• Aucun résultat trouvé

– A la lumière des différents témoignages d’experts,

– Suite aux inquiétudes que nous avons,

« Aujourd’hui, plus du tiers des cotonniers cultivés plantés sur la planète sont génétique-ment modifiés. Une proportion qui, malgré les protestations des écologistes, s’accroît d’année en année. » L’auteur de ces lignes, Erik Orsen-na, a fait le tour du monde des grandes régions productives de coton pour écrire son Voyage aux pays du coton.

Malheureusement, cela ne lui a pas suffi pour comprendre que les protestations con-tre l’extension rapide des cultures du coton Bt (qui se limite en réalité à quatre pays : Etats-Unis, Argentine, Brésil et Chine) dépassent de loin le seul cercle des écologistes : il inclut la plupart de ceux qui s’intéressent à l’agriculture durable, sujet sur lequel ce livre ne dit rien.

Car l’enjeu des OGM va bien au-delà de savoir si leur culture respecte ou non les

éco-systèmes : la volonté d’étendre rapidement leur culture dans le monde soulève la problématique bien plus large de la souveraineté alimentaire.

L’irruption des plantes transgéniques oblige en effet à se positionner sur la question : la pro-duction agricole doit-elle rester, là où cela est encore le cas, sous le contrôle des paysans, des populations et des autorités locales, nationa-les et/ou régionanationa-les, ou est-on d’accord qu’elle passe – partout dans le monde – sous la coupe de quelques multinationales ?

Naïvement, on pourrait espérer qu’une question aussi décisive pour l’avenir du monde se voit partout offrir d’authentiques plates-for-mes de débat. Hélas, l’idéologie proOGM s’est tout au contraire transformée en un véritable rouleau compresseur qui cherche à écraser toute volonté d’opposition d’où qu’elle vienne.

Elle est menée tambour battant par des insti-tutions phares telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l’Agence des Etats-Unis pour le développement internatio-nal (Usaid) et les quelques multinatiointernatio-nales se-mencières qui produisent des OGM.

Un événement exceptionnel

« En Afrique de l’Ouest, le coton Bt est la porte d’entrée des OGM pour l’Usaid et la Banque mondiale, constate Michel Pimbert.

Leur stratégie est de passer par des accords ré-gionaux, en l’occurrence avec la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Ecowas). Chaque Etat membre est ensuite amené à harmoniser ses lois nationales sur la biosécurité et la propriété intellectuelle. C’est très habile de leur part, car les citoyens ont peu à dire au niveau de la région. »

La mise sur pied à Sikasso d’un forum de discussion sur le coton transgénique et l’avenir du coton au Mali est ainsi un moyen de faire vivre la démocratie qui, partout vantée mais

68

toujours vulnérable, est très vite partout mena-cée dès que, comme c’est le cas avec les OGM, de très gros intérêts fi nanciers sont en jeu.

Grâce à son système de démocratie directe, la Suisse a pu offi cialiser un moratoire sur la culture commerciale de plantes transgéniques de 2005 à 2010. Et un peu partout dans l’Union européenne, des pays et des sous-régions, sou-vent transfrontalières, tentent de faire valoir leur droit à refuser la culture d’OGM.

Mais en France, où la population est en ma-jorité sceptique à l’égard des OGM, ses oppo-sants les plus déterminés en sont réduits, pour se faire entendre, à faucher des parcelles cultivées avec ces plantes. Ils mobilisent ainsi le système judiciaire dans l’espoir de frapper l’opinion pu-blique et de déstabiliser les décideurs.

D’une manière générale, les moyens dé-mocratiques manquent un peu partout dans le monde – en Inde, en Amérique du Sud, en Afrique, en Chine, en Europe – pour que les citoyens puissent affi rmer localement leur op-position à cette forme de culture et proposer des solutions adaptées à leur contexte écologi-que et social.

A la lumière de ce défi cit démocratique gé-néralisé, l’Ecid de Sikasso est un exercice ex-ceptionnel qui a valeur d’exemple. Comment expliquer qu’il ait pu avoir lieu et se soit déroulé dans d’aussi bonnes conditions ?

Liberté d’expression

La situation politique au Mali est propice à son organisation, analyse Michel Pimbert en juillet 2005 dans un rapport rédigé suite à une mission qu’il vient d’effectuer dans ce pays. Il y dresse plusieurs constats qui le convainquent de l’intérêt de mettre sur pied l’Ecid en collabora-tion avec le Ribios et des partenaires maliens.

« La liberté de parole sur les OGM est parti-culièrement remarquable [au Mali] », se réjouit ce spécialiste de l’agriculture durable et des méthodes d’évaluation délibérative des tech-nologies dans ce document. « Un large spectre d’opinions contrastées s’y exprime en public, relève-t-il. Cela refl ète une dynamique plus ouverte et démocratique suite à la révolution de 1991 et à l’adoption de lois de décentralisation au milieu des années 1990. »

« Par rapport à de nombreux pays voisins d’Afrique de l’Ouest, poursuit Michel Pimbert, le Mali jouit d’une bonne liberté de la presse et est bien doté en stations de radio indépen-dantes : plus de 130 radios privées, locales et nationales. »

Ouvrir le débat

L’idée de départ de l’Ecid est de débattre de l’application du protocole de biosécurité qui régule l’utilisation des OGM. Or, observe Michel Pimbert, la demande très forte au Mali

pour une discussion sur le coton Bt ne s’ar-rête pas aux risques pour la santé et l’environ-nement que représente cet OGM, au besoin d’instaurer un système rigoureux de régulation de leur culture ni même à la perte de contrôle des paysans sur leurs semences : de nombreux Maliens réclament qu’on élargisse le cadre de la discussion.

Certains observateurs locaux vont jusqu’à soupçonner que la mise en place d’une légis-lation pour appliquer les règles de biosécurité est plus une étape préalable à l’acceptation des OGM que le refl et d’une authentique volonté de les réguler et de prévenir les risques, note Michel Pimbert. La question de la régulation est pertinente, soutiennent ces observateurs, mais il faut l’insérer dans une réfl exion plus générale sur un développement alternatif au Mali.

D’abord parce que la culture du coton est perçue comme la continuation du modèle co-lonial. De fait, l’Etat français est encore très en-gagé dans le commerce de cette denrée : il pos-sède 40 % des parts de la Compagnie malienne de développement des fi bres textiles (CMDT) et continue de tirer les fi celles de ce marché.

Ensuite parce que la crise du coton s’ag-grave. Selon la Banque mondiale, le cours du coton a chuté de 2,25 euros en 1970 à 1,09 euro en 2001. Tandis que la part du coton d’Afri-que de l’Ouest et centrale dans le volume total

69

69

DOSSIER LaRevueDurable N°8

MINIDOSSIER LaRevueDurable N°22

d’exportation du coton est passée de 4 % en 1980 à environ 12 % en 2005. Les versements de subventions massives aux 20 000 produc-teurs de coton états-uniens, aux producproduc-teurs espagnols, grecs et même chinois menacent ni plus ni moins de ruiner des centaines de mil-liers de petits producteurs maliens et, dans la région, burkinabés, béninois et tchadiens.

Pour tous ceux qui dépendent aujourd’hui de la filière cotonnière en Afrique de l’Ouest, ce contexte difficile invite à dépasser le cadre restreint d’une discussion focalisée sur la seule application du protocole de biosécurité pour réguler les OGM en envisageant d’autres op-tions.

Il en existe plusieurs : miser sur d’autres cultures plus rémunératrices (Ducommun, 2006), réaliser dans le pays une partie de la transformation de la matière brute, organiser un commerce équitable local et son exporta-tion (LaRevue-Durable, 2006).

Un deuxième forum sur les OGM en Afrique de l’Ouest ?

Certes, l’Ecid citoyen sur les OGM n’a qua-siment pas abordé tous ces points, se limitant largement au cas du coton Bt. En comparaison, le Pratajeerpu organisé en 2001 par l’IIED dans l’Andhra Pradesh, en Inde, autre déclinaison locale du jury citoyen, a permis d’envisager l’avenir de l’ensemble du modèle agricole de cet Etat (Pimbert et coll., 2003). Mais à Sikasso, il fallait absolument parler du coton.

Et il faut insister : en permettant à des pay-sans, dont certains analphabètes, d’élaborer et de formuler un avis documenté sur les OGM, l’Ecid de Sikasso a eu un formidable impact symbolique et pratique dans la région. Toute-fois, il ne faut évidemment pas s’attendre à ce que les promoteurs des OGM se laissent dégon-fler par les recommandations d’une poignée de paysans illettrés.

Aussi les chercheurs de l’IIED et du Ribios continuent-ils de promouvoir la participation citoyenne en Afrique de l’Ouest. Le mandat du Ribios inclut l’organisation d’un deuxième fo-rum de débat sur les OGM dans la région. Le Ribios voudrait l’organiser au Burkina Faso.

« La nécessité d’ouvrir un débat avec les producteurs est d’autant plus urgente au Bur-kina Faso que la décision d’autoriser la culture commerciale du coton Bt est imminente », juge Barbara Bordogna.

Il sera toutefois très difficile d’y trouver un terreau aussi fertile qu’au Mali. « Au Burkina Faso, il y a un déficit démocratique. Ce pays est le maillon faible en Afrique de l’Ouest. Mon-santo y est déjà présent avec son coton Bt et il n’y a pas de partenaires potentiels comme au Mali. La situation est donc beaucoup plus difficile et une réflexion collective est nécessaire pour définir une approche adaptée », estime Michel Pimbert.

Barry Boukari partage cet avis. « On ne peut pas généraliser à partir de Sikasso. La situation politique n’est pas favorable au Burkina Faso et il serait extrêmement difficile d’y réussir la même chose qu’au Mali », continue-t-il.

Le consultant malien verrait bien un deu-xième forum au Mali, qui explorerait l’un des aspects du premier forum. « On pourrait, par exemple, réfléchir à la question : comment con-crétiser la volonté de travailler sur les semences locales ? »

Une telle réflexion permettrait de sortir du carcan des OGM et de s’interroger sur les conditions nécessaires pour créer les filières ad hoc. En attendant, le Gouvernement malien est pris en étau : à la pression internationale proOGM qu’il subit s’oppose celle, endogène et désormais légitimée par l’Ecid, en faveur d’une

alternative fondée sur d’autres semences, loca-les et bio de préférence.

Quoi qu’il en soit, continuer d’affirmer, comme Erik Orsenna et tant d’autres com-mentateurs mal informés, que ceux qui s’op-posent aux OGM sont les seuls « écologistes » ne correspond décidément pas à la réalité.

C’est la majorité de la population, a fortiori lorsqu’elle est directement concernée et bien informée, qui s’oppose aux OGM : quelle que soit la méthode, à chaque fois qu’on consulte la population, elle refuse ces plantes.

En vérité, l’Ecid confirme une fois de plus, cette fois en Afrique de l’Ouest, que les promo-teurs des OGM ne sont pas des démocrates. g Pour ces enfants, la crise du coton paraît encore lointaine

bIbLIO gRA PhIe

Ducommun G. Les agriculteurs du Burkina Faso pourraient nourrir leur pays, LaRevue Durable (20) : 39-41, avril-mai-juin 2006.

LaRevueDurable. Au Pérou et au Mexique, la consommation équitable débarque sur les marchés locaux, LaRevueDurable (20) : 36-37, avril-mai-juin 2006.

Orsenna E. Voyage aux pays du coton, Fayard, Paris, 2006.

Pimbert M. Des petits paysans et des mar-ginaux ruraux s’expriment sur l’agriculture et les OGM, LaRevueDurable (6) : 34-39, juillet-août-septembre 2003.

70

Ecid

Je paie francs suisses euros pour abonnement(s)

Par virement bancaire pour la Suisse :

C.C. CERIN Sàrl, No 25 01 088.753-01, à la Banque Cantonale de Fribourg ; CCP de la BCF 17-49-3 Par virement bancaire pour la France et la Belgique : C.C. CERIN Sàrl, BNP Paribas d’Annemasse - RIB 30004 00683 00010071962 93 - IBAN FR76 3000 4006 8300 0100 7196 293 - BIC : BNPAFRPPANC Par carte Eurocard/Master Card ou Visa

No de la carte

Date d’expiration Signature du titulaire

Par chèque bancaire (uniquement pour la France) libellé à l’ordre de CERIN Sàrl Je souhaite recevoir une facture

Bulletin à renvoyer par la poste : CERIN Sàrl, rue de Lausanne 91, 1700 Fribourg, Suisse

par fax : + 41 (0)26 321 37 12 par tél. : + 41 (0)26 321 37 10 par courriel : helene.gaillard@larevuedurable.com ou à remplir sur : www.larevuedurable.com

Madame Monsieur Société

Nom Prénom

Profession ou domaine d’activité Adresse

Code postal Ville Pays

Date et signature

 l’actualité internationale

Documents relatifs