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L’étude des produits particulaires, intégrée dans les années 1950 dans le domaine du génie chimique [Davies, 2001]2, semble se prêter assez facilement à une approche génie des produits et des exemples d’illustrations ont été assez souvent choisis dans ce domaine. Ceci est peut-être dû à Rumpf [cité par Peukert, 2003] qui dès ces années-là a utilisé l’expression de fonction de propriétés pour relier les propriétés d’un lit de particules aux caractéristiques individuelles des particules. D’autres raisons peuvent expliquer ce constat. Tout d’abord les solides constituent environ 70% des produits manipulés dans l’industrie [Villermaux, 1995] et concernent de très nombreux secteurs industriels. Les besoins d’études des phénomènes et des procédés sont donc larges afin de maîtriser les propriétés des produits.

De plus, de fait de leur nature dispersée, ils constituent des produits structurés présentant notamment des rapports surface sur volume importants qui les rendent intéressants pour la réaction chimique, la solubilité ou la dispersion [Davies, 2001]. Ainsi, la distribution de taille et la morphologie sont des paramètres généralement contrôlés car ils conditionnent des propriétés d’usage comme la vitesse de dissolution ou encore la coulabilité. Edwards et Instone [2001] montrent que de nombreux produits de grande consommation sont des solides dont l’intérêt réside dans leur stabilité et dans la possibilité d’utiliser des emballages simples mais ils doivent s’écouler et se doser facilement, ne pas casser ou motter dès l’ouverture de l’emballage et être facilement redissous ou remis en suspension. Ces propriétés d’usage sont basées sur la création d’une microstructure qui doit rester stable à travers toute la chaîne de production et de distribution mais pouvoir être détruite lors de l’usage.

Enfin, de nombreuses opérations sont impliquées dans la formation des particules (cristallisation, précipitation, broyage, lyophilisation…) et dans la mise en forme (agglomération, granulation, compression, …) mais le lien entre les propriétés finales du produit et les paramètres du procédé sont difficiles à établir et sont donc l’objet de recherches. Avec les émulsions, Schubert et al [2003] ou Charpentier [2005] identifient le domaine de la technologie des solides comme l’un des sujets d’étude à mener dans l’objectif de l’élaboration de nouveaux

l’optimisation des propriétés physiques et chimiques des particules. Il considère principalement les opérations de cristallisation/précipitation et d’agglomération/granulation et dans une moindre mesure celle d’enrobage et de broyage notamment pour l’obtention des nanoparticules qu’il présente d’ailleurs comme un des sujets d’avenir. Ainsi Hounslow et Reynolds [2006] ont choisi de traiter, d’un point de vue théorique uniquement, le cas de la cristallisation en prenant la distribution de taille comme propriété d’intérêt, mais sans détailler les propriétés d’usage qui seraient liées à la taille, et en déterminant les conditions opératoires d’un cristalliseur discontinu nécessaires pour obtenir la propriété recherchée. Stepanek [2004] présente également un travail de modélisation de granulés et de leur vitesse de dissolution en tant que propriété d’usage en fonction des particules initiales (taille, forme) et du liant (type, quantité). Les résultats permettent d’envisager l’étude inverse de choix des matières à utiliser pour obtenir une vitesse de dissolution fixée. Ces travaux ouvrent donc des perspectives pour le génie des produits dans le domaine des solides divisés mais sans pour l’instant être allé jusqu’à la réalisation expérimentale.

Le développement de stratégies pour le changement d’échelle est également un enjeu car peu d’outils sont disponibles et il est donc souvent fait appel à des itérations expérimentales pour atteindre l’objectif. A titre d’exemple on peut citer le mélange des poudres cosmétiques dont la couleur, à composition constante, est plus intense à petite échelle qu’à grande échelle, et à défaut de pouvoir trouver les conditions opératoires qui permettent d’obtenir la couleur souhaitée lors de la production, il est nécessaire de réaliser des ajustements dans la formule. A propriété d’usage fixé, il est donc indispensable de pouvoir choisir la technologie à mettre en œuvre et de pouvoir prévoir les conditions de fonctionnement. Les travaux de Wibowo et Ng [2001b] vont dans cette direction en établissant des liens entre les procédés et les produits mais l’approche reste essentiellement centrée sur le procédé en proposant par exemple des pistes de diagnostics de mauvais fonctionnement des installations, des nombres adimensionnels caractéristiques. La démarche est plus précise pour le cas particulier des produits pharmaceutiques [Fung et Ng, 2003] mais le manque de modèles quantitatifs conduit à proposer des listes heuristiques.

L’intérêt d’une démarche génie des produits dans le domaine des produits pulvérulents semble indéniable mais le manque d’outils adaptés, de modèles de dimensionnement et la nécessité d’établir des fonctions de propriétés d’usage montrent que le champ d’études est encore largement ouvert.

II.7. Conclusion

Le génie des produits apparaît comme une des évolutions actuelles du génie des procédés. Le manque d’outils conceptuels disponibles ne permet pas vraiment de considérer qu’il s’agit d’un troisième paradigme néanmoins la description quantitative et la maîtrise des fonctions d’usage restent des défis à relever. Cet objectif nécessite de s’intéresser à tous les aspects d’un produit : composition chimique, propriétés thermodynamiques et physicochimiques,

interactions avec le procédé notamment dans la création de microstructures. Cependant la très grande variété de produits concernés implique de les séparer par famille. La notion d’état de la matière (liquide, pâtes ou gels et solide) proposée par Favre et al [2002] semble pertinente car elle n’introduit pas de granularité trop grande dans la définition des familles qui ne sont ainsi pas limitées à un secteur industriel et peuvent devenir le lieu de synergies liées à des problématiques similaires. C’est aussi la démarche suivie lors de la mise en place des enseignements « génie des produits » en troisième année du cursus ingénieur de l’ENSIC qui propose des chapitres thématiques (Annexe 1) qui permettent d’aborder l’ensemble des produits et de travailler sur la notion de propriétés d’usage. Les efforts de recherche à mener se situent désormais à deux niveaux :

• définir quantitativement les fonctions d’usage en tenant compte des aspects chimie et procédés,

• résoudre le problème inverse, c’est-à-dire identifier les ingrédients nécessaires et les procédés à mettre en œuvre pour fabriquer la propriété d’usage souhaitée.