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Le projet de loi sur le renforcement de la cohésion sociale

Chapitre III – Les discours politiques en France: deux univers de représentation

Encadré 2 Le projet de loi sur le renforcement de la cohésion sociale

Le « projet de loi sur le renforcement de la cohésion sociale » vise à garantir l’accès « de tous aux droits de tous » (logement, santé, emploi). Des dispositions particulières concernent la lutte à l’illettrisme, la réforme des institutions et la formation des travailleurs sociaux.

Dans le domaine des droits civiques et sociaux , le projet établit l’accès au droit de vote pour les sans domicile fixe (SDF) et institue un médiateur de la république dans la plupart des organismes sociaux. D'autres dispositions concernent l’accueil des familles dans les centres d’hébergement.

Au chapitre de l’emploi, l’action est orientée vers les publics les plus éloignés du marché du travail. Un nouveau dispositif voit le jour, le Contrat d’initiative locale (CIL)∗. Les conditions d’attribution de l’ASS∗∗ sont durcies et les budgets des Départements concernant les actions d’insertion sont redéployés vers des publics beaucoup plus larges. Au total, « l’activation de l’aide » ne devait pas conduire à une augmentation des ressources allouées à l’ensemble de la politique de l’emploi et du traitement social du chômage∗∗∗.

Les autres thèmes abordés posent des gardes-fous dans des domaines-clefs de l’existence (santé, logement, éducation) afin de permettre aux plus démunis de surmonter les « barrières » à l’exercice de leurs droits.

La Loi de juillet 1998 se situe dans la continuité des premières propositions. Certains éléments ont cependant été ajoutés, suite aux pressions des associations et des collectifs de chômeurs. L’accent est porté sur le droit de participation et d’expression des personnes privées d’emploi.

Un comité de liaison à l’ANPE et à l’AFPA est instauré dont la fonction est de développer le droit d’expression des demandeurs d’emploi. Le droit d’adhérer à un syndicat est également reconnu pour les personnes en situation de hors-travail, supprimant ainsi la condition d’exercice d’une activité professionnelle pendant au moins un an. De même, un représentant des personnes défavorisées au sein des CCAS est mis en place.

Tous les titulaires de minima sociaux sont traités sur un pied d’égalité. Pendant 9 mois, ils peuvent cumuler les revenus d’activité et la totalité de leurs allocations. Le cumul autorisé par la suite est de 50%, sans plafond. Des mesures d’aide aux transports et lors de l’ouverture d’un compte bancaire sont également mises en place pour l’ensemble des prestataires de minima.

La loi instaure un programme « de service personnalisé pour un nouveau départ vers l’emploi » qui stipule que chaque bénéficiaire doit se voir proposer une action adaptée à sa situation et propre à favoriser sa réinsertion professionnelle » par l’ANPE. Le programme a concerné 850 000 personnes en 1999. À terme, l’objectif de 2 millions de personnes par an est fixé. Ce programme s’adresse « aux demandeurs d’emplois, à des moments cruciaux de leurs parcours qui pourraient conduire, si rien n’était entrepris, à un éloignement durable de l’emploi

Le CIL a pour fonction de garantir aux titulaires de minima sociaux un revenu stable et de favoriser leur

insertion durable dans le monde du travail. Le CIL est conclu pour au moins 30 heures semaines et garanti pour une durée de 5 ans dans le domaine des travaux d’utilité publique.

∗∗ Allocation de solidarité spécifique.

∗∗∗ Jérôme Fenoglio, « Le gouvernement souhaite transformer en salaires certains minima sociaux », Le

ou à une marginalisation ». Plus spécifiquement, ce sont les jeunes, les CLD et les personnes menacées par l’exclusion bénéficiaires de minima sociaux qui sont visés∗∗∗∗.

La reconnaissance des droits politiques

Il ne s’agit pas de « créer un droit des exclus mais d’organiser l’accès de tous au droit de tous ». Cette position, qui répond au rapport d’évaluation du Conseil économique et social435, repose sur l’idée d’une « réintégration des populations

défavorisées dans les mêmes droits que tous les habitants de notre pays ». C’est donc au nom de la cohésion sociale, par le biais des droits et surtout des droits politiques des citoyens que l’action publique est envisagée436 .

Le projet de loi sur le renforcement de la cohésion sociale vise à conférer aux personnes situées en dehors du monde du travail et du monde de la « norme sociale », les attributs manquant à leur citoyenneté.

« Le gouvernement reconnaît la nécessité d’une représentation adaptée des intérêts des populations précaires qui sont le plus souvent inorganisées au plan collectif. L’ordonnance du 24 avril 1996 prévoit ainsi une représentation des associations œuvrant dans le domaine de la lutte contre l’exclusion au sein des caisses du régime général de sécurité sociale»437.

À la différence du discours concernant les chômeurs prestataires de l’assurance- chômage, qui considère le demandeur d’emploi isolément, et à la différence des représentations sociales officielles concernant les allocataires du RMI, le projet de loi de

∗∗∗∗ France, ministère de l'Emploi et de la solidarité, Site internet, http://www.travail.gouv, mai 1996. 435 Selon l’avis du Conseil économique et social une loi-cadre devrait « prendre en compte les situations

des personnes pauvres dans les politiques générales et veiller à rendre cette situation compatible avec l’accès au droit de tous » plutôt que d’envisager « un traitement particulier de celles-ci ». (Séance du 11 et 12 juillet 1995). « Évaluation des politiques publiques de lutte contre la grande pauvreté » (résumé), Dictionnaire permanent de l’action sociale, Bulletin 74 (15 décembre 1996), 8282 et 8286.

436 Comme le souligne l’article 1et du programme d’action. « Le programme d’action pour le renforcement

de la cohésion sociale », Actualités sociales hebdomadaires 2013 (7 mars 1997), 13-24.

437« Le programme d’action pour le renforcement de la cohésion sociale », Actualités sociales hebdomadaires

1996 se situe dans une perspective plus « communautaire » : ce sont les citoyens comme membres d’une communauté nationale qui sont interpellés.

Dans son fonctionnement, le dispositif RMI ne garantit pas « une citoyenneté à part entière » aux prestataires. Non seulement la personne concernée ne participe pas à la CLI chargée de valider son CI, mais les droits de recours en cas de suspension sont quasi-inexistants. En même temps, le RMI introduit une certaine collégialité dans le traitement des dossiers, censé permettre une diffusion du pouvoir discrétionnaire de l’assistante sociale, interlocutrice principale de la personne. C’est pourquoi Isabelle Astier, dans son étude du fonctionnement des CLI souligne que le dispositif RMI permet (pour le meilleur et pour le pire) une « montée en généralité » des cas individuels et transforme le récit privé en récit civil438. De plus, le RMI se veut un élément moteur de la

lutte à l’exclusion sociale ; le terme d’exclusion sociale étant utilisé pour désigner un processus qui tire les individus vers le bas, dans un parcours fait de ruptures dont la première et la plus importante est la rupture professionnelle. Selon le rapporteur de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

« Parler d’exclusion c’est évoquer le fonctionnement de notre société qui, incapable d’offrir aux individus qui la composent des conditions correctes de vie et d’épanouissement, génère des réflexes de rejet : exclusion résultant de l’image que se font certains acteurs sociaux des plus faibles de nos concitoyens, exclusion s’aggravant du fait du regard hostile des mieux pourvus, exclusion résultant d’un déficit démocratique (...) Tous ces mouvements cumulés de rejet, parce qu’ils portent atteinte à la dignité et aux droits des hommes et des femmes, créent des sentiments d’impuissance, de peur et d’injustice qui peuvent déboucher sur la violence, ce qui n’est pas sans risque pour la démocratie. »439.

Le dispositif RMI possède aussi, de ce point de vue, un « souci de citoyenneté ». En 1992, la Commission des affaires culturelles et sociales a d’ailleurs, lors de l’étude du projet de loi, déposé plusieurs amendements qui allaient dans ce sens (amendement

438 Isabelle Astier, Revenu minimum et souci d’insertion, 237-fin.

439France, Marie-Joseph Sublet, Rapporteur de la Commission des affaires culturelles, familiales et

sociales, Discussion après déclaration d’urgence d’un projet de loi, Assemblée nationale, 2ième séance du 9

établissant la représentation des associations luttant contre la pauvreté et l’exclusion en CLI, rejeté par le gouvernement ; amendement définissant plus précisément les éléments du contrat d’insertion et reconnaissant explicitement certaines formes d’insertion sociale, adopté). De même, la légitimation de la prestation par son opposition à l’assistance, pour reconnaître avec le contrat d’insertion le droit à la participation sociale, relève d’un « souci » identique.

Néanmoins, c’est seulement avec le projet de loi de 1996 que la dimension de la citoyenneté devient centrale dans le discours politique officiel et qu’elle prend une forme « légale ».

L’uniformisation de l’action

Avec le projet de loi, l’action publique n’est plus fonction de l’appartenance institutionnelle à tels ou tels dispositifs, mais s’organise de manière transversale. De ce point de vue, les inégalités qui existaient entre les bénéficiaires de différents minima sociaux sont corrigées. La loi de juillet 1998 va plus loin : les populations visées sont de plus en plus considérées comme des demandeurs d’emploi et non seulement comme des « personnes en difficulté ».

Ce vocable, absent du dispositif RMI, pourrait modifier profondément l’espace du hors-travail. D’une conception fonctionnant sur un mode tripartite (les demandeurs d’emploi, les personnes en insertion, les personnes exclues) on irait vers une conception duale du hors-travail avec les demandeurs d’emploi « réguliers » d’un côté et les « personnes en voie de marginalisation (d’emploi) » de l’autre. Parallèlement, l’insertion sociale perdrait de sa légitimité.

Comme dans le discours à propos du RMI, le discours officiel reconnaît le lien entre les phénomènes d’exclusion et le manque d’emploi. Cependant, l’accent est mis davantage sur l’insertion par l’économique (par le travail), quitte à développer des formes « alternatives de travail ». Dans cette perspective, tout le monde peut accéder directement au travail, l’insertion sociale perdant de son utilité.

« Qu’on en finisse avec l’inemployabilité, les allocataires du RMI ne sont pas moins employables que d’autres »440.

Conséquemment, la catégorisation en publics cibles ne fonctionne plus, c’est l’égalité de traitement entre les populations concernées qui est privilégiée. Le hors- travail est unifié et non divisé entre ceux qui sont inscrits dans un processus d’insertion et ceux qui en sont exclus. L’exclusion, qui est synonyme de souffrance, d’isolement et d’errance441 dans le discours officiel, n’est plus un frein à l’insertion par l’économique

comme elle pouvait l’être dans le cas du RMI.

Ces deux éléments se retrouvent dans les débats parlementaires de 1997, confortant l’hypothèse de la construction d’un nouveau répertoire de représentations sociales à propos du « monde de l’insertion ».

3.3.2 – Les débats parlementaires

En 1997, les débats parlementaires se sont déroulés dans des conditions très particulières. Non seulement au moment de la discussion du texte, l’Assemblée a été dissoute mais dès le départ, le travail législatif des députés s’annonçait difficile, l’opposition faisant tout ce qui était en son pouvoir pour que la discussion soit retardée. Le PS dépose une exception d’irrecevabilité pour motifs constitutionnels, le PC une question préalable et, en tout, 600 amendements doivent être discutés. Le 21 avril, juste avant l’annonce de la dissolution, on note que les oppositions se font plus vives dans les débats, certains députés de droite votent des amendements de gauche, de grandes envolées « lyriques » ont lieu, bref l’hémicycle se transforme en véritable théâtre. Les

440« Intervention du Ministre des Affaires sociales devant le Conseil économique et social du 10 décembre

96 », 8288.

441France, Secrétaire d’État à l’action humanitaire d’urgence, Débats parlementaires de l’Assemblée

nationale, 10ième législature, session ordinaire, Compte-rendu intégral des séances du 15 avril 1997, n.33, 152ième séance (Paris : Journal officiel de la République française,1997), 2459.

éléments conjoncturels sont donc omniprésents dans les débats, et les discours ressemblent fort à des annonces de campagnes électorales.

D’emblée, les partis de gauche, dans l’opposition, s’opposent au projet de loi. Le PS dénonce le fond et la forme du projet. Le principe de l’égalité de tous devant la loi, pilier du texte, est jugé « dépassé » et insuffisant. Le porte-parole du parti défend le principe de « l’égalité des chances » et des mesures de discriminations positives. L’universalisme républicain, pourtant valeur fondatrice des héritiers de Jaurès, est ainsi abandonné, parce qu’il peut aboutir à des dénis de droit.442 . De plus, la vision de « fracture sociale »

est vertement critiquée. Pour le PS, les lésions sont diffuses et fragmentées; l’exclusion n’est pas un état mais un processus auquel il convient de répondre par prévention. Se dessinent ce qui deviendra les thèmes centraux de la campagne présidentielle de Lionel Jospin: permettre l’accessibilité de tous à l’emploi protégé par des mesures de diminution du temps de travail et par des créations massives d’emploi, notamment pour les jeunes.

Le PC, énonce, lui, un réquisitoire virulent mettant en avant l’inadéquation des propositions faites par la loi au regard de la situation économique du pays. Il dénonce le double jeu du gouvernement qui propose de renforcer la cohésion sociale tout en autorisant des licenciements massifs du côté des entreprises.

« Ce n’est pas à la fatalité que tous ces hommes et ces femmes, ces jeunes, ballottés d’un contrat précaire à un petit boulot se heurtent, c’est au système d’exploitation qui banalise la violence au quotidien et multiplie les licenciements. Ce n’est pas le caractère mondial de l’économie qui est contestable, c’est un système d’exploitation où quelques firmes géantes se livrent à une concurrence exacerbée, maximalisent les profits à l’échelle de la planète, en jetant des milliers de salariés à la rue et en exploitant durement ceux qui ont encore un emploi »443.

442France, Serge Jaquin, Député PS, Débats parlementaires de l’Assemblée nationale, 10ième législature,

session ordinaire, Compte-rendu intégral des séances du 16 avril 1997, n.33, 153ième séance (Paris : Journal

officiel de la République française, 1997), 2513.

443France, Alain Bocquet, Député communiste, Débats parlementaires de l’Assemblée nationale, 10ième

législature, session ordinaire, Compte-rendu intégral des séances du 15 avril 1997, n.33, 152ième séance,

Ce discours, en continuité avec celui de 1992, est le seul considérant la communauté d’intérêts entre les personnes en emploi (et notamment les travailleurs pauvres) et les autres (travailleurs précaires et personnes en situation de hors-travail). Pour le PC, la cohésion sociale passe par la garantie pour chacun, en tant qu’individu, de droits fondamentaux sans lesquels la liberté n’a pas de sens : l’emploi, l’éducation, la santé, la protection sociale, le logement, la culture. L’État seul peut, par son action volontariste, permettre d’atteindre ces objectifs444. Traditionnellement, le PC a été le

défenseur de l’emploi ouvrier stable. En 1992, le parti mise essentiellement sur une stratégie de relance économique et de créations d’emploi pour lutter contre le chômage et l’exclusion. En 1997, on note un léger infléchissement de ce discours, des formes alternatives de travail salarié étant envisagées et les mesures de réduction du temps de travail relativement accepté. D’ailleurs, lors du vote de la loi pour la prévention des exclusions, en juillet 1998, le PC soutiendra globalement le projet.

On note un rapprochement entre les solutions proposées par le PC et les « nouvelles » positions du Parti socialiste qui tend à désinvestir le domaine de l’insertion pour celui de l’emploi. De ce point de vue, la distance entre les acteurs politiques se rétrécit: ce n’est plus l’insertion (sociale ou professionnelle) qui tient le premier rôle, mais bel et bien l’accès au travail rémunéré (et, dans une certaine mesure, protégé). Les acteurs de droite favorisent les aides à l’embauche par des subventions aux employeurs (mesure traditionnelle) mais également des « contrats aidés » de type Contrat d’Initiative Local, les acteurs de gauche des solutions alternatives impliquant un rôle actif de l’État et du secteur public. En fait, c’est la notion d’insertion professionnelle qui s’en trouve modifiée : le temps d’insertion est de moins en moins perçu comme un « sas », qui par définition est temporaire, vers l’emploi, et de plus en plus comme un temps relativement long (qui peut aller jusqu’à 5 ans si on se fie aux propositions gouvernementales de 1997 et 1998) qui se cherche une forme permettant la garantie à la fois d’un salaire décent et d’une « véritable expérience professionnelle ». C’est comme si

les acteurs politiques prenaient acte de l’échec de l’insertion –version RMI- et répondaient à la demande sociale d’emploi par des mesures à mi-chemin entre la création d’emploi public permanent et les outils classiques d’insertion du type CES445. Ce

positionnement des acteurs, distinct de celui de 1992, permet également à l’ensemble des partis politiques et au gouvernement de se faire valoir auprès des associations caritatives. Chacun se veut soit le représentant de leurs intérêts, soient en adéquation avec ceux-ci. À la différence des débats de 1992, le PC n’a plus le monopole du discours de la « société civile », les associations deviennent une véritable monnaie d’échange pour l’ensemble des partis politiques.

Les autres acteurs sociaux ont été, selon notre analyse, le moteur de cette transformation dans les répertoires de représentations : c’est par eux que les idées sont venues, qu’elles ont été diffusées dans les partis puis « intégrées » dans l’univers de discours et le discours officiel.

3.3.3 - Les positions des autres acteurs sociaux

Comme nous l’avons vu dans la première partie de ce chapitre à propos « du monde du travail », c’est à partir de 1995 qu’une nouvelle période s’amorce faisant intervenir de nouveaux thèmes et de nouveaux acteurs. Dans le « monde de l’insertion », un processus similaire est à l’œuvre.

Le dispositif RMI est le fruit d’un compromis politique, construit autour de la notion d’insertion en 1988 et reconduit, cahin-caha en 1992. À partir de cette date, les acteurs de l’insertion vont s’avérer de plus en plus critiques face au dispositif, tout en étant « pro-actifs » dans leur champ d’intervention. En même temps, plusieurs intellectuels français et personnalités publiques se prononcent sur l’insertion. La

445 Les contrats emploi solidarité sont des contrats de travail aidé, dans le secteur public et associatif,

conjugaison de ces deux éléments va promouvoir l’émergence d’un « contre-discours » à propos de l’insertion, qui trouvera, en partie, son expression publique dans un projet de loi sur la cohésion sociale.

La critique du RMI après 1992

Pour certains intellectuels, l’insertion ne peut être pensée de manière individuelle, ni de manière « adaptative ». L’insertion est une opération collective qui ne doit pas distinguer linéairement insertion sociale et insertion professionnelle. En fait, le débat serait mal posé :

« L’insertion, si ce processus a un sens, se construit dans le dialogue, la négociation sociale. L’insertion est alors d’emblée collective, mobilisation de tous, rencontre, confrontation. Ainsi conçue, elle est l’expression même de la solidarité vécue concrètement par des femmes et des hommes qui construisent ensemble la société dans laquelle ils vivent. »446.

Les tenants de l’économie solidaire (ou économie sociale) comme Jean-Louis Laville, Renaud Sainsaulieu, Bernard Eme, Guy Roustang, Xavier Gaullier et Jean- Baptiste De Foucauld et certains praticiens du social se rallient à cette position.

« Il devient urgent de concevoir des stratégies, a priori paradoxales, qui puissent concilier une diminution de l’importance de l’emploi dans la vie sociale avec l’accès le plus large possible au salariat et l’élargissement des formes de travail pour dépasser la seule référence à l’emploi »447.

Ils dénoncent l’utilisation qui est faite en France des activités d’insertion, « instrumentalisées par les pouvoirs publics comme une sphère fonctionnelle de régulation de l’exclusion. (...) Non valorisées socialement les activités d’insertion sont mesurées à l’aune de l’emploi salarié qui reste la norme »448.

Selon ces auteurs, l’insertion sociale pourrait être un outil de transformation sociale si elle était pratiquée avec l’ensemble des acteurs sociaux. Comme dans le discours du

446CAF, « Questions sur l’insertion dans le RMI. Analyse des représentations et des pratiques », Espaces et familles 30, (octobre 1993), 63.

447Jean-Louis Laville, « Introduction » dans Bernard Eme et Jean-Louis Laville, dir., Cohésion sociale et

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