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CHAPITRE 1 REVUE DE LA LITTÉRATURE

1.2 Facteur de risque

1.2.7 Facteurs liés aux habitudes alimentaires

1.2.7.2 Produits laitiers

Les résultats d’une large étude de cohorte suggèrent une diminution du risque de CS (RR : 0,68; IC95%: 0,55-0,86), chez les femmes préménopausées consommant des produits laitiers faibles en matière grasse (>1 portion/jour). Cependant, aucune association n’était observée après la ménopause (Shin et coll., 2002). En outre, lorsque combinée à une consommation d’aliments riches en calories, une consommation élevée en produits laitiers riches en matières grasses peut augmenter le risque de CS (WCRF, 1997). Selon la revue de littérature de Moorman et coll., (2004), le fait de consommer des produits laitiers venant du lait entier riche en acides gras saturés peut augmenter le risque de CS. De plus, les produits laitiers peuvent contenir des contaminants tel que les pesticides qui ont des effets carcinogènes, et le facteur de croissance insolinomimétique de type 1 (FCI1) qui est connu pour augmenter le développement des cellules cancéreuses. Pourtant aucune association significative ne fut trouvée entre les produits laitiers et le CS (Moorman et coll., 2004).

D’autre part, une consommation élevée en calcium, vitamine D, en acide linoléique, ruménique et vaccénique dans les produits laitiers peut avoir un effet protecteur sur le CS (Shin et coll., 2002). La vitamine D a un effet antiprolifératif et est nécessaire à l’absorption et au métabolisme du calcium. Le calcium peut diminuer la prolifération des cellules dans les tissus tumoraux (Shin et coll., 2002). Berubé et coll., (2005) ont démontré qu’il y avait une réduction de 8,5%

(p= 0,004) de la densité mammaire avant la ménopause, suite à une consommation de 400 UI de vitamine D et 1 000 mg de calcium. Ce facteur est actuellement considéré comme un indicateur du risque de développer un CS: plus la densité mammaire est élevée, plus le risque de développer un CS est élevé (Bérubé et coll., 2005). Ces résultats ne sont pas observés chez les femmes après la ménopause.

Une méta-analyse portant sur les données provenant de plus de 40 études cas-témoins et de 12 études de cohorte suggère qu’une association non- significative entre la consommation de produits laitiers et le risque de CS (Parodi, 2005). D'autres recherches, qui proposent des théories entourant l’association entre la consommation de produits laitiers et le risque de CS par l'intermédiaire des matières grasses, le facteur de croissance-1 (IGF-1) d'insuline, l'hormone de croissance (GH) et les oestrogènes, ont été également examinées; aucune association n’a été établi entre ces paramètres et le CS. Bien que les oestrogènes et l'axe GH/IGF-1 jouent un rôle critique dans le développement de la glande mammaire et du CS, l’explication du mécanisme biologique demeure complexe. Néanmoins, la consommation quotidienne de ces facteurs provenant de la consommation de produits laitiers est trop faible en comparaison aux sécrétions endogènes quotidiennes pour pouvoir exercer un effet physiologique. Le calcium et la vitamine D jouent un rôle important dans le règlement de la croissance cellulaire. En outre, la vitamine D, par sa forme active 1,25-dihydroxy vitamine D3 (1,25(OH)2D3), est essentielle pour l'homéostasie et l'absorption du calcium dans les cellules (Lipkin et coll., 1999; Lowe et coll., 2003).

Des études chez des animaux suggèrent que le calcium alimentaire et la vitamine D diminuent l’hyperprolifération et l’hyperplasie des cellules épithéliales mammaires (Lipkin et coll., 1999). Il y a plusieurs mécanismes pouvant expliquer l'action antiproliférative du calcium. Par exemple, le calcium peut neutraliser les acides gras et les acides de bile mutagéniques. Ces acides peuvent rapidement passer de l'intestin au sein où ils peuvent affecter les

récepteurs d’œstrogènes (Ers) et induire la protéine d’oestrogènes qui est semblable à l'estradiol (Javitt et coll., 1994).

Une alimentation fournissant des acides gras ruméniques, vaccéniques, butyriques, le calcium et la vitamine D du lait peuvent diminuer le risque de CS (Parodi, 2005). L’acide ruménique (AR) est l'isomère naturel de l'acide linoléique conjugué et la matière grasse du lait est sa source naturelle la plus riche. L'acide vaccénique (AV), les acides gras trans mono-insaturés (trans-AGMI) étant la principale source de la matière grasse du lait, peut être converti en AR chez l’animal et l’humain (Parodi, 2004). Dans les cellules épithéliales mammaires du rat normal, le AR a été observé d’empêcher la croissance des cellules et induire l'apoptosie (Ip et coll., 2003). Aux concentrations physiologiques, AR, AV, et la matière grasse du lait diminuent la croissance des cellules cancéreuses du sein (Miller et coll., 2003). L'action antitumorale du AR peut être atténuée par induction d'apoptose et l'inhibition de l'angiogenèse qui est associée au faible taux de sérum et aux niveaux glandulaires du facteur endothélial vasculaire de croissance et de son récepteur Flk-1 (Ip et coll., 2003; Masso-Welch et coll., 2004). Les acides gras à chaîne longue (AGCL) sont synthétisés par des bactéries du rumen, et l’iso- et l’antiiso-AGLC, en particulier ceux avec une longueur de chaîne de 13 à 17 atomes de carbone, se retrouvent dans la matière grasse du lait (Parodi, 2004). Yang et coll. (2000) ont démontré que l'acide 13 methyltetradecanoique (13-MTDA) provoque également la destruction des cellules cancéreuses du sein chez l’humain par induction rapide d'apoptose. Récemment, Wongtangtintharn et coll. (2004) ont examiné l'activité antitumorale d'une série d'iso-AGLC dans deux variétés de cellules humaines de CS. Ils ont constaté que l’AGLC a légèrement empêché la synthèse d'acide gras et la carboxylase d'acétyle-CoA, en supprimant la déshydrogénase glucose-6- phosphate, le système principal de NADPH dans les cellules cancéreuses. Cette étude suggère que l’AGLC affaiblit la biosynthèse des acides gras en réduisant les précurseurs, en plus d’inhiber directement la synthèse d'acide gras.

L'acide butyrique, présent seulement dans la matière grasse du lait, est un agent anticancéreux efficace qui induit la différentiation et l'apoptose, ce qui empêche la prolifération cellulaire et l'angiogenèse. Dans la matière grasse du lait, le butyrate est estérifié comme triacylglycérol et un tiers de tous les triglycérides de la matière grasse du lait contient du butyrate. Bien que le butyrate ait une courte vie dans la circulation, sa concentration peut être augmentée lorsque présent en plus petits composés. En outre, en agissant en synergie avec d'autres agents anticancéreux alimentaires comme les vitamines A, D et le resveratrol, il réduit la concentration plasmatique de butyrate, lequel joue un rôle important pour moduler la croissance des cellules (Parodi, 2004). Deux études ont suggéré que le butyrate alimentaire diminue significativement le développement d’une tumeur mammaire induite chimiquement chez le rat (Wongtangtintharn et coll., 2004; Yanagi et coll., 1993; Belobrajdic et coll., 2000). Les résultats des études animales et in vitro réalisées dans les cellules humaines de CS indiquent que les protéines du lait, particulièrement celles liées au lactosérum, ont des propriétés anticancérogènes (Parodi, 1998; Hakkak et coll., 2000).

La protéine de lactalbumine est une source riche en cystéine, laquelle est essentielle pour la synthèse du glutathion, un antioxydant efficace qui agit seul ou comme un agent de désintoxication, facilitant l'élimination des agents mutagènes, des carcinogènes, et tout autre substrat xenobiotique du corps (Parodi, 1998). En dépit des facteurs potentiellement protecteurs présents dans les produits laitiers, les études épidémiologiques ne suggèrent pas d’association significative entre la consommation des produits laitiers et le risque de CS.

Au-delà des défis communs à toute étude en épidémiologie nutritionnelle, il existe des difficultés spécifiques liées à l’évaluation des produits laitiers. L’hypothèse principale voulant que les produits laitiers réduisent le risque de CS se fonde sur leur contenu en vitamine D. Peu d’aliments contiennent des quantités naturelles significatives en vitamine D. La présence de la vitamine D dans les

produits laitiers est fréquemment due à la fortification (Institute of Medecine, Food and Nutrition Board, 1999).

Bien que la fortification des produits laitiers, des céréales, et d’autres aliments soit une pratique commune, les différents produits fortifiés et la quantité de vitamine D ajoutée varient entre les pays (Nowson et coll., 2002). Ces constats suggèrent que les études menées dans des pays ayant des règlements et normes différents concernant la fortification en vitamine D ne sont pas vraiment comparables. Si la vitamine D influence le risque de CS, les comparaisons doivent tenir compte non seulement du produit laitier spécifique mais également du degré de fortification en vitamine D.

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