Le projet Adap’Table : conception d’une table adaptative universelle

1. Contexte du projet

Le projet Adaptable vise à destigmatiser la table de lit actuellement utilisée en établissements de soins (pour manger, lire et écrire) en la proposant à la population générale. Le produit est conçu pour s'adapter au lit et au fauteuil.

La première phase de la démarche consiste à recueillir et à analyser les besoins de différents panels d’utilisateurs qui peuvent interagir avec la table au cours des différentes phases du cycle de vie du produit (installation, utilisation, entretien, etc.) : des utilisateurs ayant des déficiences motrices temporaires ou permanentes ainsi que des tierces personnes (aides soignant(e)s, infirmièr(e)s, ergothérapeutes, kinésithérapeutes, entourage du patient par exemple).

Les besoins spécifiques à ces populations cibles sont ouverts à ceux d’une population élargie au « grand public » qui utiliserait une table adaptative dans d’autres contextes que le milieu médical. Les besoins ainsi répertoriés sont hiérarchisés et permettent de guider et de valider les choix lors de la conception du futur produit.

Ce sujet d’une table adaptative universelle, proposé à des étudiants en design de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art (ENSAAMA, Olivier de Serres), a servi de point de départ au projet. Ces avant-projets nous ont permis d'obtenir un financement de la Bourse de Recherche et d'Innovation Charles Foix (qui récompense chaque année des projets innovants améliorant la qualité de vie des personnes âgées) grâce à laquelle nous avons pu concrétiser le projet.

Figure 119. Deux exemples de concepts de table adaptative « universelle »

L’enjeu du projet Adap’Table est donc de rendre ce mobilier plus acceptable aux yeux des utilisateurs, en intégrant la dimension stylistique au même titre que la dimension fonctionnelle du matériel. En intégrant la prise en compte de la perception sémantique et émotionnelle des utilisateurs « cœur » de cible (personnes en situation de handicap, hospitalisées ou vivant à domicile), nous étendons l’utilisation à un panel de consommateurs plus large en élargissant l’acceptabilité sociale du mobilier (e.g. mobilier pour petit espace, étudiants, etc.).

Pour atteindre cet objectif, l’équipe du service Aides Techniques de l’AFM s’est entourée des compétences d’une étudiante designer (Marianne Dupin) en Master ICI d’Arts et Métiers ParisTech. En collaboration avec les membres de l’équipe pluridisciplinaire, elle a

travaillé sur l’intégration de la dimension stylistique dans la conception des technologies pour l’autonomie. À l’issue de cette première phase, une gamme de concepts de tables et une maquette d’aspect ont été réalisées de manière à rechercher des solutions techniques, dans un deuxième temps, par le biais d’un projet métier d’étudiants ingénieurs Arts et Métiers ParisTech.

Cette deuxième expérimentation va nous permettre de tester nos deux hypothèses H1 et H2 mais plus particulièrement notre sous-hypothèse H2b sur l’intégration de la dimension stylique comme vecteur de l’extension de l’acceptabilité sociale du produit. Pour intégrer la dimension stylistique et déstigmatiser le produit, nous avons utilisé :

- la méthode d’analyse de tendances pour identifier les secteurs influents des tables

existantes dans d’autres usages que celui du médical afin d’en dégager des tendances « grand public » applicables lors de la phase créative de recherche de solutions [220];

- et l’outil OQRES (Outil de Quantification du Ressenti Emotionnel et Sémantique)

[221] pour évaluer auprès des utilisateurs cœur de cible et des utilisateurs « grand public » les planches de catégorisation et les concepts de tables.

2. Stratégie d’extension

La stratégie d’extension du marché des tables de lit vise à étendre l’acceptabilité du produit à d’autres usages que celui de l’hôpital en élargissant les fonctionnalités et en déstigmatisant l’aspect visuel médicalisé du mobilier.

En effet, en partant des besoins d’une table adaptative accessible à « tous » grâce à l’élargissement du panel d’utilisateurs ciblés et en étendant la veille stylistique et fonctionnelle à des tables domestiques, nous pourrons proposer une famille d’adaptables destinées à divers usages (e.g. domicile, hôpital, etc.). Pour diminuer les coûts, nous nous attacherons à utiliser une architecture modulaire de famille de produits.

3. Traduction du besoin exprimé

a. Analyse de l’existant et positionnement

Les personnes en situation de handicap, qu’elles soient âgées ou malades, rejettent la plupart des produits destinés au maintien à domicile (comme les tables adaptatives au lit et au fauteuil) du fait d’un aspect froid et médicalisé, transformant ainsi leur lieu de vie en chambre hospitalière.

Figure 120. Exemples de produits existants sur le marché [119]

Comme beaucoup d’aides techniques destinées à compenser une situation de handicap, le coût d’une table adaptative reste relativement élevé par rapport au service qu’elle offre (e.g.

peu de fonctionnalités, manque d’accessibilité pour les personnes en fauteuil, manque d’esthétisme, etc.) et varie énormément en fonction de la marque et du distributeur pour un même produit (environ de 100 à 1500 euros).

Figure 121. Répartition des prix de vente de tables adaptives en fonction des marques les plus représentatives du marché [119]

L’étude stylistique consiste dans un premier temps à faire une analyse de l’existant traduite sous forme de mapping afin de positionner visuellement (selon deux axes choisis comme discriminants) les différentes typologies du produit étudié.

Un premier mapping de l’existant est réalisé à partir de tables adaptables au lit et au fauteuil (cf figure 122p.199), de chevets53 et de tables d’ergonomie (produits utilisés dans le domaine médical et très proches en termes de fonctionnalités, de forme et d’usage). Les tables adaptatives permettent de manger, lire, écrire, et ranger quelques objets dont l’utilisateur a besoin au quotidien lorsqu’il est alité.

53 _{Tables de chevet : dispositifs de rangement à côté du lit, les tables de lits combinées aux tables de}

Figure 122. Mapping de l'existant sur les tables de lit [119]

On observe sur ce mapping que les tables adaptatives restent très localisées du fait du marché de niche et de leur ressemblance sur le plan fonctionnel et formel (e.g. plateaux en formica blanc ou de couleurs froides, pieds en tube métallique, etc.). « Les modèles les plus récents proposent des formes plus arrondies et des finitions de meilleure qualité mais ils restent froids et évoquent fortement l’univers médical » [119] .

La conclusion du designer à partir de cette représentation est qu’ « aucun produit ne pourrait s’intégrer à un environnement domestique sans stigmatiser l’utilisateur » [119]. « Un important travail est donc à fournir pour étendre les fonctions de ces tables à un public plus large. Sur le plan stylistique, il est nécessaire de sonder les attentes des futurs utilisateurs et de traiter la future adaptable comme tout autre mobilier domestique actuel » [119]. « Ainsi, en « popularisant » formellement le produit, il sera plus facile à intégrer dans les différents environnements ciblés » [119].

b. Intégration de la dimension stylistique avec l’analyse des tendances

Un deuxième mapping a été réalisé afin d’étendre le marché du mobilier médical existant vers celui du mobilier domestique « grand public » (e.g. tables à dessin, de chevet, desserte, meuble d’ordinateur, table de salon, etc.) sur le plan formel, architectural et fonctionnel. « Les produits ainsi explorés permettront d’identifier des services, formes, fonctions, matériaux, coloris … pouvant être par la suite transposés aux nouveaux concepts d’adaptable pour s’échapper de toute connotation d’aide technique » [119].