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Faîtes-vous un usage interdisciplinaire du personnage historique ?

80 biographies (12 citations) et surtout des représentations fictives (seulement 8 citations).

Or, le domaine dans lequel les personnages historiques sont le plus utilisés dans le cadre interdisciplinaire est indéniablement le français, avec 7 réponses sur 10. Parmi les 7 réponses, 6 concernent la lecture et 1 la production d’écrit. Par la suite, les arts visuels recueillent 3 réponses, l’histoire des arts, 2, tout comme l’EMC. Quelles déductions peut-on faire ? Tout d’abord, si les enseignants interrogés citent majoritairement le français et la lecture dans l’usage interdisciplinaire du personnage historique, c’est bien parce qu’ils utilisent en grande partie le témoignage (14 citations).

Or les témoignages sont lus, et, comme le précisent les instructions officielles, toute occasion de pratiquer la lecture doit être saisie. De même avec les biographies. En revanche, un seul enseignant a répondu la production d’écrit. En effet, la production d’écrit sur des personnages historiques constituerait principalement en la rédaction d’une biographie. Or, nous avons déjà expliqué précédemment que la biographie n’arrivait qu’en troisième position des supports privilégiés.

Si la présence du français et de la lecture en tête de notre classement est logique, le faible score de l’histoire de l’art l’est beaucoup moins. En effet, puisque

Français Arts Visuels Histoire des arts EMC

0 1 2 3 4 5 6 7 8

81 les 20 personnes interrogées avaient précisé se servir des représentations historiques pour aborder les personnages, comment peut-on expliquer que seuls deux songent à faire le lien avec l’histoire de l’art ? Sans doute la justification est- elle à chercher du côté des objectifs d’apprentissage. En effet, pour rappel, nous avons vu que les objectifs d’utilisation des personnages historiques étaient principalement d’illustrer : illustrer une période ou un concept. En conséquence les personnages sont un outil en histoire. Il semblerait que les enseignants concentrent ces outils vers un but très précis : l’apprentissage d’un concept ou d’une période historique et ne souhaitent pas dédoubler l’utilisation d’une représentation historique vers un autre domaine, peut-être par crainte de « perdre » les élèves. C’est en tout cas ce que l’on peut penser à la vue de nos résultats.

De même, l’EMC offre de nombreux parallèles avec l’histoire. Il est étonnant qu’elle ne soit citée que deux fois. A nouveau, il aurait été judicieux de poser la question de l’interdisciplinarité en histoire en général à notre panel, avant d’en distinguer l’usage précis des personnages. En effet, il est possible qu’ils pratiquent de l’interdisciplinarité entre l’EMC et l’histoire, mais sans les personnages historiques… Néanmoins, on peut émettre l’hypothèse que ce soit les concepts vus en histoire (l’absolutisme, la démocratie, le droit de vote, l’école publique...) qui donnent lieu à un lien interdisciplinaire avec l’EMC et non les personnages historiques seuls.

Enfin, le faible nombre de réponses « arts visuels », cités 3 fois par notre panel, confirme que les supports de type « représentation fictive » ne sont pas choisis par les enseignants (pour rappel, seuls 8 enseignants sur 20, le plus faible score). En effet, il semble difficile de faire des arts visuels avec des représentations historiques. Alors les représentations fictives semblent plus adaptées. Puisqu’elles sont peu utilisées, il est logique de retrouver un faible nombre de réponses pour un lien interdisciplinaire avec les arts visuels.

En conclusion, les personnages historiques sont moyennement utilisés dans les liens interdisciplinaires aujourd’hui. Quand ils le sont, c’est avant tout sous forme de lecture. On notera que les opportunités, pourtant nombreuses, de croiser l’histoire avec les arts visuels et l’histoire de l’art ne sont pas saisis par les enseignants, soit par crainte de confusion parmi les élèves, soit par choix de ne pas

82 utiliser des supports appropriés. Cela nous confirme dans notre déduction précédente : les personnages historiques sont avant tout considérés comme des outils au service des apprentissages de l’histoire.

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Conclusion

La place des personnages historiques dans l’historiographie a connu presque toutes les variations possibles. A renfort de portraits passionnés mais parfois peu scrupuleux de la réalité historique, les romantiques en ont fait des figures emblématiques, presque mythologiques, du passé. Les méthodiques les ont utilisés comme fer de lance de la politique patriotique de la troisième république ; quant aux historiens des Annales, portés par la volonté de mettre en place une histoire totale, ils les ont fait disparaître des revues scientifiques, avant un retour dans le dernier quart du 20e siècle. Les instructions officielles de l’Education Nationale ne sont pas en reste dans cette succession d’excès : du désamour des programmes de 1980 et 1985 qui leur préfèrent l’étude de groupes sociaux, jusqu’à la liste de plusieurs dizaines de noms dans le document d’application de 2002 (certains étant classés comme « obligatoires » et comme « exemples » dont l’élève peut s’inspirer), on peut dire que les personnages historiques ont aussi connu, dans les apprentissages scolaires de primaire, des situations opposées. Leur place aujourd’hui, aussi bien dans la recherche que dans les manuels et les programmes, s’est stabilisée et peut être décrite comme relativement modérée.

Cette place actuelle, ni prépondérante ni en marge des apprentissages, se reflète bien dans notre enquête menée auprès d’enseignants du cycle 3. En effet, il en ressort que les personnages historiques sont revenus en bonne position dans les séances d’histoire, la totalité du panel affirmant qu’ils en font usage. Néanmoins, à l’image de l’histoire « bataille », événementielle, le personnage historique n’est plus l’objectif final des apprentissages. Il occupe aujourd’hui un rôle d’outil, certes omniprésent, au même titre que les groupes sociaux notamment : il permet d’illustrer les cours d’histoire pour une meilleure mémorisation des différentes périodes historiques et des différents concepts enseignés.

S’il est strictement impossible de prévoir la place que les historiens du futur, et les prochaines instructions officielles de l’Education Nationale, réservent aux personnages historiques, il est toutefois certain qu’ils resteront longtemps un sujet de fascination pour le grand public : Napoléon Bonaparte a par exemple fait l’objet

84 de plus de 80.000 ouvrages79 et de 700 apparitions au cinéma80, un record qui démontre que les personnages historiques assument également un rôle de vitrine dont l’histoire aura du mal à se passer.

79 Delphine Peras, sur le site de l’express.fr du 24 avril 2014

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Bibliographie

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• Alfred Croiset. (1890). Hérodote et la conception moderne de l’histoire, Revue des Deux Mondes (tome 99)

• Lucien Febvre. (1920). L’histoire dans le monde en ruines, Revue de Synthèse Historique, tome 30

• Patrick Garcia, Christian Delacroix, François Dosse. (1999). Les courants historiques en France, Paris, Armand Colin, p. 9

• Carlo Ginzburg. (1989). Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, Paris, Flammarion, p153-154

• Camille Jullian (1901), Vercingétorix, Editions Tallandier de 2012

• Dimitri Laboury. (2010). Akhenaton, Collection Pygmalion, Paris, Flammarion, p. 9 et p. 15

• Henri Martin (1836). Histoire de France, Jeanne d’Arc, disponible sur :

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• Jules Michelet. (1880). Histoire de France, Préface de 1869, A. Lacroix et Compagnie, (Tome 1, pp. i-xliv), disponible sur : http://gallica.bnf.fr/

• Gabriel Monod. (1876). Des progrès, des études en historiques en France depuis le XVIe siècle, Revue Historique, n°1, disponible sur :

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• Angélina Ogier (2007. Le rôle du manuel dans la leçon d’histoire à l’école primaire (1870-1969), https://histoire-education.revues.org/1247

• René Rémond. (1986). Pour une histoire politique, Editions du Seuil, Paris, p385-387

• Annales ESC, Paris, A. Colin, 1988, n°2 • Le Figaro Magazine, 20 octobre 1979

Manuels scolaires (par ordre chronologique d’éditions) :

• Changeux, Fleury et Humbert. (2004). Histoire, Cycle 3, de Editions Magnard, (Annexe 1 Documents 8, 9 et 13)

• Changeux, Fleury, Humbert et Szwaja (2010). Odysseo, Histoire Cycle 3, de, Editions Magnard, (Annexe 1 Documents 10, 11 et 14)

Changeux, Fleury, Humbert et Dietsch-Volkkringer et Szwaja. (2017). Odysseo, Histoire Cycle 3, de, Editions Magnard, (Annexe 1 Documents 12 et 15)

Pour les archives des instructions officielles de l’Education Nationale, le site internet : http://www.formapex.com/repertoires/550-programmes-textes-officiels

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Remerciements

Je tiens à remercier M. Halko pour son suivi et ses conseils tout au long de la rédaction de ce mémoire. Je tiens également à remercier l’ensemble des enseignants qui ont eu la gentillesse de répondre au questionnaire de recherche.

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