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4. Profil des maisons d'édition

4.5 Promotion sur le web et les réseaux sociaux

Outre le travail de représentation auprès des acheteurs que fo n t les diffuseurs, les éditeurs ont également besoin, pour se démarquer, d'investir dans la prom otion. Des initiatives commerciales comme l'achat d'espaces publicitaires dans les journaux restent au-dessus de leurs moyens, d'autant plus qu'elles peuvent s'avérer vaines lorsqu'une maison d'é ditio n est encore peu connue et que ses auteurs ne sont pas renommés. Une des hypothèses centrales de mon m émoire de maîtrise consiste à avancer que les

nouveaux éditeurs misent notam m ent sur une stratégie prom otionnelle utilisant le web et les médias sociaux pour se dém arquer et accroître leur capital symbolique. Quelques questions du sondage avaient donc pour but d'en savoir davantage sur leur rapport au web et aux plateformes de réseautage.

Il appert que 75 % des répondants estim ent que le web est très im portant dans la stratégie de prom otion de leur maison d 'é ditio n; 20 % le disent im portant; et 5 % le considèrent peu im portant. Au total, 95 % des participants ont un site w eb présentant le catalogue com plet de leur maison d 'é d itio n 13. Cet espace sert principalem ent à prom ouvoir les auteurs (85 %) e t à publier des nouvelles d'actualité valorisant les activités e t les succès de la maison d'édition (80 %). Une m ajorité (60 %) se sert du site dans ses relations avec les médias. La m oitié propose l'achat de livres en ligne. La mise à jo u r du site relève dans 50 % des cas des éditeurs fondateurs e t dans 20 % des cas de to u te l'équipe éditoriale. Certaines entreprises délèguent la tâche à des pigistes.

Les médias sociaux sont également grandement utilisés pour prom ouvoir la maison d'édition. Le sondage questionnait les participants sur quatre plateform es de réseautage. Voici les réponses obtenues :

• 85 % utilisent Facebook; • 40 % Tw itter;

• 30%YouTube; • et 10 % Linkedln.

Si les résultats dém ontrent de manière indéniable que les éditeurs émergents consacrent du temps et de l'énergie à la prom otion sur la Toile, j'a i également demandé à ces derniers d'évaluer l'im pact de leur stratégie web sur différents aspects et activités de la maison d'édition. Le tableau 7 présente les réponses obtenues :

Tableau 7 : Évaluation de l'impact du web et des médias sociaux par les nouveaux éditeurs

Impact Évaluation de l'im pact

Beaucoup Moyen Peu Pas La vente de livres en librairie 11 % 67% 22 % 0 % La couverture médiatique des livres et des auteurs 2 8 % 50% 2 2% 0 % La participation aux lancements 5 6 % 28% 6% 17 % La fréquentation du stand lors des salons du livre 18 % 53% 2 4 % 6 % La notoriété de la maison d'édition dans le milieu

littéraire 5 0 % 33% 11% 6 %

La notoriété de la maison d'édition auprès du grand

public 5 6 % 28% 11% 6 %

Une m ajorité de répondants croient que l'utilisation du web et des réseaux sociaux peut avoir beaucoup d'im pact sur une participation aux lancements de livres (56 %) de même que sur la notoriété de la maison d'édition dans le milieu littéraire (50 %) e t auprès du grand public (56 %). Tous ne sont pas du même avis, car 17 % de nouveaux éditeurs estim ent pour leur part que les initiatives sur la Toile n 'o n t pas d 'im p act sur la participation aux lancements. En ce qui concerne la vente de livres en librairie, 67 % jugent qu'une stratégie web aura un impact moyen. Une majorité évalue aussi « moyen » l'im pact sur la couverture m édiatique des livres et des auteurs (50 %) et la fréquentation du stand lors des salons du livre (53 %). Pour ces deux dernières assertions, les opinions sont grandement partagées, puisqu'ils sont également près du quart à avoir coché « beaucoup » ou « peu ».

À la lumière du tableau 7, je constate une variation notable de la vision q u 'o n t les nouveaux éditeurs de l'im pact de l'utilisation du web et des réseaux sociaux. Il est possible que tous n'investissent pas des efforts équivalents dans la mise en place d'une stratégie web. J'estime aussi qu'il est probable que l'activité des auteurs eux-mêmes sur les réseaux puisse influencer, par exemple, l'affluence à un événement prévu pour la sortie d'un livre. La notion « d'im pact » ne sera pas au cœur de mes recherches, mais je jugeais néanmoins im portant de questionner les éditeurs quant à leurs attentes d'un site web ou d'une présence sur Facebook, T w itte r ou autre média social.

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Ce prem ier chapitre a permis de cerner les grandes tendances du phénomène d'émergence des maisons d'édition littéraire au Québec de 2000 à 2010. Le contexte actuel du milieu québécois de l'édition a certainem ent contribué à la naissance de nouveaux acteurs : la m ajorité des maisons d 'é ditio n notoires o n t été fondées il y a plus de tre n te ans, les mouvements de concentration o n t constitué de grands groupes éditoriaux que l'on considère souvent dominés par les im pératifs économiques et le programme éditorial des grandes entreprises laisserait chaque année peu de place à l'arrivée de nouveaux auteurs. En effet, la m ajorité des créateurs affirm ent avoir fondé leur propre structure pour publier des écrivains de la relève et combler une niche peu ou pas exploitée au Québec. Les nouveaux éditeurs cherchent à s'im planter en se démarquant des entreprises éditoriales établies e t en a ffirm ant leur différence.

Au final, trente-quatre maisons d'édition littéraire ont été créées au Québec au cours de la première décennie du XXIe siècle, soit en moyenne trois par année. Cette vague d'arrivées peut être qualifiée de boum dans le m ilieu éditorial québécois. Il est par ailleurs intéressant d'observer une pérennisation élevée de ces nouvelles maisons d'édition : durant la période étudiée, seules deux d 'e ntre elles o n t fermé leurs portes. La m ajorité des maisons d'édition tendent vers la croissance, en augm entant progressivement leur rythm e de production jusqu'à l'a tte in te d'un équilibre, mais certains éditeurs choisissent de rester petits, en ne publiant qu'un titre ou deux par année, li faut dire que tous les fondateurs ne se consacrent pas à part entière à leur entreprise, quelques-uns occupent parallèlement un em ploi à temps plein. Quant aux équipes éditoriales, elles sont toutes p lu tô t restreintes. Plusieurs fondateurs s'occupent même, dans les débuts, de la distribution et de la diffusion des livres. Ils délèguent par contre rapidement cette tâche à des entreprises s'y spécialisant. Les filières distribu tion et diffusion sont d'une grande importance dans le développem ent des jeunes maisons d'édition, et ce, bien qu'il ne soit pas toujours aisé pour les éditeurs de tro u v e r des partenaires acceptant de les représenter.

L'éditeur fondateur de la défunte maison L'Effet pourpre, François Couture, présenté dans ce chapitre comme un précurseur de la relève éditoriale, avait vu juste en prédisant la naissance d'un grand nombre de maisons d'édition littéraire. Cependant, alors qu'il croyait qu'une profonde m utation de l'é d itio n serait nécessaire pour que les jeunes maisons d'édition émergent, il m 'apparaît que ces dernières n'o nt pas cherché à révolutionner la chaîne du livre déjà en place. Par exemple, la majorité d 'e n tre elles collaborent avec de grandes entreprises de distribution afin de voir leurs livres largement disponibles en librairies. Je ne me suis toutefo is pas intéressée, dans cette étude, aux initiatives développées en m atière de livres numériques : combien de nouveaux éditeurs publient à la fois en version papier et en version numérique? combien estim ent que le numérique est le fo rm a t d'avenir? Il serait pertinent d 'é tu d ie r ces questions dans le cadre d'un autre projet de recherche. Pour ma part, j'observerai plutôt, dans les chapitres suivants, si les nouvelles maisons d'édition m e tte n t en place des stratégies de prom otion innovatrices sur le web et les réseaux sociaux.

Chapitre 2 : Le site web des éditions Alto, Marchand de feuilles

et Le Quartanier

Au chapitre précédent, les résultats du sondage ont dém ontré que le web constitue un incontournable pour les nouveaux éditeurs littéraires québécois. Parmi les répondants, seule une maison d'é ditio n n'avait pas encore de site web. Au Quartanier, cet espace occupé sur la Toile revêt une telle im portance qu'à l'autom ne 2004, deux ans après la création de la maison, l'équipe éditoriale prend une pause « afin de travailler sur une meilleure diffusion de même que sur son site Web » (Cantin, 2004 : F6). Le site est aujourd'hui transactionnel et perm et aux lecteurs de lire des extraits de livres.

Dans ce chapitre, j'exam inerai le site web des éditions Alto, Marchand de feuilles et Le Quartanier. L'étude de cas comme stratégie de recherche em pirique me perm ettra de m ettre en évidence les stratégies déployées par les nouvelles maisons d 'é d itio n sur cet élém ent du paratexte qu'est le site web. J'analyserai principalem ent les textes proposés aux internautes et, dans une m oindre mesure, l'organisation de l'inform ation et le visuel du site (que j'appellerai également Yhabillage). Ainsi, quelles approches adoptent Alto, Marchand de feuilles et Le Quartanier pour d éfin ir leur entreprise et se positionner dans le champ littéraire, to u t en se distinguant de la concurrence? Comment, à travers leur catalogue en ligne, les maisons d 'é ditio n présentent-elles leur production et leurs auteurs? Quelle conception de la litté ra tu re les éditeurs défendent-ils? Profitent-ils de leur espace web pour transm ettre de l'inform a tion récente sur la maison d 'é d itio n aux lecteurs et aux médias? Si oui, de quel type d'inform ation s'agit-il : de nouveautés? de prix littéraires obtenus? de critiques élogieuses? Quelle approche commerciale privilégient-ils? En somme, il s'agira d'analyser comment, à l'ère du web e t du m arketing de l'image, les nouveaux éditeurs valorisent leur entreprise e t occupent une position dans le champ littéraire. Mais d'abord, une brève présentation des maisons d'édition choisies s'impose.

1. Présentation des maisons d'édition

Alto, Marchand de feuilles et Le Quartanier sont trois entreprises éditoriales dont la production est principalement orientée vers la publication de fiction. Ces maisons d'édition figurent parmi celles qui ont réussi à se frayer un chemin dans le paysage

littéraire québécois en occupant un créneau qui leur est propre, en donnant une tribune à des auteurs de la relève, en proposant une litté ra tu re qui semble so rtir des sentiers battus et en accordant une importance particulière à la beauté de l'objet-livre . Les fondateurs de ces maisons d 'é ditio n appartiennent tous trois à la génération X et sont aujourd'hui dans la mi-trentaine.