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II. Conservation du profil de méthylation spermatique entre mammifères

2. Profils de méthylation spécifiques des gènes soumis à empreinte

Nous nous sommes ensuite intéressés plus particulièrement au profil de méthylation des gènes soumis à empreinte parentale dans le sperme. En effet, l’étude de l’ADN spermatique permet l’identification des régions différentiellement exprimées entre allèles maternel et paternel dans le génome des cellules somatiques. C’est en particulier le cas pour les régions méthylées sur l’allèle maternel, qui apparaissent comme des îlots d’hypométhylation dans l’ADN spermatique (Tomizawa et al., 2011). A l’inverse, les régions méthylées sur l’allèle paternel le sont également dans le sperme et leur étude nécessite alors une localisation précise du DMR. Il serait donc intéressant de comparer les résultats obtenus dans le sperme avec une étude de la méthylation de l’ovocyte, afin de confirmer la présence des DMRs.

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a. Evaluation du statut d’empreinte de 5 gènes chez le porc

En se basant sur les DMRs gamétiques décrits chez l’homme et la souris et en y ajoutant des îlots CpGs, souvent caractéristiques des DMRs, nous avons évalué le niveau de méthylation de 42 régions génomiques correspondant à 29 gènes. Parmi les gènes décrits comme soumis à empreinte chez l’homme et/ou la souris, le statut d’empreinte chez le porc n’était pas toujours connu. Nous avons donc utilisé des croisements réciproques d’animaux Large White et Meishan pour étudier leur statut d’empreinte dans des tissus fœtaux. L’existence de SNPs entre les deux races sur les gènes CNTN3, QPCT, WT1, IMPACT, GRB10 et RASGRF1 nous a permis de caractériser leur statut d’empreinte. Les cinq premiers se sont avérés exprimés de façon biallélique dans les tissus testés. Le statut d’empreinte de QPCT, CNTN3 et WT1 reste controversé, les données portant uniquement sur le placenta murin, et une contamination maternelle ne pouvant être exclue (Proudhon and Bourc'his, 2010). L’expression paternelle d’IMPACT chez la souris et le rat n’est pas conservée chez l’homme (Okamura et al., 2000), et des données sur le cerveau porcin suggèrent également une expression biallélique dans cette espèce (Okamura et al., 2005), confirmant nos résultats dans le cerveau, le foie, le poumon et le muscle fœtal. Le statut d’empreinte de GRB10 est par contre bien décrit chez l’homme, le mouton et la souris, où il est exprimé par l’allèle maternel dans la majorité des tissus, en particulier le muscle, et par l’allèle paternel dans le cerveau (Miyoshi et al., 1998; Arnaud et al., 2003). Il semble donc que ce statut ne soit pas conservé chez le porc, l’expression étant biallélique dans le muscle, les poumons et le cerveau. Néanmoins, la possible présence de plusieurs isoformes ayant des statuts d’empreinte différents n’a pas été prise en compte dans notre analyse (Arnaud et al., 2003). Enfin, l’analyse de la séquence du transcrit du gène RASGRF1 exprimé dans le poumon et le cerveau indique une expression paternelle de ce gène dans ces deux tissus chez le porc, corroborant les données murines (Pearsall et al., 1999) et les premières données chez le porc (Ding et al., 2014). Chez l’homme, l’empreinte de ce locus est encore incertaine et les données de méthylation dans le sang et le sperme suggèrent qu’il n’y a pas de DMR lié à l’origine parentale dans cette région (Pitamber et al., 2012).

b. Profil de méthylation des gènes soumis à empreinte conservé entre les espèces

La comparaison du niveau de méthylation de l’ensemble des régions par rapport à la séquence répétée LINE1, puis la quantification absolue de la méthylation des CpGs, nous ont permis de classer ces régions en trois catégories : peu méthylé, modérément méthylé et fortement méthylé. Cette classification nous a permis de comparer nos données avec celles obtenues chez l’homme et la souris. Dans la majorité des régions étudiées, le niveau de méthylation est comparable entre les trois espèces.

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i. Régions faiblement méthylées

Les régions RASGRF1, MEST, WT1, OSBPL1A, QPCT et HM13 apparaissent comme faiblement méthylées dans les trois espèces, ainsi que les DMRs de GNASXL, IGF2R et MEG3. MEST étant exprimé par l’allèle paternel, il est conforme de retrouver sa zone promotrice déméthylée dans le sperme. Les résultats corroborent également la déméthylation paternelle des DMRs de GNASXL et IGF2R. De la même façon, le DMR de MEG3 apparait faiblement méthylé dans les trois espèces. Pourtant, l’étude du cluster soumis à empreinte DLK1/MEG3 indique que ce promoteur est méthylé sur l’allèle paternel pour une expression sur l’allèle maternel du gène. De plus, le niveau de méthylation proche de 50% dans le sang au niveau de ce DMR reflète bien son statut de gène soumis à empreinte (cf Figure 29C). Il est donc envisageable que l’empreinte ne soit pas conservée dans le sperme et s’établisse tardivement au cours du développement embryonnaire. C’est également le cas pour le promoteur d’OSBPL1A, décrit comme maternellement exprimé chez le porc et l’homme, mais faiblement méthylé dans les gamètes mâles des trois espèces. Cependant, le système de régulation de ce gène n’a pas encore été décrit, il est possible que le promoteur ne soit pas la région la plus informative pour le caractériser. La très faible méthylation du promoteur de WT1 corrobore les données murines et humaines. Néanmoins, il est probable que ce résultat soit plus à associer à la fonction de promoteur de cette séquence plutôt qu’à la présence d’un DMR, les analyses d’empreinte confirmant l’expression biallélique du gène chez le porc et l’homme.

ii. Régions fortement méthylées

Plusieurs régions apparaissent comme fortement méthylé dans les trois espèces. C’est le cas entre autres du DMR de RASGRF1, dont l’expression paternelle est associée chez la souris à une méthylation du DMR sur l’allèle paternel (Pearsall et al., 1999; Yoon et al., 2002). Comme attendu, nos données ont confirmé la méthylation de l’ICR de H19 sur l’allèle maternel et la méthylation sur l’allèle paternel des deux DMRs décrits pour IGF2, ce cluster étant largement décrit dans la littérature comme conservé entre les trois espèces. Ici encore, le niveau de méthylation d’H19 dans le sang reflète son statut de gène soumis à empreinte. Au niveau du cluster DLK1/MEG3, il est intéressant de noter que l’îlot CpG nommé DLK1/MEG3 dans notre étude pourrait correspondre chez le porc à l’IG DMR de la souris de part sa localisation génomique, bien que l’homologie de séquence n’ait pas permis de localiser ce DMR sur le génome porcin. Cet îlot apparait comme fortement méthylé chez le porc, ainsi que d’autres îlots CpGs de la région, en conformité avec les données murines et humaines. En revanche, la forte méthylation au niveau du gène RTL1, issu de l’insertion d’un rétrotranposon près de ce locus, est observée chez le porc et la souris, mais la région homologue apparait comme hypométhylée chez l’homme, suggérant une fonction spécifique chez l’homme de ce gène connu pour son rôle dans la croissance fœtale chez les euthériens (Edwards et al., 2008). Une autre différence concerne le gène IMPACT, dont le niveau de méthylation est élevé chez le porc tandis qu’il l’est peu chez l’homme et la souris. Cependant, la faible densité en CpG rend cette région difficile à évaluer par

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les méthodes d’analyses locales. L’analyse par MeDIP-Seq nous a permis de confirmer que chez le porc, le promoteur du gène est peu méthylé alors que le corps du gène l’est fortement (cf Figure 30).

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