données : en effet, les étudiants sortant d’une formation de travail social ou de santé ont un niveau de Bac +2 alors que le nombre d’années d’étude y est de 3 ans.

Ces constats vont à l’encontre des observations ci-dessus relatives, elles, aux étudiants qui poursuivaient leurs études. Bien sûr, les données ne sont pas strictement comparables, puisqu’ici ne sont considérés que les étudiants sortis de l’université. Toutefois, au-delà de cette

132 Le rapport de temps moyen est le temps moyen qu’il faut à des étudiants dans une situation X pour obtenir un diplôme donné sur le temps moyen nécessaire à des étudiants dans une situation Y pour obtenir le même diplôme. Dans le graphique suivant, la situation X est celle du handicap et Y celle du non-handicap. Cf. note de lecture de celui-ci.

133 Il en va de même pour les étudiants de notre échantillon sortis à Bac + 8 mais, compte tenu de la faiblesse de leur effectif (3), nous ne portons pas les moyennes sur le graphique.

1,0 1,1 1,2 1,3

Pas de

diplôme Bac+2 Licence Master1 Master2

Ra pp or t de s te m ps m oy en s

Rapports des temps moyens des étudiants en situation de handicap /temps moyens des étudiants non handicapés

restriction, on peut faire l’hypothèse que ce paradoxe est dû à un biais de sélection : au fur et à mesure de l’avancée dans les études, les étudiants en situation de handicap seraient sur-sélectionnés. Dès lors, ceux que l’on retrouve aux niveaux les plus élevés seraient, pour la plupart, ceux dont le capital scolaire compense leurs désavantages liés à la déficience. Cette sur-sélection se manifesterait d’ailleurs par la faible proportion de jeunes handicapés obtenant un niveau supérieur à Bac + 5.

Les étudiants que l’on observe à un niveau N donné avec un temps moyen supérieur (voire très supérieur) à leurs camarades (handicapés ou non), ont, en fait, de fortes chances de quitter leurs études avec un niveau N-1. Ceci signifierait aussi, dans cette hypothèse, que la propension à continuer ses études en l’absence de réussite serait plus grande chez les handicapés, notamment en raison des opportunités légales (faire sa 1ère année de Licence en trois ans, ou bien son Master 2 en plus de deux années, par exemple) qui leurs sont offertes. C’est ce qui explique, notamment, la plus grande différence de temps passé à l’université des jeunes handicapés terminant leurs études sans diplôme. Toutefois, ces opportunités étant loin d’être suffisantes pour décrocher le diplôme, ils sortent sans l’avoir obtenu. Ainsi, les étudiants handicapés passeraient, en moyenne, plus de temps dans des niveaux d’études pour tenter des diplômes qu’in fine ils n’emporteraient pas.

3. 2. 2. 2. Des réorientations dont le sens dépend largement du moment de leur survenue

Outre les redoublements, les réorientations constituent un deuxième facteur d’allongement du parcours des étudiants. Comme on le sait, celles-ci se produisent essentiellement lors des deux premières années. Les raisons en sont multiples (BODIN,MILLET, 2011 ; FRICKEY, PRIMON, 2003 ; BOYER, CORIDIAN, ERLICH, 2001 ; FELOUZIS, 2001) : un certain nombre d’étudiants s’inscrivent dans une formation en attendant d’être pris dans une autre formation ; d’autres s’aperçoivent que la matière dans laquelle ils s’étaient inscrits, et qu’ils découvrent parfois (droit, psychologie, sociologie, etc.), ne correspond pas à leurs attentes, que ce soit du fait de son contenu disciplinaire, des exigences ou des conditions d’études qui y prévalent. Examinons donc le phénomène des réorientations en nous concentrant, dans un premier temps, sur les premières années d’étude.

Comme le montre le tableau ci-dessous, dans l’Enquête OVE 2013134, on n’observe pas de différences statistiquement significatives entre les taux de réorientations des étudiants en situation de handicap et ceux prévalant pour les étudiants « valides ».

Par ailleurs, les pourcentages de réorientation constatés dans l’Enquête OVE pour les étudiants handicapés sont comparables à ceux prévalant pour les étudiants de notre propre enquête. Comme ces derniers sont, en moyenne, plus lourdement handicapés que ceux de l’OVE, on peut en déduire que le niveau du handicap ne semble pas être un facteur influant sur les réorientations. Enfin, on remarquera que ces taux sont à peu près similaires à ceux du Ministère pour la population générale.

Tableau I.3.10 : taux de réorientations, un an après, des entrants de l’année N-1 en première année d’enseignement supérieur universitaire.

Lecture : le tableau présente les proportions d’étudiants entrés l’année précédant l’Enquête et inscrits dans une autre discipline universitaire au moment de l’Enquête, que ceux-ci soient inscrits à nouveau en première année ou bien en deuxième année d’un autre cursus. Bien évidemment, les premiers sont nettement plus nombreux que les seconds. Compte tenu de la faiblesse des effectifs de notre Enquête, nous avons présenté les intervalles de confiance (à 95 %) de chacune de ces proportions. Comme les intervalles de ces deux Enquêtes présentent un domaine d’intersection, on ne peut donc rejeter l’hypothèse nulle, c’est-à-dire l’absence de différence de ces proportions. Ainsi, par exemple, on ne peut affirmer que la proportion (37%) observée dans l’Enquête OVE pour les étudiants en Bac + 1 diffère statistiquement de celle observée dans notre propre enquête (23%), puisque les intervalles de confiance se recoupent partiellement. Notons que les résultats du Ministère ne proviennent pas d’un échantillon mais sont exhaustifs.

Au total, dans l’Enquête OVE, on constate qu’un peu plus d’un tiers des étudiants essuyant un échec lors de leur première année en profitent pour changer de discipline. De fait, les réorientations apparaissent de plus en plus consubstantielles aux parcours étudiants, notamment lors du premier cycle. Au fond, la première année du premier cycle semble, pour certains étudiants, s’apparenter à une « classe de découverte »135.

134 Nous avons regroupé le handicap en une seule classe, compte tenu de la faiblesse des effectifs.

135 Le développement de l’autonomie, l’esprit de responsabilité, l’acquisition ou le perfectionnement de méthodes de travail font ainsi partie des finalités assignées aux classes de découverte (Cf. « Les classes de découverte -

Ministère RERS 2015*** pas de handicap handicap Tous handicaps Tous étudiants Bac +1 38% 37% 44% 30% 23% 36% 11% Bac +2 5% 4% 6% 2% 10% 16% 3% Total Bac+1 et Bac +2 14% 15% 16% 10% 14% 20% 8% Ensemble 11%

Champs : *étudiants entrant en 2008 pour la vague 2010 et 2011 pour celle de 2013 ; ** étudiant entrant en 2013 ; *** étudiants entrant en 2013

Enquêtes OVE 2010 et 2013 agrégées*

Intervalle de confiance "handicap" Intervalle de confiance "tous handicaps" Enquête AV 2015-2016 ** 14% 14%

Les caractéristiques des étudiants concernés sont bien définies : il s’agit, la plupart du temps, de jeunes dont le parcours scolaire antérieur n’est pas des plus brillants, d’origine sociale modeste et dont les parents n’ont, eux-mêmes, pas fréquenté l’enseignement supérieur. Ainsi, les caractéristiques scolaires et sociales restent des paramètres prédominants (GRIGNON, GRUEL,BENSSOUSSAN, 1996, FELOUZIS, 2000), même si les filières suivies jouent aussi un rôle non négligeable (GALLAND, 1996), les deux types de critères étant, d’ailleurs, fortement interdépendants (MIROUSSE, 2016).

Toutefois, compte tenu de la faiblesse des effectifs des étudiants en situation de handicap de première année dans les échantillons de l’OVE, et surtout dans notre propre Enquête, nous ne sommes pas en mesure d’examiner comment ces facteurs se combinent avec le handicap. Il convient juste de rappeler que la proportion d’étudiants en situation de handicap ayant eu des difficultés scolaires antérieurement à leur entrée dans l’enseignement supérieur y est plus importante. Pourtant, en dépit de ce fait, les taux de réorientations ne sont pas significativement différents. Il y a là un paradoxe qu’il convient d’éclaircir.

Il peut être expliqué si l’on prend en compte la nature des filières suivies. En effet, celles où l’on observe les taux de réorientations les plus élevés (Cf. annexe 3-5) sont aussi celles qui sont les plus sélectives, où les proportions de « bons élèves » sont les plus élevées (santé, école d’ingénieurs, sciences). Or, ce sont aussi celles vers lesquelles les étudiants en situation de handicap s’orientent le moins, comme nous l’avons vu plus haut.

Nous avons jusqu’ici considéré uniquement les étudiants de première année, et, plus précisément encore, les nouveaux entrants. Cette focale se justifiait dans la mesure où les bifurcations de parcours s’effectuent principalement à ce moment bien particulier qu’est l’entrée dans l’enseignement supérieur, dont toute la littérature insiste sur la rupture qu’elle représente par rapport à l’univers lycéen.

Qu’en est-il après cette première barrière ?

La signification des réorientations n’est pas du tout identique selon le cycle d’étude. Alors qu’elles correspondent, en grande partie, à des échecs ou des solutions d’attente dans le premier cycle, elles sont beaucoup plus souvent synonymes d’un approfondissement du projet initial dans les cycles supérieurs, et notamment lorsque l’on passe d’un cycle à un autre. Le tableau ci-dessous montre les variations des motifs de réorientation en fonction du cycle mais aussi du type de handicap. Au préalable, précisons que nous avons tenté plusieurs

Synthèse réalisée par l'Inspection académique de la Savoie », Sources : DESCO, IA 7, 3 mars 2004). La parenté avec la première année de l’université de masse est évidente.

partitions relatives aux handicaps (handicap avec allocation vs sans allocation ; lourdeur du handicap, etc.). La seule combinaison qui discrimine les situations est celle opposant étudiants dont le handicap est scolaire (nous avons regroupé ceux dont le handicap est uniquement scolaire et ceux dont le handicap, en plus de scolaire, s’étend aussi aux autres aspects de la vie quotidienne) à ceux pour lesquels la dimension scolaire n’est pas directement affectée.

Il en ressort deux faits principaux. Premier constat : on observe bien une différence entre les étudiants de premier cycle et ceux dont le cursus est plus avancé (différence statistiquement significative ; p value < 0.003) : les changements ou affinements liés au projet professionnel sont plus souvent évoqués dans ce dernier cas (46 % contre 21 %).

Tableau I.3.11 : motifs de réorientation en fonction du type de handicap et du cycle d’étude

On retrouve ici, par exemple, les étudiants qui, suite à un BTS ou à un DUT, intègrent une filière à l’université, une école, ou bien encore ceux qui, suite à l’obtention d’une Licence, passent un concours ou intègrent une école professionnelle.

Léa, 22 ans, admise en école de commerce après une licence LSH, dyslexique. « J’ai jamais eu dans l’idée de faire de la socio jusqu’au Doctorat, même pas jusqu’au Master… Les écoles de commerce, j’ai toujours eu ça un peu en vue […] mais une vraie école de commerce, pas celles qui sont après le Bac parce que tout le monde sait que, ça, c’est pas très bien côté… et puis c’est un peu des boîtes de fils à papa. Ce que je voulais, c’est quelque chose d’un peu côté, mais je savais très bien que je pouvais pas y aller directement. Avec la dyslexie, les classes prépa, c’était pas la peine d’y compter… c’est sûr que tu gicles ! Les DUT, c’est un peu pareil et les BTS… pfff, je veux pas dire mais, bon, c’est un peu pour les Bac pro, quoi… Donc, y’avait la solution de la fac parce que je savais que XXX [école de commerce bordelaise] recrutait à Bac + 3. Alors j’ai choisi sociologie parce que, quand même, cette école elle recrute beaucoup sur la culture générale, et quand tu fais socio, c’est quand même pas mal ouvert sur le monde, sur la société… alors c’est utile pour passer cette admission. »

Cycle

d'étude Type de handicap

Cette filière ne vous plaisait pas ou vous avez découvert une formation qui vous plaisait davantage

Cette filière était trop difficile

Vous avez changé ou affiné votre projet

professionnel Total Pas de handicap scolaire 47% 22% 31% 100% Handicap scolaire 40% 45% 15% 100% Ensemble * 43% 36% 21% 100% Pas de handicap scolaire 31% 9% 59% 100% Handicap scolaire 33% 33% 33% 100% Ensemble ** 32% 22% 46% 100% au delà du 1er cycle

Enquête AV ; * p value < 0,048; ** p value < 0,033 1er cycle

Corrélativement, les réorientations du fait des difficultés de la (ou des) discipline(s) initialement choisie(s) sont nettement moins souvent évoquées par les étudiants de deuxième cycle. Ceci se comprend parfaitement puisqu’il y a lieu de supposer qu’une bonne partie de ceux qui éprouvaient des problèmes à suivre en premier cycle n’ont pas poursuivi au-delà.

Second constat : on observe, aussi bien en premier cycle qu’en second cycle, une différence quant à la nature des raisons ayant présidé à la (aux) réorientation(s) en fonction du handicap. Comme l’on pouvait s’y attendre, les jeunes ayant un handicap directement lié au « métier » d’étudiant, aux compétences et apprentissages qu’il exige, mentionnent beaucoup plus fréquemment les difficultés rencontrées dans les disciplines initialement choisies : difficultés qui les ont conduits à envisager de nouvelles études. C’est le cas, par exemple, de Mathilde qui, après une inscription en BTS de Comptabilité-Gestion, a décidé d’entreprendre des études de psychologie.

Mathilde, 24 ans, 2nde année LSH, Infirmité Motrice Cérébrale.

« A l’IEM, à XXX [un Lycée] … j’ai commencé un BTS Comptabilité-Gestion, mais, vraiment, j’y arrivais pas… Tous les chiffres, ça allait pas, comme avec mon handicap, j’ai des problèmes un peu d’orientation… je pouvais pas, j’arrivais pas à suivre. […] J’ai voulu aller en psycho. Mais, là aussi, ça va pas… y’a plein de stats aussi… donc, je pourrai jamais obtenir la Licence complète… Mais les autres matières, ça va, ça m’intéresse et c’est pour ça que je continue. Mais je crois que, là… maintenant… ça fait trois ans que j’y suis, en psycho… je crois que, l’année prochaine, je vais aller en Lettres. Y’a ma sœur jumelle qui y est aussi ; elle a fait ça depuis le début, elle. Elle a le même handicap que moi, mais ça va bien pour elle. En fait, j’aurais du faire ça depuis le début, mais le BTS c’était quand même bien pour trouver du travail… Lettres, je crois que j’arriverai à suivre mais, pour le travail, c’est plus dur parce que, à part prof, je vois pas trop… Surtout avec mon handicap : je vais avoir des difficultés à me faire comprendre… [rires] ».

Dans un système où la logique tubulaire domine, au moins sur le plan symbolique, les réorientations sont perçues comme des échecs. D’ailleurs, les problèmes d’orientation, notamment dans le premier cycle, sont souvent identifiés comme une des causes de l’abandon de l’enseignement supérieur sans diplôme. Or, tel n’est pas nécessairement le cas. Il est des parcours où l’engagement dans telle voie est un moyen d’accéder à des études auxquelles on n’aurait pu prétendre sans ce parcours initial. Le cas de Léa est, à cet égard, exemplaire. Celui de Mathilde est, lui, révélateur d’un type de trajectoire où les réorientations successives ne peuvent être totalement assimilées à un échec. Le BTS est jugé trop difficile ; on change pour une matière qui intéresse, et l’on continue, en dépit de la quasi assurance que l’on n’obtiendra pas le diplôme, avec à l’esprit une nouvelle bifurcation vers une autre discipline. Certes, d’un côté, si l’on considère les études comme un ajustement entre une matière et une visée professionnelle, les pérégrinations de Mathilde peuvent être perçues comme un échec. D’un

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