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Les programmes de 2002 parus au Journal Officiel du 25 janvier

Les programmes d’Histoire de 2002 marquent un véritable tournant. Concernant l’étude des personnages historiques, ils vont confirmer le retour amorcé en 1995, et leur apporter encore plus d’importance.

Tout d’abord du point de vue de la forme avec l’apparition des attendus de fin de cycle, autrement dit l’ensemble des compétences devant être maîtrisées à la fin de ces derniers. En 2002, le cycle 2 comprend les classes de CP -CE1 alors que le cycle 3 s’étend du CE2 au CM2. Nous traiterons ici de ces deux cycles.

Les programmes d’Histoire de cycle 2 de 2002 sont intégrés au domaine « Découvrir le monde » et se concentrent sur le repérage dans le temps et sur les outils permettant aux élèves d’atteindre cette compétence. Ils sont regroupés dans le paragraphe 2 « Le temps qui passe ». Ce dernier commence par cette préconisation : « A cet âge, il ne s’agit pas encore de faire de l’histoire ». Nous ne serons donc pas étonnés de constater qu’ils ne précisent aucun découpage par périodes historiques ni ne nomment le terme de « personnage historique » dans les apprentissages. De même, les documents recommandés comme support de travail recoupent des textes documentaires et de la littérature jeunesse mais peu de documents historiques à proprement parler, et encore moins de biographies. Les attendus de fin de cycle posent comme objectifs de situer une information dans une suite chronologique, de mesurer et de comparer des durées ou encore d’utiliser des calendriers.

En ce qui concerne le cycle 3, c’est bien sous la mention « Histoire » que les programmes développent un projet pédagogique découpé en périodes : on y retrouve la Préhistoire, l’Antiquité, le Moyen-Âge (bornés par les dates 476-1492), les temps modernes (séparés en deux sous-périodes par la fin de l’époque napoléonienne en 1815) puis le XXe siècle et le monde actuel. Chaque période est

43 détaillée précisément, détachant les axes d’enseignement principaux sous le terme « points forts ». Ces derniers listent un certain nombre de notion ou de concept à enseigner en priorité. A titre d’exemples, citons « la romanisation de la Gaule » pour l’Antiquité, « l’Europe des abbayes et des cathédrales » pour le Moyen-Âge ou encore « les difficultés de la République à s’imposer en France » pour le XIXe siècle. Il est intéressant de noter que le seul personnage historique cité dans ces programmes est une nouvelle fois … Louis XIV, comme illustration de la monarchie absolue. En cela les programmes de 2002 rejoignent ceux de 1980. On retrouve le terme de « personnage » dans les attendus de fin de cycle, parmi « une vingtaine d’évènements et de dates à connaître » ainsi que le rôle de groupes sociaux. A priori, on peut penser que les personnages historiques n’ont pas davantage de place dans les connaissances requises en Histoire que dans celles des programmes précédents.

Mais là où les programmes d’Histoire opèrent une petite révolution, c’est dans le contenu du document d’application. En effet, pour chacune des périodes listées plus haut, et en plus d’une liste de dates et d’évènements à connaître par les élèves, on trouve un nombre important de personnages historiques. Ainsi le document d’application conseille vivement l’étude de Jules César et de Vercingétorix pour l’Antiquité, de cinq autres personnages pour le Moyen-Âge (dont Clovis, Charlemagne et Jeanne d’Arc), de pas moins de quinze pour la première partie de la période moderne (De Vinci, Rabelais, Shakespeare, François 1er, Henri IV, Louis XIV…), treize pour la seconde (Victor Hugo, Napoléon III, Jules Ferry, Jean Jaurès…) et quinze pour le XXe siècle (Clémenceau, de Gaulle, Charlie Chaplin, Louis Armstrong, Albert Einstein…). Comme on le voit, ces listes abondantes ne délaissent aucune catégorie de personnages, ne se contentant pas des personnages politiques, monarques ou dirigeants, mais faisant aussi la part belle aux artistes, scientifiques et autres hommes et femmes influents. Par ailleurs, pour chaque période, ces personnages côtoient dans ce document des « groupes significatifs » : les artisans gallo-romains, les chevaliers, les esclaves, les femmes de la Révolution, les ouvriers du XIXe siècle ou encore les poilus et les résistants. Et contrairement aux programmes de 1995, les personnages sont très internationaux.

44 C’est une véritable nouveauté pour des programmes d’Histoire. Ce document d’application leur consacre de plus un paragraphe dans les « Orientations générales », afin de préciser leur place dans les contenus à enseigner : « Grands personnages et groupes anonymes : la place des femmes en histoire ». On peut y lire explicitement la volonté des programmes de les inclure dans les connaissances à retenir par les élèves : « L’élève à la fin de l’école primaire devra déjà en connaître quelques-uns, constituant un premier «panthéon» culturel qui sera poursuivi au collège. ». De plus, il ne s’agit donc pas là d’effleurer certains d’entre eux mais bien de les connaître et surtout de les apprendre, comme le précise le document : « les personnages qui doivent être connus par tous sont indiqués en caractères gras ». Ces personnages à « connaître par tous » représentent environ la moitié de la liste.

Quelle utilisation du personnage historique en histoire est préconisée par ce document d’application ? Il est intéressant de voir l’objectif recommandé derrière l’étude de ces personnages. En effet, on ne parle pas ici de s’en servir pour illustrer une notion, borner une période historique ou agrémenter la leçon d’images à coller. Mais on demande clairement de les aborder pour eux-mêmes, « à la fois comme témoins privilégiés de leur époque, comme des individus au parcours singulier dont on peut mettre en valeur la personnalité ou l’exemplarité du comportement sur le plan des valeurs ». De plus, ils pourront être utilisés à des fins pluridisciplinaires comme on peut le lire plus loin : « Les noms sont ici présentés à titre indicatif, comme une base qui peut d’ailleurs être utilisée dans d’autres champs disciplinaires ou pour nourrir une réflexion d’éducation civique, comme la non-violence de Gandhi ou de Martin Luther King, par exemple. ». Dans la continuité de ce qui précède, le rôle des femmes dans l’histoire est souligné pour la première fois dans un programme. En étudiant des femmes célèbres, leurs parcours et leurs actions (on cite volontiers Marie Curie), l’enseignant pourra souligner leur faible place et faire un lien avec l’inégalité homme-femme.

On recommande de se servir également des personnages pour mettre en récit l’enseignement de l’histoire. On retrouve ici une inspiration des courants du XIXe siècle : le personnage va permettre à l’élève de rentrer dans la grande Histoire par les histoires des personnages : « Ces hommes, ces femmes et ces groupes […] peuvent aussi aider les maîtres à « raconter l’histoire » ». Il s’agit là de fournir un nouvel outil à l’enseignant : le personnage ou le groupe historique, comme

45 inducteur, par exemple pour faciliter la mise en intrigue. Ce terme de « raconter » peut surprendre. La dernière fois que le lexique de la narration avait été utilisé dans les programmes d’histoire remonte à … 1882 et le terme de « récit ». C’était l’époque des romantiques. Mais le parallèle avec le plaidoyer de Decaux est aussi notable. Pour rappel, nous avons vu que Decaux avait remis l’histoire événementielle à la mode populaire grâce à son émission « Decaux raconte » dans les années 80. Ce verbe « raconter », commun à l’émission télévisuelle et aux instructions, souligne le retour de cette histoire plus narrative, que les historiens des années 80 et 90 ont cherché à rendre plus plaisante à étudier.

Fait nouveau, on notera aussi que ce document d’application rassemble énormément d’exemples de sources et de documents historiques recommandés (des monuments, des mosaïques, des éléments architecturaux, des extraits de textes officiels ou encore des extraits de Zola). En revanche, la biographie, comme support d’apprentissage de l’histoire ou comme production d’écrit, n’est toujours pas évoquée.

Les programmes d’histoire de 2002 sont donc particulièrement novateurs. D’un point de vue du volume d’une part : plusieurs pages dans le programme proprement dit et surtout un document d’application très dense et très fourni. D’autre part concernant les personnages historiques : en plus d’une liste particulièrement étoffée et hétérogène dont l’enseignant pourra s’inspirer, on y définit le rôle du personnage dans la didactique de l’histoire. Il pourra être étudié pour lui-même, afin de mettre en valeur un certain nombre de qualités morales, pour sa faculté à accompagner l’enseignement de l’histoire dans sa mise en récit et enfin sera un support notable dans plusieurs champs interdisciplinaires. On s’étonnera toutefois de l’absence de mention de la frise comme outil de structuration du temps, et a fortiori de l’utilisation des personnages historiques, pourtant longuement soulignée dans ce document, pour atteindre cet objectif. On ne propose pas, en effet, de construire une frise qui rassemblerait les personnages historiques à connaître afin d’aider les élèves à les situer dans chacune des périodes.

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2.7. Les programmes de 2008 parus au Journal Officiel du