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De producteur de réfugiés à pays d'immigration et d'asile (1996 à aujourd'hui)

La problématique des réfugiés africains des Grands Lacs et de la Corne de l'Afrique au Mozambique a commencé à gagner de la visibilité à partir de 1992, avec la fin de la guerre civile, et s'étend jusqu'à aujourd'hui. La particularité du Mozambique dans ce processus réside, d'un côté, dans le fait d'avoir une proximité avec l'Afrique du Sud qui, dans l'ère post-apartheid, a constitué le principal pôle migratoire régional et, d'un autre côté, par le fait que les réfugiés reçus proviennent de régions qui ne sont pas limitrophes du pays. Cette augmentation constante du nombre de réfugiés, d'année en année, a contribué à ce que le Mozambique se transforme de pays producteur de réfugiés en pays d'immigration et d'asile.

Plusieurs facteurs ont contribué à cette transformations, parmi lesquels la question du travail migrant et le développement d'activités illégales autour des richesses minières et de la faune, dans la région nord du Mozambique et la province de Nampula en particulier, ce sujet étant abordé par Cremildo Abreu54 et Gonçalves Patricio55. De leurs travaux ressort que le phénomène en question est associé, d'un côté, au retour de la stabilité politique dans le pays, ce qui favorise le choix du territoire mozambicain comme pays de transit, comme nouvelle destination migratoire mais, d'un autre côté, il est associé également à des facteurs tenant à la nature organisationnelle de l’État

54 Cremildo Abreu «Human security in refugee movements: the case of Southern Africa», Doctoral

Dissertation, The graduate school of International Cultural Studies Tohoku University, 2014

55 Gonçalves Patricio «A migração internacional e o processo de desenvolvimento na região norte de

Moçambique: estudo de caso da província de Nampula», Doutoramento, Estudos de Desenvolvimento, Universidade de Lisboa, 2015

26 mozambicain lui-même, incapable d'imposer sa présence efficace dans toute l'étendue du territoire national et de parvenir à assurer un contrôle efficace des flux migratoires clandestins comme du développement des activités illégales citées ci-dessus.

Un second facteur à souligner dans la transformation du Mozambique en pays d'immigration et d'asile est la situation générale des pays d'origine des réfugiés qui demandent l'asile au Mozambique, notamment (i) le conflit au Burundi en 1993, (ii) le génocide au Rwanda en 1994, (iii) la guerre en République Démocratique du Congo (RDC) entre 1993 et 1997, (iv) dans la Corne de l'Afrique les guerres qui culminent avec l'indépendance de l'Erythrée en 1991, le séparatisme du Somaliland en 1991, le renversement du gouvernement de Siyaad Barré en Somalie et l'émergence du pouvoir des « seigneurs de guerre », ainsi que les épidémies cycliques et les calamités naturelles, en particulier la sécheresse.

Une des conséquences de ces mobilités systématiques est le surpeuplement des camps de réfugiés dans des pays traditionnellement hôtes, parmi lesquels la Tanzanie, voisin du Mozambique, qui pour faire face à cette réalité, s'est engagée dans le rapatriement et la réinstallation de réfugiés, ce qui a contribué à la reprise des parcours migratoires, à la recherche de nouvelles formes d'installation et d'assistance.

En ce sens, on trouve les travaux de Vitor Maganda Macamo56 et de Ernesto Manuel Saete Mulungo57, qui présentent divers exemples de réfugiés qui ont eu l'expérience de passages dans différents camps dans les pays voisins avant de parvenir au Mozambique, mais qui montrent aussi qu'autour des réfugiés se rassemble un contingent énorme d'immigrants « clandestins » et/ou « illégaux » qui sont à l'origine du concept de « migrations mixtes » développé par le HCR et l'OIM.

Le développement de ce « nouveau » phénomène migratoire rend la différenciation de ces personnes toujours plus difficile et la question de l'asile toujours

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Vitor Maganda Macamo «A questão do refugiado: um estudo de caso de refugiados região dos Grandes Lagos na Cidade de Maputo, Moçambique», Faculdade de Letras e Ciências Sociais, Departamento de

Arqueologia e Antropologia Universidade Eduardo Mondlane, Maputo, 2006.

57 Ernesto Manuel Saete Mulungo «Momentos liminares: um estudo sobre a (re)construção das identidades

dos imigrantes oriundos dos Grandes Lagos no bairro Zona Verde», Faculdade de Letras e Ciências

27 plus problématique. Ce fait a mené à l'adoption d'une nouvelle posture relativement à la nécessité de protéger les réfugiés et immigrants en Afrique australe. C'est à propos de ce concept de « migrations mixtes » qu'a eu lieu à Dar-Es-Salaam, en septembre 2010, une conférence régionale sur « la protection des réfugiés et la migration internationale : les mouvements mixtes et la migration irrégulière des sous-régions de l’Est et de la Corne de l’Afrique, et de la région des Grands lacs vers l’Afrique australe », dans la perspective d'une réflexion conjointe entre les différents Etats de la région et ces organisations internationales afin de trouver une nouvelle voie de gestion des flux migratoires dans le cadre plus large du respect des droits humains.

Un troisième facteur à prendre en compte est l'impact de la nouvelle politique d'immigration sud-africaine, une politique d'expulsion d'étrangers, adoptées à partir des années 1990, lorsque le Mozambique était principalement un passage obligatoire pour parvenir dans ce pays voisin. Pour contrôler les entrées de migrants, les autorités sud- africaines ont opté pour le rapatriement «volontaire» des réfugiés, pour des détentions, des expulsions des «clandestins» et une hostilité et une xénophobie quasi généralisées à l'égard des étrangers, majoritairement d'origine africaine, avec un impact particulier pour les Mozambicains58.

Enfin, en ce qui concerne la production législative, la période allant de 1996 à aujourd'hui est caractérisée par l'adoption d'une nouvelle Constitution de la République en 2004 qui, du point de vue de la problématique des réfugiés et de l'asile, reprend globalement les textes constitutionnels précédents. Les autres éléments marquants sont la réglementation de la loi 5/93, à travers le décret 38/2006, révoqué ultérieurement par le 108/2014, maintenant pour l'essentiel le contenu du décret précédent; la réglementation 21/91, à travers le décret 33/2007; la création du Service national de Migration-SENAMI, à travers la loi 4/2014, qui a attribué à cette nouvelle structure de la gestion des migrations une nature paramilitaire.

58 La question du regard hostile à l'égard des étrangers dans le territoire sud-africain a retenu l'attention et a

été beaucoup étudiée par divers chercheurs, parmi lesquels Aurélia Wa kabwe – Segatti (1999, 2002, 2003, 2004, 2008), Lloyd Hill (2003), Dominique Vidal (2008, 2009, 2012, 2014), Gabriel Tati (2008), Pierre- Paul Dika (2009), Alain Morice (2009), Elise Palomares & Catherine Quminal (2012).

28 L'appartition de discours critiques de l'immigration étrangère, l'associant au développement de pratiques criminelles comme la dilapidation de ressources naturelles, le trafic de pierres précieuses, le trafic et le blanchiment d'argent, le trafic de drogues, d'êtres humains, le rapt et l'assassinat de personnes albinos a obligé les autorités mozambicaines à renforcer le contrôle des frontières, de la présence d'étrangers sur le territoire national, à créer une nouvelle structure paramilitaire pour faire face à cette nouvelle réalité dans le pays. Pour ces raisons, l'immigration étrangère a aujourd'hui, de manière générale, une image et un sens moins positifs. De ce point de vue, les questions de sécurité se superposent à la logique protectionniste d'accès au droit d'asile.

Chapitre 4. Traverser la frontière et arriver à Nampula : La « secundarização » de