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Production de gélatine à partir de poudres d’os

III. REACTEURS CHIMIQUES

III.3. Production de gélatine à partir de poudres d’os

Ce travail a été réalisé en 1992 dans le cadre de la préparation d’un diplôme FIRTECH (Formation des Ingénieurs par la Recherche et la Technologie) en collaboration avec la société Sanofi Bio Industries (Isle-sur-Sorgue, Vaucluse) et s’intitulait « Modélisation de l'extraction continue de gélatine en milieu acide à partir de matières premières finement divisées ». La partie théorique de cette étude a été effectuée au LSGC tandis que la partie expérimentale a été réalisée au sein de l'entreprise.

III.3.1. Problématique

La problématique posée consiste à valoriser une matière première jusqu’alors négligée, la poudre d’os, dans le domaine de la production de gélatine. A titre informatif on peut rappeler que la production de gélatine vient de l’hydrolyse partielle de collagène animal provenant soit d’os ou de peaux de bovins soit de peaux de porcs. La gélatine est composée d’une vingtaine d’acides aminés dont les proportions varient en fonction de la matière première utilisée [Gómez-Guillén et al, 2002]. Les grandes utilisations de ce produit concernent l’industrie de la

photographie argentique (en déclin depuis cette étude), l’industrie pharmaceutique pour la fabrication des gélules et l’industrie agroalimentaire notamment comme agent texturant des produits allégés ou des confiseries. Le procédé consiste en une première étape de préparation de la matière première par élimination des matières minérales et grasses, et dans le cas des os de bovins ce traitement dure plusieurs semaines. L’extraction est ensuite réalisée à chaud et à pH acide ou neutre. La solution obtenue est ensuite purifiée, concentrée, séchée et broyée. Le procédé est discontinu. La caractérisation du produit « gélatine » est complexe car il ne s’agit pas d’une seule nature chimique de molécule et il est donc usuel de mesurer la distribution des masses molaires. D’autres types de mesures, liées aux propriétés d’usage recherchées, sont mises en œuvre comme la force en gel (degré bloom) ou la viscosité mais il n’existe pas de fonction de propriété liant les propriétés d’usage recherchées aux propriétés mesurées.

Dans le cadre précis de cette étude, l’utilisation des poudres d’os dont le diamètre est inférieur à 2 mm permet d’obtenir des temps caractéristiques de procédé plus courts, de l’ordre de quelques heures, ce qui rend possible un fonctionnement en continu et donc l’obtention d’un bouillon de gélatine en environ 4h au lieu de plusieurs semaines [Moy et Takerkat, 1992].

III.3.2. Résultats

Dans une première phase de l'étude, des expériences en réacteur fermé utilisant une matière première de composition uniforme et de granulométrie connue ont permis de déterminer les mécanismes d'extraction et de dégradation de la gélatine. Afin de représenter au mieux les propriétés d’usage de la gélatine liées à la distribution des masses molaires, sans pour autant chercher à représenter l’ensemble de la distribution, il a été choisi de considérer 4 classes de taille et donc de modéliser la quantité de matière produite dans chaque classe. Un modèle d'extraction (cœur rétrécissant en régime chimique) et un schéma cinétique global tenant compte de l'extraction et de la dégradation ont ainsi pu être proposés.

Des expériences utilisant la matière première brute, de composition hétérogène, ont ensuite été menées, également en réacteur fermé. Des variations sur les conditions opératoires d'extraction (température et pH) ont été effectuées. A partir de l'ensemble des résultats, les constantes cinétiques et les énergies d'activation ont été optimisées. L'ensemble des expériences effectuées a ainsi pu être représenté par un nombre réduit de paramètres.

Dans une dernière phase un modèle simplifié décrivant le fonctionnement du réacteur pilote continu a été présenté.

III.3.3. Commentaires

Le modèle proposé a permis d'identifier et de quantifier l'importance de certains paramètres opératoires sur la qualité de la gélatine extraite. Il a notamment été montré que le pH n’a pas

l’on cherche à déterminer la cinétique globale de la réaction pour optimiser ou dimensionner les réacteurs. La modélisation du fonctionnement en réacteur continu a été complétée par la suite en intégrant la notion de bilan de population pour les particules d’os [Pierre, 1993].

Depuis la réalisation de ce travail, le paysage de la production de gélatine a évolué. La production annuelle mondiale connaît une croissance constante puisqu’elle est passée de 130 000 tonnes en 1974 à 226 000 tonnes en 1995 et a atteint 305 000 tonnes en 2005 [Schrieber et Gareis, 2007]. Cependant, l’apparition de l’encéphalopathie spongiforme bovine a conduit à rechercher d’autres matières premières. Une des pistes les plus explorées est celle de la gélatine de poisson [Karim et Bhat, 2009]. D’autres pistes concernent la substitution par d’autres produits comme les alginates, les carraghénanes, l’agar-agar, etc. [Karim et Bhat, 2008], ce qui ne s’avère pas aisé. En effet, le très large spectre d’utilisation de la gélatine nécessite l’identification des propriétés d’usage recherchées dans les différentes applications et l’exploration des liens avec les propriétés mécaniques du gel, sa rhéologie, ses propriétés émulsifiantes ou encore filmogènes. En effet il existe de nombreux types de gélatine ayant chacun un domaine d’application particulier et assurant une fonction particulière (gélifiant, émulsifiant, stabilisant…). La production de gélatine est donc un champ d’investigation intéressant pour une approche génie des produits car en fonction des propriétés d’usage recherchées il est nécessaire d’adapter ou de modifier la gélatine elle-même, son procédé de production ou encore de choisir la matière première dont elle est extraite.

Ainsi le travail mené dans cette étude pourrait aujourd’hui servir cette approche « produit » en effectuant le lien entre les propriétés d’usage recherchées (texturation d’un mélange, résistance mécanique et chimique d’une capsule ou vitesse de dissolution d’une gélule), les paramètres mesurés (force en gel, viscosité, distribution des masses molaires) et les conditions opératoires du procédé qui permettent d’obtenir ces propriétés. Le modèle d’extraction ne serait pas simplement un modèle de connaissance mais un outil permettant de déterminer les paramètres de procédé conduisant à l’obtention des propriétés recherchées. En effet le marché de la gélatine subit aussi l’évolution de la demande, avec par exemple une baisse des gélatines photographiques et une augmentation des capsules molles. Ces deux produits ayant des cahiers des charges différents, il est indispensable de faire évoluer le procédé pour répondre à la demande, le procédé ayant été plutôt optimisé pour maximiser la quantité de gélatine répondant au cahier des charges de la gélatine de type photographique. L’utilisation du modèle pourrait donc servir à piloter le procédé de production pour la fabrication de gélatine ayant les propriétés souhaitées.