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3. LES RÉPONSES AUX STRESS

3.2. L E STRESS ACIDE

3.2.2. Mécanismes de résistance au stress acide des BL

3.2.2.2. Production de composés alcalins

Un autre moyen de contrôler le pH lors de l’acidification du milieu est de produire des composés alcalins comme l’ammoniac (NH3). Le NH3 contribue à alcaliniser le milieu en

réagissant avec un proton pour former du NH4+. Chez les BL, deux voies enzymatiques

produisant du NH3 sont connues :la voie de l’arginine déiminase et l’uréase.

La voie de l’arginine déiminase

La voie de l’arginine déiminase (ADI) a été identifiée chez de nombreuses BL, elle n’est cependant pas présente chez toutes (Manca de Nadra et al., 1988 ; Cunin et al., 1986). A titre d’exemples, l’ADI est présente chez les lactobacilles hétérofermentaires du vin mais pas chez les lactobacilles homofermentaires issus de ce même milieu (Liu et al., 1995 ; Liu et Pilone, 1998).

Cependant, certains lactobacilles homofermentaires, L. leichmannii par exemple (Hutson et Downing, 1968), ont la capacité de dégrader l’arginine par cette voie.

L’ADI conduit à la dégradation de l’arginine en ammoniac, ornithine et CO2 et est composée

de trois enzymes qui catalysent les réactions enzymatiques suivantes:

Arginine déiminase (ADI) Arginine + H2O  Citrulline + NH3

Ornithine transcarbamylase (OTC) Citrulline + Pi  Ornithine + Carbamyl-Pi

Carbamate kinase (CK) Carbamyl-Pi + ADP + H2O  ATP + NH3 + CO2

L’ornithine produite est transportée hors de la cellule par un antiport Arginine/Ornithine électroneutre (Champomier-Verges et al., 1999). Cette voie de dégradation de l’arginine permet donc non seulement d’augmenter le pH intracellulaire par production de NH3, mais aussi de

produire de l’énergie sous forme d’ATP. Les effets de l’ajout d’arginine dans le milieu de culture ont surtout été étudiés sur la survie en phase stationnaire. La présence d’arginine augmente la survie et le pH de fin de culture de L. sakei notamment en condition d’anaérobiose (Champomier-Verges et al., 1999), de L. sanfranciscensis (De Angelis et al., 2002), de L. buchneri (Mira De Orduna et al., 2001) et de L. reuteri (Rollan et al., 2003).

Le rôle du catabolisme de l’arginine sur la résistance au stress acide et l’ATR a été étudié chez L. lactis (Budin-Verneuil et al., 2004) et chez L. reuteri (Rollan et al., 2003). Chez L. reuteri, la présence d’arginine lors de l’adaptation à l’acidité est indispensable à la mise en place de l’ATR. Chez ce lactobacille, cette voie serait donc une composante essentielle de l’ATR. Ce n’est cependant pas un rôle général de l’ADI. Ainsi chez L. sakei, l’effet bénéfique sur la survie en phase stationnaire n’est pas lié à l’effet pH mais plutôt à l’énergie produite sous forme d’ATP (Champomier-Verges et al., 1999).

La régulation de cette voie a été étudiée chez plusieurs lactobacilles et les résultats divergent selon les espèces. Chez tous les lactobacilles étudiés, l’ADI est induite en présence d’arginine. Cependant, chez certains lactobacilles, elle est aussi soumis à la répression catabolique (L. sakei (Zuniga et al., 1998) ou L. reuteri (Rollan et al., 2003)) alors que pour d’autres, elle échappe à ce contrôle (L. sanfranciscensis (De Angelis et al., 2002), L. plantarum (Spano et al., 2004) ou L. buchneri (Manca de Nadra et al., 1988 ; Mira de Orduna et al., 2001 )). De plus, chez L. sakei, l’ADI est induite en anaérobiose, peut être du fait du contrôle d’un régulateur de type Crp/Fnr indispensable à l’expression des gènes de cette voie (Zuniga et al., 2002).

L’uréase

L’uréase permet la production de NH3 à partir d’urée. Elle a été mise en évidence chez S. thermophilus (Mora et al., 2004, 2005) et L. fermentum (Suzuki et al., 1979) mais a surtout été étudiée chez S. salivarius. L’uréase est une enzyme multimérique nécessitant du nickel pour son activité catalytique. Elle dégrade l’urée ((NH2)2CO) en CO2 et 2NH3. Chez S. salivarius, l’uréase

a deux rôles principaux : elle permet à la bactérie de résister à des pH acides et d’utiliser l’urée comme source d’azote (Chen et al., 2000).

3.2.2.3. Modifications de l’enveloppe cellulaire

L’enveloppe cellulaire constitue l’interface entre l’environnement et le milieu intracellulaire. Elle est le siège des transports et est la plus exposée aux stress extracellulaires. Il n’est donc pas étonnant qu’elle joue un rôle majeur dans l’adaptation aux changements environnementaux.

Chez plusieurs espèces de BL, des modifications de la composition en acides gras de la membrane ont été observés en réponse aux changements du pH externe. Chez S. sanguis, S. gordonii, S. salivarius et L. casei, le rapport entre C18:1 + C20:1 et C14:0 + C16:0 augmente

drastiquement lors de l’acidification du milieu (Fozo et al., 2004a). Chez S. mutans, l’enrichissement de la membrane en acides gras insaturés à longues chaînes C18:1 et C20:1

diminuerait la perméabilité de la membrane aux protons et augmenterait la résistance aux pH acides (Quivey et al., 2000). En présence d’un inhibiteur de la synthèse des acides gras (cérulénine), S. mutans ne développe plus d’ATR malgré une incubation au pH d’adaptation (pH 5) (Fozo et Quivey, 2004b). Ce résultat établit que le changement de composition membranaire aurait un rôle important pour la résistance à l’acidité.

Fozo et coll. (2004c) ont identifié l’enzyme de S. mutans responsable de la désaturation des acides gras, FabM. (analogue de FabA de E. coli). La déficience en FabM augmente la perméabilité membranaire aux protons et rend la souche plus sensible au stress acide (Fozo et al., 2004c).

Chez E. coli, l’enzyme responsable de la formation des acides gras cyclopropaniques (Cfa synthase) est impliquée dans la résistance au stress acide et notamment dans la mise en place de l’adaptation (Chang et Cronan, 1999). Cependant, le phénotype du mutant cfa est surtout visible dans un mutant rpoS (facteur σ de phase stationnaire). Chez Lactococcus lactis, la cfa synthase est fortement induite transcriptionnellement durant l’ATR (Budin-Verneuil et al., 2005a). Cependant, l’implication de la Cfa synthase dans la résistance à l’acidité ou l’ATR n’a pas été démontrée.

Plusieurs autres fonctions impliquées dans le métabolisme de l’enveloppe affectent la résistance à l’acidité de S. mutans.

Le gène dagK est impliqué dans la biogenèse des acides phosphatidiques membranaires. L’inactivation de ce gène rend la souche incapable de croître en dessous de pH 5,5 (Yamashita et al., 1993). DagK pourrait aussi être impliqué dans la transduction de signaux environnementaux.

Ffh fait partie de la machinerie de sécrétion des protéines néosynthétisées appelée particule de reconnaissance du signal (SRP). SRP est constituée d’une protéine chaperon (Ffh) et d’un petit ARN cytoplasmique (Koch et al., 2003b). Chez S. mutans, une mutation du gène ffh induit une sensibilité accrue au stress acide (Gutierrez et al., 1999). Chez ce mutant, en condition d’adaptation, l’activité de la H+-ATPase et l’ATR ne sont plus induites. Une étude plus récente révèle qu’en culture continue à pH 5 l’activité de la H+-ATPase est bien induite chez ffh mais que le niveau d’activité de l’enzyme est très inférieur à celui de la souche sauvage (Crowley et al., 2004). Cette faible activité pourrait s’expliquer par un défaut d’assemblage de l’H+-ATPase dans la membrane. Dans la mesure où une mutation ffh a probablement un effet pléiotrope, d’autres protéines impliquées dans l’ATR pourraient également être affectées.

La paroi est, elle aussi, impliquée dans la résistance à un environnement acide. Chez S. mutans, l’inactivation de dltC codant la protéine D-alanyl-carrier (permettant l’incorporation de D-alanine dans les acides lipotéchoïques associés à la membrane) conduit à des défauts de croissance et à une forte diminution de la tolérance à l’acidité, et notamment à une forte diminution de l’ATR (Boyd et al., 2000a). La modification de la paroi due à l’inactivation de dltC semble augmenter la perméabilité de la cellule aux protons, et ainsi la rendre plus sensible au stress acide, notamment en empêchant la mise en place de l’ATR.

3.2.2.4. Prise en charge des protéines dénaturées

Les protéines chaperons ont un rôle très important dans la cellule. Elles sont nécessaires au bon repliement des protéines néosynthétisées ou dénaturées par un stress et elles limitent les phénomènes d’agrégation protéique (Craig et al., 1993). En 1997, des études chez L. lactis montrent pour la première fois que les protéines chaperons GroES et GroEL ne sont pas seulement induites par un stress thermique mais le sont aussi à pH d’adaptation (pH 5,5) (Hartke et al., 1997). Les études menées chez L. bulgaricus (Lim et al., 2000) montrent que lors de la mise en place de l’ATR, GroES, GroEL et DnaK sont induites. Cependant il semble que

l’induction des protéines chaperons ne soit pas une règle générale. Chez S. mutans (Wilkins et al., 2001) et S. oralis (Wilkins et al., 2002) seul GroEL est induit à pH 5,2. D’autres études chez S. mutans montrent une induction transitoire de GroEL et DnaK lors du passage de pH 7 à pH 5 puis un retour au niveau initial en condition de culture prolongée à pH 5 (Lemos et al., 2001). Cependant, des résultats contradictoires ont été obtenus par Len et coll. qui montrent que DnaK et GroEL sont induits en condition de culture à pH acide contrôlé (pH 5) par rapport à une culture à pH 7 (Len et al., 2004). Chez L. sanfranciscensis, aucune différence d’expression de GroELS et DnaK n’est détectable entre des cultures adaptées (1h à pH 5) et des cultures non adaptées (pH 6,4) (De Angelis et al., 2001). L’induction des protéines chaperons, décrites dans de nombreuses bactéries, n’a cependant pas été démontrée comme nécessaire à la résistance au stress acide ou à l’ATR.

L’étude de la réponse au stress thermique a montré que lorsque les protéines ne peuvent pas être renaturées, elles sont dégradées par les protéases ATP-dépendantes de la famille Clp, ce qui permet de recycler leurs acides aminés. La protéolyse par Clp requière une peptidase de type serine (la sous-unité ClpP) et une sous-unité ATPase régulatrice (Gottesman et al., 1997). Seules, les sous-unités ATPase remplissent un rôle de chaperon protéique, qu’elles n’exercent plus lorsqu’elles interagissent avec ClpP (pour revue : Houry, 2001).Chez L. lactis, clpP est induit lors de l’ATR (Frees et Ingmer, 1999). Chez S. mutans, clpP et clpC sont induits lors de l’ATR et un mutant clpP présente un phénotype pléiotrope : croissance ralentie, formation de longues chaînettes et sensibilité à différents stress dont le stress acide (Lemos et Burne, 2002).

HtrA est une protéase extracellulaire très conservée chez les procaryotes. Elle est impliquée dans le contrôle de la qualité des protéines en dégradant les protéines anormales exportées et dans la maturation des protéines sécrétées (Poquet et al., 2000). Chez S. mutans, un mutant HtrA croît moins bien à pH acide que la souche sauvage mais les bases moléculaires de ce phénotype ne sont pas établies (Diaz-Torres et Russell, 2001).

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