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Production de stilbènes chez les bactéries et les levures

6.3 I NGENIERIE DE LA BIOSYNTHESE DES STILBENES

6.3.3 Production de stilbènes chez les bactéries et les levures

Les bactéries et levures utilisées couramment en biotechnologie ne possèdent pas les enzymes clés permettant la biosynthèse des phénylpropanoïdes. Afin de pouvoir produire du resvératrol, ces systèmes hétérologues doivent produire deux substrats :

- le malonyl-CoA, naturellement présent chez les bactéries et les levures car il rentre dans la voie de biosynthèse de novo des acides gras.

- le p-coumaroyl-CoA obtenu par la 4-coumarate : CoA ligase (4CL) à partir de l’acide

p-coumarique. La voie des phénylpropanoïdes n’existant pas chez ces microorganismes, l’enjeu de la synthèse de resvératrol réside donc dans le fait de pouvoir recréer les premières étapes de la voie de biosynthèse des phénypropanoïdes dans ces systèmes hétérologues.

6.3.3.1 Production chez Escherichia coli

Plusieurs études ont tenté de produire de grandes quantités de resvératrol à partir d’E. coli,en recréant la voie de biosynthèse des stilbènes par l’addition d’une STS, mais aussi d’une 4CL permettant la synthèse de p-coumaroyl-CoA dans un milieu supplémenté d’acide

p-coumarique. Le malonyl-CoA est naturellement synthétisé par les bactéries, et rentre par exemple dans la voie de biosynthèse des acides gras. L’une des premières études visant à

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produire du resvératrol a été réalisée en 2006 par bioconversion, en exprimant la STS d’A. hypogea et la 4CL1 d’A. thaliana,dans la souche E. coli BW27784 et dans un milieu de culture optimisé pour la production de protéines recombinantes et complémenté d’acides

p-coumarique, caféique ou férulique (Watts et al., 2006). Cette étude a permis d’obtenir respectivement des concentrations de 100 mg/l de resvératrol à partir de l’acide 4-coumarique et 13 mg/l de picéatannol à partir de l’acide caféique dans le milieu de culture bactérien. Cependant la bioconversion n’est pas totale, ce qui suggère qu’une partie des acides hydroxycinnamiques ajoutés au milieu de culture sont dégradés par les bactéries, comme cela a déjà été observé pour des phénylpropanoïdes (Díaz et al., 2001). Une étude de 2007 a permis de produire plusieurs stilbènes à des concentrations allant jusqu’à 171 mg/l, en co-exprimant une STS d’A. hypogea, une 4CL de Lithospermum erythrohizon ainsi qu’une acétyl-CoA carboxylase (ACC) de Corynebacterium glutamicum, le meilleur résultat étant obtenu avec l’acide p-coumarique (Katsuyama et al., 2007).

Des travaux plus récents de 2011 ont permis d’augmenter les niveaux de resvératrol produits, par l’optimisation fine des paramètres de production, par le choix des souches bactériennes, des vecteurs d’expression, mais aussi par l’utilisation d’enzymes plus performantes pour la production de resvératrol (Lim et al., 2011). En coexprimant la 4CL d’A. thaliana et la STS de V. vinifera sur un même opéron sous le contrôle d’un promoteur commun T7, dans des souches d’E. coli BW27784 et dans un milieu enrichi en acide p-coumarique et en céruléine (inhibiteur de la voie de biosynthèse des acides gras, qui permet d’augmenter le « pool » de malonyl-CoA), les auteurs ont pu obtenir une plus grande quantité de resvératrol que dans les études précédentes : 2,3 g/l de milieu de culture. Le Tableau 3 résume les stratégies utilisées pour la production de stilbènes en systèmes bactériens.

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Tableau 3 : Récapitulatif de la production de resvératrol en systèmes hétérologue bactériens.

STS : stilbène synthase ; 4CL ; 4-coumarate : CoA ligase ; ACC, acétyl-CoA carboxylase (production de malonyl-CoA).

Microorganisme Gènes utilisés

Origine des gènes Opéron ? Substrat(s) Concentration en stilbène Référence

Streptomyces venezuelae (DHS2001) 4CL1, STS Streptomyces coelicolor (4CL1), Arachis hypogea (STS) Gènes en tandem Acide p-coumarique 1,2 mM Acide cinnamique 1,2 mM 0,4 mg/l resvératrol

0,6 mg/l pinosylvine. (Park et al., 2009)

Escherichia. coli

(BW27784 pACMod)

4CL1, STS Arabidopsis thaliana (4CL1),

Arachis hypogea (STS) non

Acide p-coumarique 1 mM Acide caféique Acide férulique 100 mg/l resvératrol 13 mg/l piceatannol / (Watts et al., 2006).

Escherichia. coli 4CL1, STS Streptomyces coelicolor

(4CL), Vitis sp. (STS) ? (brevet) ? (brevet) 3.6 mg/l (Huang et al., 2006)

Escherichia. coli 4CL1, STS Nicotiana tabacum (4CL),

Vitis vinifera (STS) non acide p-coumarique 5 mM 16 mg/l

(Beekwilder et al., 2006)

Escherichia. coli

BW27784 4CL1, STS

Arabidosps thaliana (4CL1),

Vitis vinifera (STS) oui

Acide p-coumarique 15 mM Céruléine 0,05 mM

2 462 mg/l resvératrol

1 380 mg/l sans céruléine (Lim et al., 2011).

Escherichia. coli (BLR DE3) 4CL1, STS, ACC Lithospermum erythrohizon (4CL1), Arachis hypogea (STS), Corynebacterium glutamicum

non Acides hydroxycinnamiques 1 mM

171 mg/l à partir de l’acide

p-coumarique

(Katsuyama et al., 2007)

Escherichia. coli TAL, 4CL, STS

Arabidopsis thaliana (4CL), Rhodobacter capsulatus

(TAL), Rheum tataricum (STS)

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6.3.3.2 Production chez la levure

De même que chez les bactéries, la voie des phénylpropanoïdes amenant à la production d’acide p-coumarique puis de p-coumaroyl-CoA n’existe pas chez la levure Saccharomyces cerevisiae. Cependant, l’acide p-coumarique est présent dans les moûts de raisin utilisés pour la fermentation des levures, la production de resvératrol ne nécessiterait donc que l’apport d’une 4CL et d’une STS pour la production de resvératrol (Becker et al., 2003). Cette étude a été réalisée par J. Becker et al. dans l’optique de pouvoir enrichir les vins en resvératrol afin d’augmenter leur propriété anti-oxydante, surtout dans le cas des vins blancs naturellement pauvres en resvératrol (lors de la vinification des vins blancs, le moût de raisin est fermenté sans les peaux de raisin, à l’inverse de la vinification des vins rouges). La synthèse de resvératrol a été réalisée en milieu fermentaire supplémenté d’acide p-coumarique ; les levures co-exprimaient une 4CL de peuplier (cv. hybride Populustrichocarpa x Populus deltoides) et une STS de vigne (Vst1 du Cabernet sauvignon). La fermentation n’a malheureusement pas permis d’obtenir du resvératrol, mais plutôt son dérivé glycosylé, le picéide, à des concentrations relativement faibles pour un maximum de 1,45 µg/l. Cette étude pionnière fut la première étude permettant de recréer une voie de biosynthèse dans un système hétérologue amenant à la production de resvératrol. Par la suite, plusieurs études ont poursuivi l’amélioration de la synthèse de resvératrol chez la levure, en proposant notamment la recréation totale de la voie de biosynthèse du resvératrol, et donc les premières étapes de la voie de biosynthèse des phénylpropanoïdes. Le Tableau 4 résume les travaux effectués sur la production de resvératrol chez la levure par reconstitution complète de la voie de biosynthèse du resvératrol, ou par introduction de gènes spécifiques (typiquement une 4CL et une STS). La synthèse de resvératrol chez S. cerevisiae en présence d’une 4CL, d’une STS et du gène araE

codant pour un transporteur d’E. coli, semble augmenter la production de resvératrol d’environ 2,44 fois (Wang et al., 2011). La création de protéines de fusion entre la 4CL et la STS permet d’augmenter la production de resvératrol à 5,25 mg/l (Zhang et al., 2006) ; l’utilisation d’une protéine « scaffold » reliant physiquement la 4CL et la STS, permet d’augmenter la production de resvératrol de 2,7 fois par rapport à la protéine de fusion 4CL::STS (Wang and Yu, 2012). La canalisation d’enzymes du métabolisme secondaire semble donc permettre l’optimisation de la biosynthèse de métabolites secondaires dans des systèmes hétérologues. Tout comme pour la production de resvératrol chez E. coli, la production chez la levure dépend de nombreux paramètres, tels que la souche de levure utilisée, l’origine des transgènes, les conditions de

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culture, les plasmides, ou encore les précurseurs ajoutés au milieu de culture (Jeandet et al., 2012).

La synthèse de stilbènes à partir de microorganismes est pratique dans la mesure où ils présentent des vitesses de croissance élevées, et que les conditions de cultures industrielles sont à ce jour très bien connues, maîtrisées et relativement peu coûteuses (Donnez et al., 2009). Néanmoins, de meilleurs résultats sont obtenus grâce aux cultures cellulaires végétales, combinant les avantages d’une culture non transgénique, pouvant être réalisée dans de grands volumes (jusqu’à 75 000 l), dans un milieu de culture plus simple (sucres, minéraux et éléments régulateurs), et dont les métabolites sont plus facilement extractibles. Dans les deux cas et particulièrement pour la production dans les microorganismes, les conditions de cultures doivent encore être optimisées pour la production à l’échelle industrielle. Toutefois, l’utilisation de méthodes non transgéniques de production comme la culture de cellules de vigne, sont les méthodes les plus acceptables à l’échelle des consommateurs, et dans l’état actuel de l’opinion publique sur les OGM.

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