• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : Champ des Possibles 113

4.3 Projet de requalification 121

Les artistes, citoyens, passants n’ont pas été les seuls à s’intéresser à cet espace. Depuis un certain temps déjà, au moins à 2001, la Ville de Montréal se penche sur la requalification du secteur Saint-Viateur Est. En 2001, la Ville avait demandé qu’une étude, pilotée par la Corporation de développement économique et communautaire Centre-Sud/Plateau-Mont- Royal, soit réalisée afin d’évaluer le potentiel socio-économique des terrains situés le long

Source : Sous comité du Champ des Possibles

Figure 62 : Citoyen lisant un livre au printemps 2010

Figure 61 : Citoyen promenant son chien

de la voie ferrée du CP. Ensuite, en 2005, un nouveau document - dont l’élaboration était supervisée par l’atelier BRAQ - est rendu public. Ce document est intitulé Étude de caractérisation du secteur Maguire. Puis, en mai 2006, la Ville de Montréal et l’arrondissement du Plateau Mont-Royal rendent public un autre document. Il s’agit d’un document d’orientation sur le secteur Maguire, document intitulé Secteur Maguire un territoire en pleine mutation. Les limites de ce secteur sont alors fixées aux rues Maguire, Boucher et à l’avenue du Carmel au sud, au boulevard Saint-Laurent à l’ouest, à la voie ferrée au nord et aux rues Saint-Denis, Drolet et Henri-Julien à l’est. La Ville a par la suite commandé plusieurs études, dont une sur le potentiel économique du secteur (Secteur Saint-Viateur Est : Évaluation du potentiel économique et immobilier / Élaboration de la stratégie de développement, juin 2007) et une autre sur l’estimation des comportements de mobilité (Requalification du secteur Saint-Viateur Est : Estimation des comportements de mobilité, octobre 2007).

Finalement, en janvier 2008, la mairesse de l’époque, Helen Fotopulos, annonce : «Ce no man's land va se transformer» (Kovessy, 2008). Lors d’une conférence de presse, la Ville présente alors le projet de revitalisation du secteur Saint-Viateur Est (délimité par le boulevard Saint-Laurent à l’ouest, l’avenue Henri-Julien à l’est, la rue Maguire au sud, et la voie ferrée au nord). La Ville centre disait vouloir y investir 7,05 millions $ et l'arrondissement 1,79 millions $. Le projet présenté prévoyait «désenclaver l’accès au secteur, favoriser le transport collectif et actif, aménager des espaces verts, redensifier et, autant que possible, maintenir l’activité économique dans les immeubles de grand gabarit» (Kovessy, 2008). La Ville disait vouloir également améliorer la qualité de vie, comme le mentionnait un ancien conseiller politique du Plateau-Mont-Royal : «This area is a very unstructured area. You’ve got some residential, you’ve got some big business, big tracks and empty lots. The intention is to have something better integrated, better quality of life, and redeveloped in a major way through residential usage» (Ebbels, 2008). La Ville souhaitait également dans ce projet maintenir ou accroître une mixité des fonctions - industrielle, résidentielle, commerciale – la plus harmonieuse possible : «Les activités industrielles et la cour de voirie se trouveront à proximité des voies ferrées, les activités commerciales, culturelles et d'innovation, de même que des espaces verts serviront de tampon entre les habitations» (Kovessy, 2008). Le projet, divisé en 3 phases, prévoyait débuter dès 2008, pour se prolonger jusqu'en 2011.

La première phase du projet de revitalisation a débuté en 2009 avec les travaux de réaménagement de la rue Saint-Viateur Est côté nord, entre le boulevard Saint-Laurent et l’avenue de Gaspé. L’opération a permis d’élargir les trottoirs côté nord de la rue Saint- Viateur entre St-Laurent et de Gaspé, d’enfouir les installations électriques et d’installer du mobilier urbain. Le réaménagement du côté sud de cette portion a été complété à l’automne 2010. La seconde opération prévue à la première phase, soit l’achat du terrain du CP, a été complétée à l’été 2009, avec un an de retard.

Malgré ces avancements, il semble qu’actuellement (été 2011), le programme et le calendrier de la seconde phase sont passablement retardés ou compromis. D’une part, l’aménagement d’une «zone de rencontre», qui était initialement prévu dans la seconde phase (2009-2010), n’est toujours pas entamé. D’autre part, concernant le prolongement de la rue Saint-Viateur, l’administration précédente avait déjà commencé à revoir l’idée telle

Figure 63 : Phasage du projet de revitalisation du secteur Saint-Viateur Est

Légende : En jaune (2008-09) Réaménagement de rues. En vert (2009-10) Aménagement d’une « zone rencontre» dans le prolongement de Saint-Viateur. En bleu (2010-2011) Aménagement de la cour de voirie et des liens vers le quartier Rosemont

qu’elle était proposée dans les plans préliminaires. La nouvelle administration a finalement tranché : «On ne fera pas de rue. On est plus dans la préservation de la trame qui est là» (Élu 2). Il y aura tout de même un passage sécurisé entre la rue de Gaspé et Henri-Julien. L’administration actuelle souhaite que ce soit un passage le plus convivial possible pour les vélos et les piétons, mais non accessible aux voitures. Afin de prolonger la rue Saint- Viateur vers l’est, la Ville devait exproprier puis démolir le bâtiment situé au 5525 de Gaspé. Compte tenu de l’annulation du prolongement, seul le stationnement de ce bâtiment devra faire l’objet d’une acquisition de gré à gré ou par expropriation. La démolition a également été écartée entre autres parce que des citoyens avaient signifié que ce bâtiment avait une certaine valeur patrimoniale.

La troisième phase est également considérablement retardée ou compromise. Premièrement, la réalisation d’une traverse piétonne vers la station de métro Rosemont a été modifiée et devient plus compliquée que prévu. Dans le projet initial, il était question d’un pont ou d’un tunnel sous la voie ferrée. L’administration actuelle, notamment à la suite de discussions citoyennes, souhaite plutôt implanter un passage à niveau. Toutefois, ce dernier serait réservé aux piétons et aux cyclistes, qui pourront rejoindre la piste cyclable du côté du l’arrondissement Rosemont-La-Petite-Patrie. L’administration précédente disait déjà être en négociation avec le CP. Or, il semble que «ça n’a jamais été le cas. Ils [l’administration précédente] n’ont jamais entré en contact avec le CP. Nous, [l’administration actuelle] nous essayons de rentrer en contact avec eux, mais eux non» (Élu 2). En effet, au mois d’août 2010, la Ville a envoyé une lettre signée par Louis Roquet (directeur général de la Ville de Montréal). La lettre est demeurée sans réponse. Cela n’empêche toutefois pas l’administration en place de faire des démarches pour faire avancer le dossier : «C’est rendu au parlement à Ottawa. On essaie que Transports Canada prenne ses responsabilités» (Élu 2). En effet, l’arrondissement travaille actuellement avec le député fédéral d’Outremont Thomas Mulcair. Ce dernier a d’ailleurs mentionné, lors d’une allocution dans le cadre de travaux portant sur un projet de loi sur l’amélioration du transport ferroviaire, que la Ville centre et l’arrondissement n’avaient toujours pas eu de réponse de la part du CP. La Ville fait des pressions pour que dans l’avenir les compagnies ferroviaires travaillent davantage avec les acteurs locaux. Si l’administration actuelle pousse autant dans ce dossier, c’est qu’elle accorde beaucoup d’importance à cette question : «C’est la pierre angulaire. On veut maintenir le pôle d’emploi. Or, c’est à 7-8

minutes du métro par un simple passage à niveau» (Élu 2). Selon un élu de l’arrondissement, si le CP est réticent à discuter et à satisfaire les demandes de la Ville, c’est pour des raisons économiques : «S’ils [les gens du CP] acceptent, il va y en avoir d’autres [des passages à niveau] ailleurs au pays» (Élu 2). En effet, il est possible que cela crée un précédent. Malgré cela, l’élu questionné réitère qu’il est pour lui inconcevable de maintenir cette «fracture héritée du 19e siècle entre deux arrondissements densément peuplés comprenant des infrastructures de transport en commun aussi importantes que le métro» (Élu 2).

L’aménagement de la cour de voirie le long de la voie ferrée du CP semble également compromis. Ce projet, qui devait regrouper les trois cours de voirie du Plateau-Mont-Royal (dont la principale est à l’extérieur de l’arrondissement et les deux autres cours secondaires dorénavant en milieu résidentiel), a fait peur à certains citoyens. Toutefois, il semble que c’est plutôt le statut du Carmel (classé monument historique depuis le 18 mai 2006) et son aire de protection (déterminée par décret ministériel le 15 février 2007) qui ont rendu plus difficile que prévu la réalisation de la cour : «Ça s’est avéré trop contraignant d’implanter une cour de voirie sur ce terrain-là, la décision de l’administration municipale de laisser tomber l’implantation de la cour de voirie et plutôt regarder d’autres sites est presque prise» (Professionnelle 3). Il semble notamment que la cour de voirie était trop chère et le terrain pas suffisamment grand et trop contraignant. La décision n’est pas pour autant définitive compte tenu de l’importance de cette future cour puisque l’idée était ici de jumeler celles des arrondissements du Plateau-Mont-Royal et de Ville-Marie.

Le prolongement de la rue Alma, entre Maguire et le prolongement de la rue Saint-Viateur est également abandonné. Il semblerait qu’à la suite des projets de densification dans la partie sud du site (certains sont déjà entamés), la Ville va récupérer certaines portions situées à l’arrière des nouveaux bâtiments. La récupération de ces espaces permettra à la Ville d’aménager un «passage vert public» pour les piétons et les cyclistes. La Ville entend aussi permettre un changement de zonage pour que des commerces puissent s’installer au rez-de-chaussée (cafés, commerces de proximité, etc.). Finalement, bien que la question de la décontamination ait été discutée à l’arrondissement - des spécialistes de la Ville centre sont d’ailleurs venus dire que la partie sud du site est si peu contaminée qu’il est possible

d’y aménager un parc. Les modes de décontamination du site, particulièrement de la partie nord, ne sont toutefois pas encore décidés.

Dans les années à venir, du moins d’ici les prochaines élections, l’arrondissement s’attend à bouger. Il désire changer le zonage d’industriel à parc et après avoir dégagé les fonds nécessaires pour y faire des aménagements. Toutefois, avant de procéder à ces derniers, des discussions préalables devront avoir lieu à l’arrondissement entre la Direction de l’aménagement urbain, des services aux entreprises et le Service des parcs. Les professionnels de l’aménagement de la Ville seront mis à profit et les citoyens membres du comité concepteur du Champ des Possibles seront bien sûr consultés : «On va regarder comment on peut faire ce travail-là tous ensemble» (Élu 2).