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LaRevueDurable BRISER UN CERCLE VICIEUX : RÉDUIRE LES DÉCHETS. DOSSIER Réduire les déchets

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REncOntRE teRRy Shinn :

comprendre la recherche scientifi que pour

mieux l’orienter

La Revue Durable LaRevueDurable

savoirs • sociétés • écologie • politiques publiques

iSSn 1660-3192 chF : 15.– : 9.–

nuMÉRO 22 • OcTObRe - nOvembRe 2006 • bImesTRIeL

BRISER UN CERCLE VICIEUX : RÉDUIRE LES DÉCHETS

cOup DE pROjEctEuR

en matière d’écologie, l’Église réformée d’Angleterre avance

pERSpEctIvE

Evaluer les entreprises avec des critères

écologiques et sociaux fondamentaux

MInIDOSSIER

Les paysans maliens rejettent le coton génétiquement modifi é

DOSSIER

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2

L’ e a u c ’ e s t l a v i e .

Une porte ouverte sur le monde.

Helvetas est une organisation de coopération privée, apolitique et non-confessionnelle. Avec des partenaires locaux, elle s’engage pour améliorer les conditions de vie en milieu rural dans 22 pays comptant parmi les plus pauvres en Asie, en Afrique et en Amérique. Les besoins de base, tels que l’eau potable, une alimentation suffisante et des possibilités de revenus sont ses priorités. En Suisse, Helvetas s’engage aussi pour un développement solidaire, notamment en encourageant le commerce équitable. Favoriser des relations commerciales justes avec des pays en développement et informer le public sur la problématique Nord-Sud est au cœur de son action. Plus d’information sur www.helvetas.ch

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ÉDITORIAL par Susana Jourdan et Jacques Mirenowicz

Ne pas se laisser intimider

Bruxelles-Capitale qui organise de façon systématique la prévention des déchets à la maison, à l’école et au bureau. Quelques entreprises qui font avan- cer la cause de l’écoconception avec désormais l’appui de la Commission euro- péenne. Des Etats, des régions ou des collectivités publiques qui instaurent la redevance incitative pour stimuler le tri, la récupération et le recyclage des déchets en obtenant à chaque fois des résultats probants.

Les exemples de bonnes pratiques sont légion dans le domaine des déchets comme dans biens d’autres (voir le dossier sur les déchets, page 15). Toutefois, le fait que LaRevueDurable trouve toujours de multiples bonnes pratiques à mettre en avant ne doit pas faire illusion : beaucoup trop peu est fait pour les systématiser et les favoriser alors que les marges de manœuvre sont souvent immenses.

Par exemple, rien ou presque n’est fait pour mettre un frein aux dérives par- ticulièrement choquantes qui découlent de la surproduction dans le domaine alimentaire (voir l’article page 30). Alors que le « système » en place ne répartit pas équitablement les richesses, les poubelles débordent d’aliments souvent non déballés. Et l’on s’aperçoit avec consternation que la puissance publique, les élus et les élites dirigeantes s’accommodent de cette situation inacceptable et immorale.

Les éthiciens ? « Nous sommes des mercenaires », admet l’un d’eux. « Nous travaillons sur les sujets pour lesquels il y a de l’argent » (voir l’article page 57). Et de l’argent, beaucoup d’argent, il y en a en ce moment dans tous les laboratoires, bureaux d’étude et départements de sciences humaines qui sont d’accord de tra- vailler sur les nanosciences. La Fondation européenne de la science, notamment, accorde des budgets gigantesques dans ce secteur.

Les nanosciences sont peut-être plus encore en train de révolutionner l’orga- nisation de la recherche en physique et dans les sciences de la vie que les con- naissances elles-mêmes (voir l’interview de Terry Shinn, page 9). A quelles fins ? Créer une nouvelle prospérité ? Peut-être, oui, mais aussi perpétuer le système en place !

Néanmoins, les individus et les institutions qui ne se laissent pas intimider et n’ont pas peur d’ébranler ce système sont aussi nombreux. LaRevueDurable s’est également donné pour mission de repérer et de mettre en avant leurs initiatives.

C’est ainsi que trois partenaires de l’investissement éthique – une fondation d’investissement, une banque et une agence de notation sociale et environnemen- tale – proposent une vision très avancée de la finance « durable » (voir la mise en perspective, page 59).

C’est ainsi qu’en janvier 2006, au Mali, une forme de jury citoyen appelée

« Espace citoyen d’interpellation démocratique » a permis à des paysans de s’in- former et de discuter des organismes génétiquement modifiés (OGM) en relation avec l’avenir de l’agriculture du pays d’une façon remarquablement constructive (voir le minidossier, page 65).

C’est ainsi aussi que l’Eglise anglicane fait preuve d’une réjouissante clair- voyance en incitant ses fidèles à « Réduire l’empreinte » de leurs activités sur la biosphère (voir le coup de projecteur, page 7).

Une publication de CERIN Sàrl

Rue de Lausanne 91, 1700 Fribourg, Suisse Tél. : + 41 26 321 37 10 ; fax : + 41 26 321 37 12 www.larevuedurable.com

Rédacteurs responsables : Susana Jourdan et Jacques Mirenowicz Mise en page, iconographie et maquette de couverture : Jean-Christophe Froidevaux Illustrations : Tom Tirabosco

Correction : Anne Perrenoud

Ont également participé à ce numéro : Ingrid Merckx, Florence Quille et Stéphanie Valentin

Abonnements, marketing et publicité : Hélène Gaillard ; tél. : + 41 26 321 37 11 Abonnements : Julie Dogny

Tirage : 12 000 exemplaires

Maquette : Nicolas Peter et Marc Dubois Impression : Atar Roto Presse SA, Genève Papier : 50 % recyclé, blanchi sans chlore Avec le soutien de la Banque Franck, Galland & Cie SA et de l’association Les amis de LaRevueDurable

ÉDITORIAL

Ce numéro a reçu le soutien financier de la Ville de Genève, que nous remercions très vivement.

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(4)

La Fondation pour une Terre Humaine subventionne les projets associatifs de défense de l’environnement visant à changer les comportements individuels.

Nous nous intéressons notamment à l’agriculture respec- tueuse de l’environnement, à la prévention des risques liés aux pollutions qu’elles soient d’origine chimi- que, génétique, électromagnétique ou nucléaire, à la défense des animaux, aux matériaux écologiques, aux énergies renouvelables…

Les projets sont examinés par le conseil de fondation, qui se réunit trois fois pas an, en mars, en juillet et en novembre.

FINANCEZ VOTRE PROJET ASSOCIATIF

DE DEFENSE DE L’ENVIRONNEMENT

FONDATION POUR UNE TERRE HUMAINE

www.terrehumaine.org

infos@terrehumaine.org

15 route de Fribourg, CH-1723 Marly 2 tél : + 41 26 435 33 70

fax : + 41 26 435 33 71

C

M

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CM

MJ

CJ

CMJ

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FTH-Quadri.pdf 12.12.2005 20:32:42

Sa mission

a

promouvoir la profession d’ingénieur écologue et plus gé- néralement le professionnalisme en environnement

a

favoriser la prise en compte des lois de l’écologie dans l’aménagement du territoire et la gestion des milieux naturels

Pour tout renseignement : www.afie.net - info@afie.net - 06 33 57 13 04 Vous êtes de formation scientifique en biologie, titulaire d’un diplôme Bac+5 en écologie/environnement, vous travaillez ou recherchez un emploi dans l’ingénierie écologique, la gestion et l’aménagement de l’environnement dans les secteurs privé, public ou associatif...

Fondée sur un code de déontologie unique dans cette branche d’activités, l’AFIE constitue un réseau d’entraide et d’échange entre professionnels de l’écologie appliquée visant à valoriser nos missions et nos méthodes au niveau local et national.

Partagez vos expériences et vos questions au sein de notre réseau en consultant sur notre site web, les objectifs de l’AFIE et les modalités d’adhésion :

L’Association Française des Ingénieurs Ecologues

Un réseau francophone de pr ofessionnels de l’écologie appliquée au servic e de l’aménagement

du territoire depuis plus de 25 ans

www.afie.net

• genève

LIbRAIRIe Du bOuLevARD

Rue de Carouge 34 1205 Genève

Au mAgAs’

Carl-Vogt 7, 1205 Genève

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Rue des Grottes 9 1201 Genève

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mAgAsIn Du mOnDe

Rue de la Gare 9 1110 Morges

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UNIL - BFSH2 1015 Lausanne

LIbRAIRIe bAsTA

Rue du Petit-Rocher 4 1003 Lausanne

PLAnèTe nATuRe WWF

Rue du Valentin 15 1004 Lausanne

mAgAsIn Du mOnDe

Place de la Riponne 5 1005 Lausanne

LIbRAIRIe LA FOnTAIne

EPFL – Centre midi 1015 Lausanne-EPFL

TOPInAmbOuR

Rue Fraisse 9 1006 Lausanne

Les sŒuRs bOA

Rue Enning 1 1003 Lausanne

Les yeux FeRTILes

Place de l’Europe 9 1003 Lausanne

• nyOn

mAgAsIn LA FOnTAIne

Chemin de la Fontaine 2 1260 Nyon

• ROLLe TOuRnesOL

Grand-Rue 31 1180 Rolle

• vevey esPAce LIvRe

Rue du Simplon 16 1800 Vevey

mAgAsIn Du mOnDe

Rue du conseil 20 1800 Vevey

• mOnTReux DIÉTÉTIque

SONIA MARCHIONNO

Avenue des Alpes 25 1820 Montreux

• yveRDOn

LIbRAIRIe FAhRenheIT 451

Rue du Lac 14 1400 Yverdon

• neuchÂTeL mAgAsIn Du mOnDe

Rue de l’Hôpital 10 2000 Neuchâtel

cÉRès « AuTRemenT »

Place des Halles 5 2000 Neuchâtel

• LA chAux-De-FOnDs LIbRAIRIe LA mÉRIDIenne

Rue du Marché 6 2302 La Chaux-de-Fonds

• mOnTÉZILLOn L’AubIeR

Les Murailles 5 2037 Montézillon

• DeLÉMONT mAgAsIn Du mOnDe

Rue de la Préfecture 9 2800 Delémont

• FRIbOuRg LIbRAIRIe

ALbeRT-Le-gRAnD

Rue du Temple 1 1700 Fribourg

LARevueDuRAbLe

Cerin S.à r.l., Rue de Lausanne 91 1700 Fribourg

• buLLe

gAIA ALImenTATIOn bIOLOgIque

Rue Tissot 2 1630 Bulle

• sIOn

mAgAsIn Du mOnDe

Rue de la Porte-Neuve 14 1950 Sion

Le veRgeR sOLAIRe

Place du Midi 39 1950 Sion

• sIeRRe

mAgAsIn DIÉTÉTIque PUIPPE

Rue du Bourg 4 3960 Sierre

• mARTIgny

LIbRAIRIe D’OcTODuRe

Avenue de la Gare 31 1920 Martigny

• beRne sTAuFFAcheR LF

Neuengasse 25-37 3011 Berne Où trouver LaRevueDurable en Suisse romande

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SOMMAIRE

7 En matière d’écologie, l’Église réformée d’Angleterre avance

LRD

41 Recycler le béton

pour épargner le gravier

DAVID ROCHAT, SUREN ERKMAN ET DANIEL CHAMBAZ

46

L’agglomération lilloise produira du biogaz carburant à partir de ses déchets ménagers

LRD

24 L’écoconception ou l’art de créer des produits moins nocifs

LRD 3 ÉDITORIAL

6 bRèves sur le climat et l’énergie 7 COUP DE PROJECTEUR

En matière d’écologie,

l’Église réformée d’Angleterre avance 8 bRèves générales

9 RENCONTRE

TERRY SHINN : Comprendre la recherche scientifique pour mieux l’orienter DOSSIER

bRIseR un ceRcLe vIcIeux : RÉDuIRe Les DÉcheTs 15 Éditorial et sommaire du dossier 16 Indicateurs

19 Le meilleur déchet est celui qui n’existe pas 20 Dix ans d’expérience de politique de prévention

des déchets à Bruxelles

24 L’écoconception ou l’art de créer des produits moins nocifs

28 Dix conseils pour faire maigrir sa poubelle 30 Ça se jette pas, ça se mange

33 Inciter au tri par tous les moyens 36 Une taxe pour sauver le recyclage

du textile en France

39 Les gares et les trains allemands sont sur les rails du tri des déchets 41 Recycler le béton pour épargner le gravier 44 Cuisines, lavabos, portes et fenêtres

vous attendent à la brocante

46 L’agglomération lilloise produira du biogaz carburant à partir de ses déchets ménagers 49 Le compostage dans tous ses états

50 En France, l’opposition à l’incinération se nourrit du très faible taux de recyclage 53 Guide

57 Freiner le gâchis alimentaire nécessite un authentique sursaut éthique

58 AgenDA 59 PERSPECTIVE

Évaluer les entreprises avec des critères écologiques et sociaux fondamentaux

LRD

64 CORRESPONDANCE 65 MINIDOSSIER

Lors d’un jury citoyen, les paysans maliens rejettent le coton génétiquement modifié LRD

30 Ça se jette pas,

ça se mange

LRD

59 Évaluer les entre-

prises avec des critères écologiques et sociaux

fondamentaux

LRD

Luba Nel /dreamstime

65

Lors d’un jury citoyen, les paysans maliens rejettent

le coton génétiquement modifié

LRD

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bRèVES LaRevueDurable N°22

La Royal Society s’en prend à ExxonMobil

C’est sans doute une première. Début septembre, la Royal Society a envoyé une lettre à ExxonMobil pour lui demander quand il cessera de fi nancer des organisations qui donnent de fausses informations sur la science du changement climatique.

Adressée à Esso, branche britannique d’ExxonMo- bil, cette lettre indique qu’ExxonMobil a distribué, en 2005, 2,9 millions de dollars à 39 institutions qui ne font pas justice aux acquis scientifi ques sur le change- ment climatique.

http://environment.guardian.co.uk/climatechange Voir aussi : www.exxonsecrets.org

Croire au changement climatique, mais y croire vraiment

Sur un nouveau site internet1, George Monbiot estime que le problème n’est plus les gens assez « stu- pides » pour persister à nier la réalité du changement climatique induit par l’activité humaine (aujourd’hui très minoritaires), mais ceux qui prétendent y croire sans être prêts à changer d’un iota leur façon de vivre.

Pour éviter une augmentation de 2° C de la tem- pérature moyenne à la surface du globe, un rapport récent du Centre Tyndall pour la recherche sur le changement climatique commandé par les Amis de la Terre Royaume-Uni et la Banque coopérative britan- nique conclut que le Royaume-Uni doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 90 % d’ici 2050.

Cet objectif est politiquement correct, mais insuf- fi sant, juge George Monbiot, qui sort un livre sur le sujet2. Si l’on veut vraiment stopper le changement climatique, soutient-il, il faut atteindre 90 % de réduction d’ici 2030.

1) www.turnuptheheat.org

2) Heat: How to Stop the Planet Burning, Allen Lane.

Le salut passe par la taxe

Sur le même sujet, en Fran ce, Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean ne se font aucune illusion : le seul moyen de freiner de façon signifi cative les émis- sions de dioxyde de carbone (CO2) et, conjointement, de faire face à la pénurie d’éner-

gies fossiles qui s’amorce est de passer par le porte- feuille de tous les Français.

Le plein s’il vous plaît est un fl amboyant plai- doyer pour une taxe progressive et volontaire sur les énergies fossiles. C’est le seul moyen de prendre les mesures nécessaires pour éviter le chaos climatique et énergétique, estiment les deux auteurs qui, en ces temps électoraux, appellent à voter – comme eux –

« pour le premier candidat qui proposera d’augmen- ter progressivement et indéfi niment la fi scalité sur les énergies fossiles ! »

Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean.

Le plein s’il vous plaît ! La solution au problème de l’énergie, Seuil, Paris, 2006.

Le permafrost largue son méthane

Les nouvelles de Sibérie sont mauvaises. Chaque été, lorsque le permafrost fond, les tourbières se trans- forment en lacs et larguent des bulles de méthane, gaz à effet de serre vingt fois plus puissant que le CO2.

Le mécanisme est connu, mais son ampleur incer- taine. Dans la revue Nature du 7 septembre, des cher- cheurs russes et états-uniens montrent que, au nord de la Sibérie, ces fl ux de méthane sont cinq fois plus importants que prévu.

Ces émissions restent minimes comparées à cel- les de l’agriculture. Le phénomène est tout de même inquiétant, car il atteste qu’un emballement est à l’œuvre : le réchauffement climatique fait fondre le permafrost, ce qui entraîne un rejet de méthane… qui accélère le réchauffement, etc.

Les fabricants automobiles devant la justice californienne

Le ministre de la Justice de l’Etat de Californie Bill Lockyer a déposé une plainte contre DaimlerChrysler, Ford, General Motors, Honda, Toyota et Nissan pour avoir mis sur le marché des véhicules dont les émis- sions de gaz à effet de serre ont causé des milliards de dollars de dommages.

En 2004, la Californie a voté une loi obligeant les constructeurs automobiles à diminuer les émissions de CO2 de leurs véhicules. Mais les fabricants blo- quent son application devant la justice. Selon toute vraisemblance, la plainte de l’Etat de Californie sert

à faire pression pour que l’industrie automobile se soumette à cette loi.

Cette action en justice arrive un mois après que la Californie ait adopté la première loi états-unienne sur le changement climatique, qui prévoit de réduire les émissions de CO2 de 25 % avant 2020.

L’Espagne cherche où mettre ses déchets radioactifs

L’Espagne ne sait pas où stocker ses déchets nucléaires. Chacune des sept centrales, qui fournissent 23 % de l’électricité du pays, stocke ses déchets indi- viduellement. Or, ce système ne suffi ra bientôt plus.

Le pays doit gérer les déchets issus du démantèlement d’une vieille centrale près de Madrid, arrêtée fi n avril après trente-huit ans de service. Et il doit rapatrier les déchets envoyés en France après l’incendie du réacteur Vandellòs I en 1989.

Malgré les 700 millions d’euros d’investissements à la clef, aucune commune n’est candidate pour accueillir ces déchets. Et les écologistes s’opposent à toute instal- lation de stockage tant que le gouvernement ne s’en- gagera pas sur un calendrier de sortie du nucléaire.

Dans ce contexte délicat, le Gouvernement espagnol a annoncé, en septembre, que le permis d’exploitation d’une autre vieille centrale, cette fois près de Burgos, ne serait pas renouvelé au-delà de son échéance en 2009.

Est-ce là le signe d’une volonté de sortir du nucléaire ou juste une tentative pour amadouer les écologistes ?

Une fi gure de l’écologie nous quitte

Cofondatrice du parti des Verts en 1984, Solange Fernex nous a quittés mardi 12 septembre à l’âge de 72 ans. Née le 14 avril 1934 à Strasbourg, secrétaire trilingue et traductrice, mère de quatre enfants, elle fait partie de cette génération d’écologistes pacifi stes et tiers-mondistes.

Chrétienne protestante, Solange Fernex s’inspi- rait des idées et des pratiques de Gandhi et de son disciple Lanza del Vasto pour s’opposer au nucléaire, utilisant notamment le jeûne pour obtenir gain de cause. Toujours aussi déterminée, elle présidait l’as- sociation Enfants de Tchernobyl Bélarus1.

1 Voir : Solange et Michel Fernex. Dix-sept ans après Tcher - nobyl : la recherche de la vérité doit prévaloir sur le dogme, LaRevueDurable (6) : 64-66, juillet-août-septembre 2003.

Le salut passe par la taxe

façon signifi cative les émis- sions de dioxyde de carbone

) et, conjointement, de faire face à la pénurie d’éner-

Ford, General Motors, Honda, Toyota et Nissan pour avoir mis sur le marché des véhicules dont les émis- sions de gaz à effet de serre ont causé des milliards de dollars de dommages.

constructeurs automobiles à diminuer les émissions de CO

quent son application devant la justice. Selon toute vraisemblance, la plainte de l’Etat de Californie sert

Brèves sur le climat et l’énergie

Sergey anatolievich Pristyazhnyuk / dreamstime.com

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En matière d’écologie,

l’Eglise réformée d’Angleterre avance

Lors du lancement de la campagne « Réduire l’empreinte »

1

, l’évêque angli- can de Londres Richard Chartres a dit sa conception de la responsabilité des chrétiens face au défi de l’écologie. Il a aussi interpellé l’Eglise catholi- que – qui a bien besoin d’être secoué en la matière – pour qu’elle se saisisse enfin du sujet.

L’évêque de Londres Richard Chartres n’y va pas par quatre chemins : prendre l’avion pour aller en vacances ou conduire une voiture inutilement grosse est un symptôme du péché.

Voilà qui a de quoi surprendre. Et l’on peut être certain que, de l’autre côté de la Manche, jamais l’archevêque de Paris Jean-Marie Lusti- gier n’a fait passer un tel message pendant ses vingt-quatre années d’homélies prononcées à la cathédrale Notre-Dame de Paris.

La preuve : comme cadeau d’adieu lors de sa dernière messe, en février 2005, à peine quelques jours après l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto, ses amis lui ont offert, au nom du diocèse de Paris, l’un des plus effi- caces moyens de polluer la planète. Un droit illimité à voyager en avion pendant deux ans aux quatre coins du monde. Autant dire un formidable droit à polluer en toute impunité et à associer au pire exemple possible d’insou- ciance écologique la bénédiction du ciel.

« Vous m’envoyez promener, si je com- prends bien ! », a réagi avec humour un Jean- Marie Lustigier aux anges, suscitant l’hilarité générale et les applaudissements des 3000 per- sonnes venues lui dire au revoir... et lui souhai- ter bon voyage.

L’affaire est bien connue : dans les grandes lignes, les catholiques se fichent éperdument de l’écologie alors que les protestants y sont sensibles. Mais jamais sans doute sur ce thème l’Eglise réformée d’Angleterre n’avait autant fait preuve de volontarisme ni l’un de ses émi- nents représentants interpellé avec une telle vigueur les autres communautés chrétiennes.

A l’office en covoiturage

Richard Chartres, que le nom prédestinait à s’intéresser de près, sinon à l’écologie, du

moins aux catholiques, a exprimé sa concep- tion chrétienne du défi de l’écologie lors du lancement de la campagne « Réduire l’em- preinte » de l’Eglise d’Angleterre.

C’était le 5 juin, Jour de la Terre. L’évêque de Londres, qui a pris la tête de la campagne et préside le panel des évêques d’Angleterre sur l’environnement, a saisi l’occasion pour livrer sa vision du péché : « Le péché n’est pas juste une liste restreinte de fautes morales.

C’est mener une vie tournée vers soi-même qui conduit à ignorer les conséquences de ses actions. »

Pour lever le voile d’ignorance qui masque aux chrétiens les conséquences écologiques de leurs actes, « Réduire l’empreinte » inclut des audits dans les diocèses et les paroisses pour évaluer leurs émissions de carbone. Ils sont notamment invités à vérifier que leur chau- dière n’a pas plus de quinze ans, que leurs lumières ne sont pas laissées allumées pour rien et qu’un plan de covoiturage permet aux paroissiens d’aller assister aux services.

Cette campagne demande également à chacun de mesurer la quantité d’énergie qu’il consomme dans sa vie quotidienne. Pour preuve de son propre engagement, l’Eglise

d’Angleterre promet de diminuer ses émis- sions de carbone de 40 % par rapport à leur niveau actuel d’ici 2050.

Mais l’évêque ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il a aussi vigoureusement interpellé l’Eglise catholique. Rappelant que 2006 mar- que les vingt ans de la réunion des dirigeants des principales religions à Assise, en Italie, alors invités par le pape Jean-Paul II pour sa- voir comment collaborer avec les mouvements de protection de la nature, Richard Chartres a vivement regretté que l’Eglise catholique n’ait rien prévu pour célébrer cette occasion.

L’évêque de Londres implore l’Eglise catho- lique – un cinquième de la population mon- diale – de se faire plus entendre sur l’environ- nement. Le Vatican devrait être une puissante force motivante, estime-t-il : « Seul l’évêque de Rome a l’influence de convoquer les gens partout dans le monde sur cet enjeu. » Références byzantines

Prédécesseur de Benoît XVI, Jean-Paul II ne cessait de fustiger la « culture de mort » qui règne dans les démocraties dont les parle- ments autorisent l’avortement. D’une manière générale, la question des mœurs est au cœur des préoccupations et du discours des hauts dignitaires de l’Eglise catholique. En revanche, celle de savoir quels comportements adopter face à la donne écologique en général et au changement climatique en particulier ne les fait pas bouger.

En vérité, si rien ne vient changer les com- portements dispendieux en énergie, ce ne seront pas quelques milliers d’embryons qui seront concernés par la déstabilisation du cli- mat, ou quelques milliers de personnes âgées laissées à elles-mêmes le temps d’une canicule passagère, mais des millions de personnes, dont des adultes dans la force de l’âge.

Mais pendant que Benoît XVI part d’une citation byzantine pour apporter au monde ses lumières sur l’islam, le « droit » illimité de Jean-Marie Lustigier à fréquenter les anges du ciel reste valable jusqu’en février 2007. g

www.shrinkingthefootprint.cofe.anglican.org

Paul Preacher

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bRèVES LaRevueDurable N°22

Brèves générales

Une alternative heureuse au PIB

Pour être heureux, inutile de mettre la planète à sac. C’est ce que montre l’Index de la planète heureuse de la New Economics Foundation, qui souhaite voir cet indicateur rivaliser avec le sacro-saint PIB. Selon ce nouvel indicateur, Vanuatu, archipel du Pacifique, est le pays qui présente le meilleur équilibre entre le niveau de vie de la population et son empreinte écologique : ses habitants consomment de façon très raisonnable, ont une bonne espérance de vie et sont satisfaits de leur sort.

Arrivent ensuite la Colombie, le Costa Rica et d’autres pays d’Amérique centrale. Le Burundi, le Swaziland et le Zimbabwe ferment la marche. Le pre- mier pays européen est Malte, au 40e rang. La Suisse est 65e, la Belgique 78e, la France 129e. Tous les pays du G8 pointent en queue de peloton : le Royaume- Uni est 108e, les Etats-Unis 150e et la Russie 172e.

Pour calculer l’Index de la planète heureuse, la New Economics Foundation a, pour chaque pays, multiplié l’espérance de vie par le degré de satisfaction de la population divisé par l’empreinte écologique du pays.

Les données sur le degré de satisfaction de la popula- tion proviennent en grande partie du World Database of Happiness. A l’Université Erasmus de Rotterdam, aux Pays-Bas, ce centre collecte les résultats de sonda- ges d’opinion dans une centaine de pays.

Avec cette démarche, la New Economics Foun- dation pose deux questions fondamentales sur les sociétés : rendent-elles les gens plus heureux et à quel prix pour la planète ?

www.neweconomics.org

« Ja » au péage urbain

De janvier à juillet, les habitants de Stockholm se sont acquittés d’une taxe pour accéder au centre- ville. Prise à titre expérimental, la mesure s’est révélée très efficace : la circulation a chuté de 20 à 25 %, soit le double du résultat attendu. En parallèle, la ville a fortement amélioré les prestations du métro et des bus. Convaincus, les habitants de la capitale suédoise ont accepté à 53 %, le 17 septembre, d’introduire définitivement le péage urbain. C’est un retourne- ment spectaculaire de l’opinion : au début de l’expé- rience, 72 % étaient contre.

Après Londres, Rome et désormais Stockholm, Copenhague est le prochain candidat européen à

l’instauration d’un péage urbain. En Suisse, la Ville de Berne a créé un groupe de travail qui donnera un avis dans six mois.

Le cauchemar d’Hubert Sauper

Reporters sans frontières soutient le journaliste Richard Mgamba, auteur d’articles sur le trafic d’ar- mes en Afrique, qui a dû quitter Mwanza de toute urgence début août, lors d’une manifestation contre Le cauchemar de Darwin, film dans lequel il témoi- gne. Les autorités du pays cherchent à déchoir Richard Mgamba de sa nationalité tanzanienne et à l’expulser de Tanzanie.

Réalisateur du Cauchemar de Darwin, Hubert Sauper dénonce une campagne d’intimidation du Gouvernement tanzanien à l’encontre de personnes qui ont témoigné dans son documentaire. Un autre témoin du film, le veilleur de nuit Raphaël Tukiko,

« est menacé d’arrestation et de prison », a affirmé Hubert Sauper à l’Agence France Presse.

L’image négative que donne le film du commerce de la perche du Nil dans le lac Victoria et l’impact qu’il pourrait avoir sur les affaires du pays provo- quent le courroux des autorités tanzaniennes, du président en particulier.

www.rsf.org

Le cauchemar du purin d’orties

Tous les samedis et dimanches matins, Alain Baraton, jardinier en chef du château de Versailles, répond aux auditeurs de France Inter. Cet été, il annonce à l’antenne que, bientôt, il ne pourra plus donner la recette du purin d’orties ni dire que l’eau chaude est un bon désherbant pour les allées. A par- tir du 1er juillet, un décret interdit de fournir, par quelque moyen que ce soit, les recettes de produits naturels non homologués, sous peine de deux ans de prison et 75 000 euros d’amende.

Canular ? Non : les services de la Répression des fraudes et de la protection des végétaux ne rigolent pas avec la loi. Le 31 août, ils ont inspecté le domicile d’Eric Petiot, paysagiste, formateur et coauteur de Purin d’orties et compagnie. Il lui est désormais inter- dit d’enseigner ses recettes et de ramasser des plantes sauvages lors de ses stages de formation.

France Nature Environnement, la Frapna, les Verts et tout ce que le pays compte d’associations

écologistes dénoncent une décision inepte. En signe de désobéissance civile ou civique, la recette du purin d’orties n’a jamais autant circulé sur le Net.

www.kokopelli.asso.fr

Bonne bouffe

La librairie-café Les Recyclables, à Genève, est le premier établissement romand à arborer le label Goût Mieux. Il distingue les restaurants qui cuisinent en majorité avec des produits biologiques ou particuliè- rement respectueux de l’environnement. Puisque Les Recyclables sont un restaurant sans fumée, le plaisir de manger de bons produits en sort renforcé.

www.recyclables.ch

Guide de la presse alternative

Le Guide des médias alternatifs et des sources d’in- formations différentes est paru. Plus de 600 contacts de médias alternatifs francophones noircissent 368 pages en format poche. Ce document unique, non subventionné et sans publicité, a besoin d’écouler rapidement un maximum d’exemplaires.

www.guidaltern.org

Les Agendas 21 en ligne

Grâce à l’Association 4D, plus de 120 fiches d’ex- périences sur des Agendas 21 et des pratiques territo- riales de développement durable de différents types de collectivités (conseils régionaux, conseils départe- mentaux, communes, intercommunalités, pays, parcs naturels régionaux) sont désormais en ligne.

www.dd-pratiques.org

Noël approche

Profiter des préparatifs de Noël pour sensibili- ser. C’est le but du Calendrier de l’Avent. D’un clic de souris, l’internaute ouvre chaque jour une petite fenêtre sur une réalité du monde en lien avec la dura- bilité : climat, désertification, microcrédit, etc. Une initiative du consultant Gammarus et de l’Associa- tion suisse pour l’intégration de l’écologie dans la gestion d’entreprise.

www.online-adventskalender.ch

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Comprendre la recherche scientifi que pour mieux l’orienter

* Terry Shinn est chercheur au Groupe d’étude des méthodes de l’analyse socio- logique (Gemas) au Centre national de la recherche scientifi que, à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, à Paris, en France.

pour mieux l’orienter

La prise en compte de l’écologie est défi citaire dans la recherche scientifi que. Pour mieux faire, il faudrait que les citoyens préoccupés par l’état de la planète entrent en contact avec les milieux de la recherche. Il leur faut donc pouvoir compter sur

des scientifi ques et des responsables de politique de la recherche ouverts, intéressés, motivés par un tel dialogue.

En 2006, les conditions pour que cette rencontre ait lieu ne sont pas réunies. Pourquoi ? Sans doute en partie parce que les repré- sentations sur le statut des scientifi ques dans la société et l’orga- nisation idéale de la recherche ne sont pas les bonnes. Une vaste majorité de la population – médias en tête – continuent à tort à accorder un statut quasi divin aux chercheurs. En revanche, les technocrates qui s’occupent de politique de la recherche n’ont trop souvent qu’une idée : faire des scientifi ques les valets d’un système économique qui les obligerait à renier leur culture.

Sociologue, Terry Shinn étudie le fonctionnement de la recher- che. Aussi est-il utile de remonter un peu dans le temps avec lui et d’évoquer les controverses sociologiques qui secouent le monde des sciences depuis vingt-cinq ans

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. A l’heure où les nanoscien- ces déferlent dans les laboratoires, il est dommage que ces que- relles paraissent lointaines à la majorité des citoyens. Elles sont en vérité cruciales pour l’avenir.

religion, de la philosophie, de la littérature. Depuis le XVIIIe et, plus encore, le XIXe siècle, les connais-

sances scientifi ques bousculent la religion et la philosophie, de même que le quotidien des hom-

mes. Les sciences ont des effets symboliques, ins- titutionnels et matériels majeurs sur les sociétés.

Les comprendre est de la plus haute importance.

LRD : Et pourquoi les scientifi ques soutiennent-ils avec insis- tance que leur activité se distingue radicalement de toutes les autres formes d’activités ?

TS : La volonté des scientifi ques de créer un espace qui sépare les sciences des autres formes d’activités date du XVIIe siè- cle, au moment de la création des académies des sciences. En Angleterre, en France et dans les Etats allemands, la commu- nauté scientifi que veut différencier les explications du monde qui dépendent de l’observation systématique réalisée avec des protocoles validés de celles qui sont liées à des considérations métaphysiques et théologiques. En un mot, pour que la science fonctionne en tant que science, il lui faut défi nir des règles du jeu claires. Construites à travers les siècles, ces règles im- pliquent la mise en place d’une distance entre les praticiens autorisés de la science et les autres, les « profanes ».

Autonomie et supériorité

LRD : En quoi cette distance sert-elle les intérêts des praticiens de la science ?

TS : Elle leur procure un espace sécurisé, dans lequel ils peuvent développer leurs idées, leurs travaux et leurs laboratoires à l’abri des infl uences extérieures. Cet espace protégé leur permet d’éla- borer un mode de travail particulier, la rationalité scientifi que.

Bien entendu, ils en retirent aussi une position de très grande visibilité et d’autorité : qui est souvent consulté comme expert incontestable lorsqu’un débat traverse la société ?

LRD : Des scientifi ques !

TS : Bien entendu ! Et en France, quelles sont les écoles reines ? L’Ecole polytechnique et la section scientifi que de l’Ecole nor- male supérieure. Et les disciplines reines ? Les mathématiques et la physique. La position des institutions scientifi ques dans la hié- rarchie sociale est incontestée dans tous les pays occidentaux.

LRD : A partir des années 1940, des sociologues vont forte- ment renforcer cette hiérarchie.

TS : Cette première vague de sociologie des sciences met en valeur la recherche fondamentale. Son message central, c’est l’autono- mie de la science donnée comme quasi absolue. Ces sociologues différencient nettement, par exemple, les sciences de l’ingénierie.

LaRevueDurable : Pourquoi est-il si important de comprendre ce qu’est l’activité scientifi que et comment elle fonctionne ? Terry Shinn : Cela est tout à fait essentiel parce que la science est la pierre angulaire de la culture contemporaine depuis deux siècles, sinon trois. Auparavant, la culture tourne autour de la

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Ils voient les choses ainsi : la recherche fondamentale alimente la culture au sens le plus noble de l’esprit humain et, en même temps, constitue le socle qui permet tout progrès matériel néces- saire au bien-être de la population. Compte tenu de ce double bénéfi ce, il faut accorder la plus grande autonomie à la recherche sachant que l’on peut faire confi ance que, de leur propre gré, les scientifi ques s’investiront aussi dans des aspects pratiques et matériels pour le progrès de leurs concitoyens.

LRD : Bien sûr, en 2006, cette vision idéale du statut, de la place et du rôle de la recherche fondamentale règne toujours dans les laboratoires.

TS : Il y a en effet une prédisposition à continuer ainsi. Le dis- cours des seniors reste celui de Perrin et Langevin. Mais la gé- nération des chercheurs qui ont de 25 à 40 ans tient en parallèle un second discours. Minoritaire, moins fort, ce second discours demande aux chercheurs de réagir aux signaux de la société.

LRD : Mais en France comme en Suisse, l’envie de prêter l’oreille aux attentes de la société est quasi absente des laboratoires.

TS : Ce courant est certes très atténué et subtil. Mais en tant qu’historien et sociologue, je suis très sensible aux fl échisse- ments par rapport aux décennies antérieures. Et celui-là me semble historiquement important.

Au service du massacre

LRD : L’une des origines de ce fl échissement, c’est l’émer- gence, dans les années 1980, d’une sociologie des sciences en rupture complète avec celle qui l’a précédée.

TS : En effet, cette nouvelle perspective sociologique n’admet pas qu’il existe la moindre différence entre la science et les autres formes d’activité : politique, commerce, religion, etc.

Selon elle, les scientifi ques discourent sur leurs différences par protectionnisme corporatiste. Les tenants de cette sociologie, que l’on peut qualifi er d’« antidifférenciationniste », refusent l’idée qu’un mode de travail intellectuel et des règles de logi- que distinguent l’activité scientifi que. La seule différence est la prétention à cette différence. Et en plus de mettre en cause le statut organisationnel privilégié de la science, ils rejettent la thèse que la pensée scientifi que serait plus vraie que toute autre forme de pensée.

LRD : Comment expliquer l’apparition soudaine de ce courant ? TS : En partie à cause de la participation des sciences au mas- sacre de plus d’un million de Vietnamiens. La science se met aussi à être épinglée pour les problèmes écologiques liés à l’agriculture qui tue la nature. Et pour sa participation à une vie urbaine pas toujours des plus saines. La science, qui sert en partie des intérêts loin d’être nobles, est ainsi responsable de nombreux morts dans la société.

Il y a la science pure d’un côté et, de l’autre, des formes de con- naissances plus pratiques, où des liens se tissent entre connais- sances, compétences techniques, expertise et société.

LRD : Comment cette distinction, qui renforce le statut de su- périorité des sciences, infl uence-t-elle la politique de la re- cherche ?

TS : Une politique de la recherche véritablement structurée, délibérée et fi nancée commence après la Seconde Guerre mon- diale (même si des efforts sont accomplis avant, par exemple avec la création, en France, du Centre national de la recherche scientifi que (CNRS) en 1939). De 1945 aux années 1980, cette politique se fonde sur l’idée que la recherche fondamentale offre à toutes les autres sphères de la société les ressources pour le progrès. Sur la base du clivage entre science et non-science, la thèse est que la recherche fondamentale occupe une position exceptionnelle, qu’elle est souveraine : elle restera une priorité indépendamment de tout autre thème concurrent, de tout autre but, même en cas de diffi culté aigue.

LRD : C’est ce qu’on appelle le modèle linéaire.

TS : Explicitement introduit aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale, ce modèle repose sur le postulat que la tech-

nologie, l’innovation et l’économie découlent de la recherche fondamentale en amont. Il est à peine exa- géré de dire qu’on pense alors qu’aucune autre source ne peut induire une innovation. Jean Perrin et Paul Langevin sont les pères fondateurs de la politique de la recherche française pendant l’entre-deux-guerres.

Terry Shinn ou la sérénité

Face aux discours triomphalistes et aux critiques outrancières sur la recherche, Terry Shinn reste de mar- bre. Il n’en pense pas moins. Mais rien ne semble pou- voir éroder son calme. Rien non plus ne semble pouvoir arrêter son entrain à se mettre à la tâche devant son appareil à traduire en braille les textes qu’il reçoit sur son ordinateur.

Les textes sur papier, il les fait scanner pour les entrer sur son ordinateur qui les transmet à sa machine à traduire.

Réciproquement, cet appareil lui permet d’écrire ses textes qui sont transmis sur son ordinateur. Dès qu’une diffi culté se pré- sente, il y a toujours un collègue pour l’aider.

Son regret : la perte de Jenny, son berger allemand qui le guidait dans les rues de Paris ou d’ailleurs. Morte voilà deux ans, elle n’a pas encore de successeur. « Une fois qu’on a fait la démarche, la liste d’attente pour un chien d’aveugle dressé est d’un an », déplore Terry Shinn.

LRD arrêter son entrain à se mettre à la tâche devant son appareil

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uuu LRD : Mais cette critique est conventionnelle : les analyses des

sociologues des sciences sont très différentes.

TS : Oui, mais ils sont sensibles à cet arrière-fond. Cette socio- logie émerge dans un contexte de vives critiques. On commence aussi à accorder du crédit aux points de vue et croyances de groupes sociaux spécifi ques, les féministes et les Noirs améri- cains, par exemple, ou les Africains et les habitants du Pacifi que- Sud : leurs connaissances et leurs prises de position reposent sur des arguments intéressants qui ne doivent rien à la scien- ce moderne. Leurs formes de rationalité sont souvent très ri- goureuses et coïncident avec des observations qui le sont tout autant. Et si ces formes de culture sont si intéressantes, cela veut dire que leurs croyances méritent la plus grande attention.

Au moins autant que la croyance occidentale dans la science !

D’où la question : la croyance occidentale dans la science est-elle vraiment plus solide que les croyances des autres cultures ? Ces sociologues lient ainsi les énoncés, les pratiques et les croyances scientifi ques aux spécifi cités de la culture occidentale qui les a vu naître. Ils font en outre remarquer que la psychologie et la parapsychologie ont beaucoup en commun, de même que l’as- tronomie et l’astrologie.

LRD : Dans cette nouvelle sociologie des sciences, il y a une ten- dance relativiste, radicale, il y a aussi une tendance non relati- viste, nuancée.

TS : C’est vrai : le courant antidifférenciationniste est hétéro- gène. Il comprend de nombreux sous-courants plus ou moins radicaux et relativistes.

Né aux Etats-Unis, aveugle dès l’âge de 11 ans, Terry Shinn débute son parcours de chercheur dans les années 1970, par un doc- torat en histoire à l’Université d’Indiana, à Bloomington. Comme beaucoup de ses compatriotes à cette époque, la politique de son pays le rattrape : la guerre du Viêt- Nam le rebute, « de même que l’opinion publique très favorable à ce massacre ».

Il traverse donc l’Atlantique et trouve, en France, l’expérience syndicaliste et poli- tique « très instructive et stimulante ».

Il rejoint des groupes antiguerre qui accueillent des déserteurs et des person- nes qui, témoignant contre la guerre, tran- sitent par l’Europe ou s’y établissent.

Sur le plan académique, il choisit l’Ecole polytechnique comme objet d’étude, et quel- ques autres grandes écoles scientifi ques et techniques. Après plusieurs séjours en tant que professeur invité dans diverses univer- sités états-uniennes, encouragé par des col- lègues, il postule au CNRS, où il est reçu. Le voilà donc pour de bon installé en France.

A partir de la sociologie de l’enseignement scientifi que et technique, Terry Shinn s’in- téresse « aux relations entre les conditions matérielles, administratives et intellec- tuelles de l’accroissement des connaissan- ces. Travailler sur l’évolution de certaines disciplines et dans les laboratoires m’a mis sur deux orientations », explique-t-il.

La première, ce sont les rapports entre recherche universitaire et vie économi- que. La seconde concerne le rôle de cer- tains instruments scientifiques dans le désenclavement des disciplines et de la science en général. « J’ai utilisé des tra- jectoires d’instruments pour étudier les coordinations entre différents groupes de recherche, entre différentes disciplines et entre la science et l’industrie, la métrolo- gie, l’armée, etc. », résume-t-il.

Aujourd’hui, à travers les nanosciences et les nanotechnologies, Terry Shinn pour- suit son analyse de la problématique de l’innovation.

LRD

Une bifurcation due à la guerre du Viêt-Nam

L’obsession nano

Pour les nanotechnologies, « l’argent pleut ! », remarque Terry Shin. « Pour avoir de l’argent, il faut faire des nano- sciences, que ce soit en chimie, en physi- que, en instrumentation ou, du côté des sciences humaines, en philosophie, en histoire ou en sociologie.

Financée par la fondation Volkswagen, son équipe – nombreuse – au Groupe d’étude des méthodes de l’analyse socio- logique (Gemas) profi te de cette situation

essentiellement pour chercher la réponse à cette question : les nanosciences sont- elles vraiment en train de métamorpho- ser la pratique scientifi que ou s’agit-il juste d’une étiquette de plus ?

La question est d’importance, car, souli- gne Terry Shinn, « il est presque explicite qu’un des projets derrière la promotion des nanosciences est l’effondrement des disciplines. Or, il me semble que cet effondrement sans remplacement par

quelque chose d’autre de structurant est dangereux, parce que c’est dans un cadre organisé qu’on acquiert les compétences.

Changer tout ? Mais pour mettre quoi à la place ? Quelque chose d’aussi effi - cace intellectuellement ? Je connais des décideurs au CNRS et au Ministère de la recherche. Et je ne suis pas très sûr qu’ils sachent très bien quelles seront les retombées de ce qu’ils sont en train de faire », relève encore Terry Shinn. LRD

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RENCONTRE LaRevueDurable N°22

LRD : Quoi qu’il en soit, dans sa globalité, ce courant ébranle tellement les scientifiques que le résultat est une véritable

« guerre des sciences » et un psychodrame autour de la figure du physicien Alan Sokal.

TS : Dans les années 1990, de plus en plus de scientifiques enten- dent parler des thèses qui critiquent la position privilégiée de la science et la légitimité de sa méthode. Un malaise se développe.

Professeur de physique à l’Université de New York, Alan Sokal attaque violemment le bien-fondé de la sociologie qui soutient ces thèses. Son propos atteint la grande presse. Mais le débat qui s’ensuit n’aboutit pas à une élucidation intéressante et rationnelle des positions des deux camps. Son principal effet est d’alerter de plus en plus de scientifiques sur l’existence d’une perception sinon hostile, du moins sceptique de leurs travaux. Résultat, les scientifiques s’aliènent de la réflexion sociologique sur la place de la science dans la société. Ce qui est très dommage, car les anti- différenciationnistes proposent une critique très intéressante de l’isolement relatif des scientifiques dans la cité.

Les technocrates entrent en scène

LRD : Avant d’aborder ce point, il faut relever un nouvel élé- ment qui s’ajoute à ce panorama, c’est l’apparition, dans les années 1990, d’un nouveau front sociologique beaucoup plus dangereux encore pour l’autonomie des scientifiques, car celui- là passe par les cordons de la bourse !

TS : En effet, ce second front antidifférenciationniste est celui qui réduit la science aux finalités de très court terme.

LRD : Pratiquement, on peut dire au business.

TS : Pour l’observateur que je suis – et on ne connaît pas la fin de l’histoire –, ce qui se passe de ce point de vue en physique est fascinant. Dans les années 1970, le CNRS crée des sections de recherche appelées physique pour l’ingénieur. Ceux qui y tra- vaillent signent avec l’industrie des contrats de collaboration, d’expertise, de consultation, etc. Dans les années 1980-90, ces contrats se multiplient par huit ou neuf. Mais peu de cher- cheurs s’y investissent. Seul un sous-groupe de chercheurs est ainsi largement relié aux intérêts entrepreneuriaux.

Or, depuis cinq ans, on assiste à une réorganisation du finan- cement de la recherche par grands projets et laboratoires. De ce fait, moins de thèmes sont disponibles aux petits groupes et aux chercheurs individuels pour acquérir des ressources.

Et le grand thème, aujourd’hui, ce sont les nanosciences. Sur 10 000 chercheurs dans les sciences physiques et les sciences de la vie, en France, presque 4000 y travaillent. Une proportion immense.

Ce faisant, c’est un certain type de recherche qui est financé, car les nanosciences ne sont pas qu’un ordre de grandeur : elles sont aussi un mode de travail. La division traditionnelle entre théorie et expérimentation semble y exister à un moin- dre degré ou autrement. A travers la pression de l’argent et l’étiquette nanosciences, on est donc en train de réorganiser la communication entre les chercheurs et leur façon d’étudier les problèmes.

LRD : Ceux qui sont sensibles à leur liberté se sentent-ils me- nacés par cette évolution ?

TS : Absolument. Mais il y a une très grande polarisation des postures des chercheurs face à cette évolution.

LRD : Cette évolution est-elle dangereuse pour la liberté des chercheurs ?

TS : Il est trop tôt pour le dire. Nous sommes encore en pleine investigation. Cependant, depuis quinze ans, nombre d’anti- différenciationnistes annoncent avec joie que les nanosciences vont profondément remodeler le paysage scientifique. Pour eux, c’est un véhicule de rapprochement entre sciences et société.

LRD : Ces antidifférenciationnistes-là, vous les qualifiez de

« technocratiques »2.

TS : Exactement. Leurs énoncés n’étant accompagnés d’aucune étude documentée, cela fait des années que des collègues se demandent s’il faut les prendre au sérieux. Mais depuis peu, de nombreux philosophes, sociologues et économistes qui se penchent sur les nanosciences pensent vraiment y discerner un projet antidifférenciationniste technocratique de très grande

« Cela fait vingt-cinq ans qu’un projet est à l’œuvre pour rapprocher les citoyens des sciences, note Terry Shinn. Les nanosciences sont maintenant utilisées comme vecteur de ce rapprochement. Mais on les présente au grand public comme une source de richesse et de produits. C’est excessif : peu de pro- duits peuvent sérieusement être appelés

nanoproduits, et très peu d’usines sont impliquées dans une telle production. Sur le plan économique, tout cela reste à voir.

» Comme jadis le génome, continue Terry Shinn, les nanosciences sont présentées comme le nouveau Graal. On voit les effets d’annonces se succéder les uns après les

autres. En fait, la biotechnologie a eu beau- coup plus d’impact que le génome : elle a vraiment transformé les sciences de la vie.

Elle a profondément réorganisé les moda- lités de financement de la recherche. Les nanosciences feront-elles de même pour la physique ? C’est toute la question. » LRD

Les nanosciences, nouveau Graal ?

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Changer tout ? Mais pour mettre quoi

à la place ?

envergure, dont l’objectif est bien de transformer la physiono- mie de la science.

L’écologie éclairée

LRD : Dans ce décor général, votre approche « transversalis - te » se situe à mi-chemin entre la vision de la science héritée du XVIIe siècle et celle, beaucoup plus récente, qui refuse toute autonomie à la science. Pouvez-vous décrire cette approche ?

TS : La sociologie transversaliste considère que la science est autonome, mais de façon non absolue. Certains scientifiques restent à distance des applications, d’autres parti- cipent directement aux activités de la cité.

Certaines disciplines sont plus autonomes, d’autres le sont moins. Cette reconnaissance de

l’autonomie relative de la science permet à la sociologie trans- versaliste d’étudier la circulation des connaissances. N’étant pas isolées, les disciplines communiquent entre elles et avec des intérêts extérieurs tels que la technologie, le commerce, la santé ou l’avenir de la planète. Mieux, pour être effi cace dans un monde toujours plus complexe, les scientifi ques doivent multiplier ces contacts. Il leur faut donc maintenir des formes d’autonomie et, en même temps, devenir aptes à communi- quer avec d’autres groupes et intérêts. La perspective trans- versaliste met en valeur ces structures de coordination qui se déploient dans le monde de la recherche.

LRD : Comment cela se concrétise-t-il dans le domaine de l’en- vironnement ?

TS : Un bon exemple est la manière dont le débat sur le réchauf- fement climatique a récemment évolué3. Depuis les années 1990, ce débat mobilise toutes sortes de disciplines : paléonto- logie, géophysique, anthropologie, histoire, chimie, physique, météorologie, métrologie, etc. Toutes ont fourni des éléments attestant l’existence d’un réchauffement de l’atmosphère à un niveau géologiquement très signifi catif. Mais des données sé- rieuses semblaient aussi montrer l’absence de réchauffement sur l’ensemble de la troposphère (de 0 à 10 000 mètres en- viron). La question restait donc ouverte. Or, la preuve d’un réchauffement de la troposphère est venue grâce à la coordi- nation transversale entre des physiciens, des météorologues et des métrologues. Ensemble, ils ont pu déceler que les calculs se faisaient systématiquement avec une constante erronée. Cet épisode confi rme tout l’intérêt qu’il y a à inviter des chercheurs de différentes disciplines à communiquer entre eux tout en préservant leurs connaissances et leurs expertises propres.

LRD : Avec cet exemple, on reste dans le cercle scientifi que.

TS : On en sort, en revanche, dans le cas de la hausse de la

température à l’ouest de l’Amérique du Nord. En Colombie- Britannique, au Canada, et dans les Etats de Washington et de l’Oregon, aux Etats-Unis, des pêcheurs ont observé une montée de la température et un changement de la qualité des eaux. Alertés, des scientifi ques ont constaté que les hausses de température de l’eau réchauffent les berges des rivières et des lacs qui, du coup, relâchent des composés chimiques. En réa- gissant dans l’eau avec les végétaux, ces composés réchauffent l’eau encore un peu plus. Or, cette spirale de réchauffement

était totalement inconnue.

En Sibérie, le dégel du permafrost, qui semble également fonctionner selon une spirale autoen- tretenue, a été identifi é dans des circonstances très comparables : des ramasseurs de tourbe, des bûcherons, des chasseurs et des trappeurs ont attiré l’attention des autorités et des chercheurs – météorologues, biologistes, instrumentalistes, pédologues, physiciens – sur une transformation des conditions physiques locales. Des chercheurs sont entrés en contact avec ces con- naisseurs du terrain et ont mis leurs instruments, modèles et raisonnements à contribution.

LRD : Pouvez-vous préciser, sur la base de ces exemples, en quoi l’approche transversaliste apporte un éclairage qui fait défaut à toutes les autres que nous avons envisagées ? TS : La perspective différenciationniste ne laisse pas de place pour ces types d’échanges. Pour chaque discipline, les scientifi - ques posent les problèmes, les résolvent et sont récompensés en circuit fermé : le système scientifi que est une série de mondes clos. A contrario, dans la perspective antidifférenciationniste, ils perdent toute légitimité et compétence particulière. Tout est une question de pouvoir et d’infl uence. Dans la bouche de certains sociologues, c’est le plus fort qui a raison. Ces exem- ples tirés du domaine de l’environnement montrent bien tout l’intérêt qu’il y a à ce que les scientifi ques gardent les compé- tences propres à leur discipline tout en dialoguant avec des chercheurs d’autres disciplines et avec les populations de non- chercheurs. g

1 Shinn T, Ragouet P. Controverses sur la science. Pour une sociologie transversaliste de l’activité scientifi que, Raison d’agir éditions, Paris, 2005.

2 Nowotny H, Scott P, Gibbons M. Repenser la science, Belin, Paris, 2003.

Voir aussi Etzkowitz H, Leydesdorff L. Universities and the Global Knowledge Economy:

A « Triple Helix » of University-Industry-Government Relations, Londres, Cassel Academic, 1997.

3 Karl T R, Hassol S J, Miller C D, Murray William L (Eds). Temperature Trends in the Lower Atmosphere: Steps for Understanding and Reconciling Differences, Climate Change Science Program and the Subcommittee on Global Change Research, Washington (DC), 2006. Voir aussi : Mears C A, Wentz F J. The Effect of Diurnal Correction on Satellite-Derived Lower Troposphere Temperature, Science, 309, 1548-1551, 2005.

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