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Obtention de plantes transgéniques accumulant des stilbènes

6.3 I NGENIERIE DE LA BIOSYNTHESE DES STILBENES

6.3.1 Obtention de plantes transgéniques accumulant des stilbènes

La biosynthèse des stilbènes se prête particulièrement bien à des approches de transgenèse végétale, car les précurseurs des stilbènes sont présents chez toutes les plantes. Théoriquement, il suffit donc d’exprimer une stilbène synthase chez une plante quelconque pour lui conférer la capacité de produire des stilbènes. Des stratégies de transgenèse ont ainsi permis d’évaluer la toxicité des stilbènes, vis à vis de certains agents pathogènes. En 1993, un fragment d’ADN génomique contenant deux gènes STS (Vst1 et Vst2) a été cloné à partir de

V.vinifera (cv. Optima) puis utilisé pour transformer Nicotiana tabacum. Les plantes transgéniques exprimant Vst1 et Vst2 sous le contrôle de leur propre promoteur montrent une réduction des symptômes de plus de 50 % suite à l’infection par Botrytis cinerea (Hain et al., 1993; Fischer and Hain, 1994) (Figure 19). Ceci constitue le premier exemple de l’augmentation de la résistance d’une plante vis à vis de bio-agresseurs grâce à la biosynthèse d’une phytoalexine provenant d’une autre plante.

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Des études plus récentes ont permis la création de porte-greffes 41B transgéniques (issus d’un croisement V. vinifera cv. Chasselas X Vitis berlandieri) surexprimant une STS sous contrôle d’un promoteur inductible par les champignons phytopathogènes ; ces plantes transgéniques, qui accumulent localement jusqu’à 100 fois plus de resvératrol qu’une plante témoin, montrent une nette réduction des symptômes observés normalement après une infection par Botrytis cinerea (Coutos-Thévenot et al., 2001) (Figure 19). Les travaux de Hain et al. (1993) ont été initiateurs de beaucoup d’autres expériences de transgenèse végétale à l’aide du gène de vigne Vst1 (V. vinifera var Optima), en vue de démontrer les effets bénéfiques des stilbènes contre des agents phytopathogènes, chez par exemple une légumineuse (luzerne), certaines céréales (blé, orge), certains fruits et légumes (tomate, kiwi, pomme, petit pois, papaye, houblon, laitue, banane) des arbres ligneux tels que le peuplier ou le tremble, le houblon ou encore le genre Rehmannia (Delaunois et al., 2009).

Figure 19 : Création de plantes transgéniques surexprimant Vst1 (V. vinifera cv. optima). A et B, photos tirées de l’étude de Hain et al. (1993) montrant une feuille de N. tabacum témoin infectée par B. cinerea (A) ainsi qu’une feuille transgénique surexprimant Vst1 et également infectée (B). C,D, photos tirées de l’étude de Coutos-Thévenot et al. (2001) montrant un porte-greffe 41B non transgénique infecté par B. cinerea (C) ainsi qu’un porte-greffe 41B transgénique surexprimant Vst1 et également infecté (D).

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Si dans la plupart de ces études les plantes transgéniques ont montré une augmentation nette de la résistance aux organismes phytopathogènes (champignons principalement) (Delaunois et al., 2009), dans certains cas la croissance des agents pathogènes n’est que ralentie (Zhu et al., 2004) et dans d’autres cas elle n’est pas affectée (Kobayashi et al., 2006). De manière inattendue, la surexpression d’une STS (NS-Vitis3) de V. riparia sous contrôle du promoteur 35S du virus de la mosaïque du chou-fleur (CaMV) chez la fraise (Fragaria x

ananassa) a conduit à une augmentation de la susceptibilité à Botrytis cinerea (Hanhineva et al., 2009), probablement en raison d’une interaction avec le métabolisme des flavonoïdes. En effet, les flavonoïdes sont connus pour contribuer aux mécanismes de défense des plantes (Grotewold, 2006), et de la fraise en particulier (Terry et al., 2004; Halbwirth et al., 2006; Hukkanen et al., 2007). Chez le kiwi, la surexpression d’une STS (pBSRIP) de V. riparia

entraîne la production de picéide peu toxique pour les pathogènes fongiques (Kobayashi et al., 2006), les mêmes résultats ayant été obtenus chez le peuplier (Populus alba), avec des concentrations en picéide allant jusqu’à 615,2 μg/g de matière fraîche (feuilles) (Giorcelli et al., 2004).

Parallèlement aux approches visant à augmenter la résistance vis à vis de différents pathogènes, l’augmentation de la teneur en stilbènes de certains végétaux pourrait permettre d’obtenir de nouvelles sources de stilbènes alimentaires. Parmi les plantes consommées par l’homme, la vigne et l’arachide produisent du resvératrol à des concentrations de 4 μg/g de

matière sèche, et on en retrouve en moyenne 2 mg/l dans le vin rouge, ce qui en fait, en moyenne, la première source naturelle de stilbènes alimentaires. Cependant, les concentrations sont insuffisantes en regard des concentrations utilisées lors des études sur les propriétés pharmacologiques des stilbènes, qui utilisent des doses environ 50 fois supérieures aux doses retrouvées naturellement (Reagan-Shaw et al., 2008; Baur and Sinclair, 2006). En vue d’augmenter les propriétés nutraceutiques des végétaux consommables, plusieurs études ont été menées. Chez la tomate (Lycopersicon esculentum cv. Moneymaker), la surexpression du gène

StSy de V. vinifera (cv. Lambrusco Foglia Frastagliata) sous contrôle du promoteur 35S du CaMV permet d’obtenir une concentration maximale de resvératrol de 26 μg/g de matière

fraîche de fruit pendant sa maturation, sachant qu’une quantité équivalente est stockée sous forme glycosylée (Giovinazzo et al., 2005). Une étude plus récente portant sur le même type de plantes transgéniques (Lycopersicon esculentum cv. Moneymaker) exprimant le gène StSy sous contrôle d’un promoteur spécifique du fruit (TomLoxB), a montré une accumulation de resvératrol et de picéide au niveau de la peau des tomates, mais dans des quantités 20 fois

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inférieures à celle retrouvée dans les plantes transgéniques où StSy est placé sous contrôle du promoteur 35S du CaMV (D’Introno et al., 2009). L’accumulation de resvératrol observée dans les fruits transgéniques est suffisante pour augmenter l’activité anti-oxydante globale, mais aussi la teneur en antioxydants autres que le resvératrol, comme par exemple l’acide ascorbique. Les fruits transgéniques obtenus possèdent également des propriétés anti-inflammatoires, puisqu’ils permettent de contrecarrer l’effet de l’ester de phorbol (activateur de la prolifération cellulaire) produit par les macrophages, par l’inhibition de l’enzyme cyclo-oxygénase-2 (D’Introno et al., 2009). Cependant, dans ces deux études réalisées chez la tomate, la production de resvératrol a pour conséquence l’absence de graines dans les fruits. Chez la pomme (Malus domestica cvs. Elstar et Holsteiner Cox), le gène Vst1 (Vitis vinifera cv. Optima) sous contrôle de son propre promoteur permet la production de resvératrol sous sa forme glycosylée (picéide) dans les tissus verts et dans les fruits (Rühmann et al., 2006). Cette accumulation n’a pas de conséquences sur le phénotype ou la fertilité de la plante, ce qui s’explique probablement par le fait que le resvératrol n’est pas retrouvé sous sa forme libre, mais uniquement sous sa forme glycosylée.

La quantité de stilbènes naturellement produite chez les plantes est souvent supérieure aux quantités produites dans des systèmes hétérologues de type levures ou bactéries (Jeandet et al., 2012). Cependant, la synthèse de stilbènes chez les plantes est très variable car elle dépend de l’espèce végétale considérée, du promoteur utilisé, mais aussi de l’organe, du tissu ou du stade de développement considéré (Jeandet et al., 2012). Aussi, un des problèmes majeurs de la production de stilbènes in planta est la purification d’un seul métabolite d’intérêt à partir d’un extrait végétal complexe (Park et al., 2009). Par exemple, l’extraction et la purification du resvératrol et de ses dérivés (viniférines principalement) à partir des rafles de vigne est possible (Rayne, 2008), mais est difficilement applicable à une échelle industrielle car très coûteuse. Ce type d’extraction est réservé à des produits cosmétiques à haute valeur ajoutée (firme Caudalie par exemple).

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