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2.2 Le cas particulier du contexte de séjour d'étude à l'étranger

2.2.3 Progression linguistique en SA et interactions avec la communauté native

Afin que les participants à un séjour SA progressent dans la langue du pays d'accueil, il paraît important qu'ils interagissent verbalement avec des locuteurs natifs. Les résultats obtenus par certaines études relevant aucune corrélation entre progression linguistique et séjour en SA pourraient être expliqués par la qualité et la quantité des interactions avec des membres de la communauté d'accueil. Dufon & Churchill (2006) soulignent en ce sens que ce ne serait pas tant le SA en lui-même qui détermine les progressions linguistiques mais plutôt la nature et l'intensité des contacts dans les contextes d'acquisition.

Dans cette optique, Segalowitz & Freed (2004) ont mené une étude sur 40 étudiants d'origine américaine apprenant l'espagnol, 22 sont restés dans leur université d'origine et 18 ont passé un semestre en Espagne dans le cadre d'un SA. Leurs résultats révèlent que les progressions observées en fluence orale sont plus fortes chez les apprenants en SA. Cependant ces progressions plus élevées chez les apprenants en SA ne peuvent être expliquées seulement par le nombre de contacts avec des locuteurs natifs. Les auteurs constatent une relation faible et indirecte entre ces progressions et les interactions avec des natifs de la L1. Les auteurs ont en effet tenté de connaître le nombre d'interactions que les apprenants avaient en dehors de la classe avec des locuteurs de la L1. Pour obtenir ce résultat, tous les apprenants, ceux en contexte de SA mais aussi ceux restés dans leur université ont rempli, à la fin du semestre, un questionnaire composé de 40 questions relatives au nombre et à la durée moyenne sur une semaine des contacts établis avec des locuteurs natifs. Cette quantification des interactions semble comporter certaines limites. En effet, il apparaît que les apprenants doivent donner un nombre élevé de réponses basées sur une approximation rétrospective. Ainsi, les données quantitatives recueillies auprès des apprenants semblent manquer de fiabilité. Cette limite pourrait expliquer le fait que les auteurs n'obtiennent pas, sur le plan statistique, de corrélation claire entre progression et nombre de contacts.

Milton & Meara (1995) dans leur étude sur la progression lexicale citée précédemment ont également cherché à comprendre quels facteurs avaient un impact sur la progression des compétences en L2 d'apprenants en contexte de séjour d'étude à l'étranger. Par le biais, d'un questionnaire rempli par les apprenants au second temps de cette étude, les chercheurs ont recueilli des informations concernant la L1 des apprenants, le nombre d'années d'étude de la L2, le nombre d'heures de cours institutionnels en L2, ainsi que la quantité d'interactions avec des locuteurs natifs. Cette quantité était établie à l'aide de deux questions. La première concernait les amis fréquentés et consistait à indiquer si les trois amis proches qu'ils avaient

lors de leur séjour étaient des locuteurs natifs de la L2 ou non. La seconde concernait une éventuelle relation avec un(e) petit(e) ami(e) locuteur de la L2.

Aucune corrélation n'a pu être relevée entre la progression lexicale et la L1 des apprenants ou le nombre d'années d'études de la L2. De plus, au vu du questionnaire sur le nombre d'interactions avec des locuteurs natifs, il apparaît que très peu d'étudiants établissent des contacts sociaux avec la communauté native. Du fait de cette homogénéité, il est difficile pour les auteurs d'estimer la progression de leur lexique en fonction de leurs interactions. Pour Milton & Meara, une des explications possibles de cette faible quantité de contacts avec les membres de la communauté d'accueil, serait que les sujets arrivent dans le pays d'accueil avec un groupe d'amis et ont donc une vie sociale déjà établie. Ainsi, créer des relations avec la population locale ne constitue pas une de leur priorité.

Ainsi, à notre connaissance, les études ayant tenté d'établir un lien entre usages et progression en L2 lors de leur séjour à l'étranger se sont majoritairement basées sur une description introspective du vécu des apprenants, que ces derniers rapportaient par le biais de carnet de bord ou encore par les réponses à des questionnaires visant à connaître le nombre d'échanges approximatifs sur une semaine lors de leur séjour (Segalowitz & Freed, 2004, Freed, & al, 2004). Si l'on observe par exemple, le questionnaire utilisé dans l'étude de Milton & Meara (1995) nous constatons qu'il ne permet qu'une vision partielle de la nature et de la quantité d'interactions avec des locuteurs natifs. En effet, les questions relatives à l'établissement de contacts dans la communauté native se résument à : "Pensez à trois amis que vous fréquentez à l'université, sont-ils des locuteurs natifs?" et à "avez-vous un(e) petit(e) ami(e) locuteur natif de la L2?". Ces sources d'information fournissent des données partielles, subjectives, sans recoupement possible avec d'autres sources.

Ainsi, la question du vécu réel des apprenants en termes de contacts sociaux et d'usage des langues semble rester à l'heure actuelle encore obscure. Mesurer et évaluer la qualité et l'étendue des contacts sociaux établis par les apprenants en contexte de séjour d'étude à l'étranger fait partie selon Freed (1998) des points d'analyse nécessaires en vu d'une meilleure compréhension des relations entre l'apprentissage de la L2 et le type de sociabilité des apprenants dans le pays d'accueil. En effet, au vu des différentes études précitées il semblerait que peu d'entre elles aient déterminé avec précision la corrélation entre densité des relations avec la communauté native et progression linguistique des apprenants. En accord avec ce constat, Dufon & Churchill (2006) préconisent une approche de ce contexte d'apprentissage

couplant des données linguistiques à des données ethnographiques afin de permettre une meilleure compréhension de ce qui est appris, par qui et sous quelles conditions.

Il apparaît donc nécessaire de mieux décrire à la fois quantitativement et qualitativement, les liens sociaux établis par les apprenants en SA pour mieux comprendre la relation entre intégration dans le pays d'accueil, usages des langues et acquisition. Dans la partie suivante, nous présenterons donc brièvement les travaux qui ont examiné les liens sociaux au sein d'une communauté et leurs influences sur le langage. Cette introduction à ces travaux nous permettra ensuite de nous centrer plus spécifiquement sur les études qui ont examiné le réseau social et les expériences personnelles d'apprenants en contexte de SA. Les études que nous présenterons alors sur ce contexte sont complémentaires de celles citées précédemment car si les auteurs observent les liens sociaux en SA des apprenants cela n'est pas directement mis en relation avec leur progression linguistique.

2.3

Différentes approches des liens sociaux et linguistiques au sein d'une