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En rappel, la procuration générale est un document que l’usager-ère a l’obligation de signer pour pouvoir demander l’aide sociale (cf. Cadre conceptuel, chap. 1.2, annexe 1). Cette procuration permet à l’AS en CMS d’interpeller de multiples collaborateurs afin d’établir les droits des usagers-ères aux prestations de l’aide sociale. Un recours a été déposé contre l’utilisation de cette procuration, rejeté par le tribunal fédéral (ATF 138 I 331). Mais que pensent les AS valaisans-nes de cette procuration et quelle est la réaction des usagers-ères ?

5.1. La procuration générale vue par les AS

De manière générale, la procuration est utile, voire essentielle pour les AS : « dans le cadre d’un CMS, on fait tellement de démarches dans tous les domaines que si chaque fois je devais faire une procuration pour l’AI, l’ORP, pour la caisse maladie, je passerais ma journée à faire des procurations. » Sans elle, l’AS ne pourrait pas réaliser son travail.

Pourtant, les AS s’accordent à dire qu’elle est trop vaste et qu’elle donne trop de pouvoir à l’AS. Il faudrait que la procuration soit plus ciblée. Mais, comme l’explique un-e AS, la quantité de travail qu’ils/elles ont au quotidien ne facilite pas cette personnalisation : « C’est vrai que peut-être il faudrait… Mais on a déjà tellement de boulot. Mais je me dis peut-être que oui, il faudrait la personnaliser à chaque fois cette procuration en disant : ‘ dans votre situation, moi j’ai besoin de cette procuration pour entreprendre telle ou telle démarche. ‘ Parce que c’est vrai que l’on peut demander n’importe quoi à n’importe qui avec ce papier. » Selon la décision du tribunal fédéral, l’AS ne peut pas disposer de cette procuration comme bon lui semble. Il en va de sa responsabilité de l’utiliser qu’en dernier recours et de manière proportionnée pour atteindre le but visé (ATF 138 I 331). Un-e des AS interrogés-es n’approuve pas l’utilisation de cette procuration générale. Il/elle dit qu’à la place de l’usager-ère, il/elle refuserait de la signer : il/elle ne voit pas pourquoi il/elle permettrait quelqu’un d’avoir le pouvoir de connaître autant sur sa vie. Il/elle trouve cette procuration incorrecte.

Les AS ont trouvé une manière de palier à la largesse de cette procuration. Ils/elles l’utilisent particulièrement pour les démarches administratives comme la demande d’une facture originale ou une copie de la police d’assurance. Dès qu’il y a une démarche plus spécifique à réaliser et qui pourrait porter des conséquences plus importantes à l’usagers-ères, comme interpeller un employeur par exemple, l’AS demande l’autorisation aux usagers-ères pour le faire, ce qui est conforme à la décision du tribunal fédéral (ATF 138 I 331).

La procuration générale est jugée par les AS utile mais vaste. Certains-es AS trouvent trop important le pouvoir qu’elle leur confère. Il est vrai que l’arrêt du tribunal fédéral (ATF 138 I 331) leur donne effectivement un important pouvoir : il revient de leur responsabilité d’utiliser la procuration de manière proportionnée et en dernier recours. L’un-e des AS rejoint le point de vue des recourants de Berne qui est que cette procuration est trop intrusive

dans la sphère intime des usagers-ères. Par contre, l’arrêt du tribunal fédéral n’empêche pas les AS de spécifier cette procuration de cas en cas. Mais même si elle est jugée trop vaste, il serait difficile dans la pratique de l’adapter à chaque personne car les AS manque de temps pour le faire dans leur travail quotidien. N’y aurait-il pas un moyen de spécifier cette procuration sans qu’il y ait des conséquences trop lourdes pour les AS ? Les CMS ne pourraient pas préparer diverses procurations pouvant être plus facilement adaptées à chaque cas ?

5.2. La procuration générale vue par les

usagers-ères

Selon la majorité des AS, les usagers-ères réagissent bien face à la procuration générale et la signent volontiers. Un-e AS a expliqué qu’il/elle a rencontré des difficultés une fois en huit ans avec un-e usager-ère qui a déchiré la procuration. L’important est d’être clair avec les gens, notamment en leur expliquant la manière dont la procuration sera utilisée. Un-e des AS la présente même comme un outil de travail qu’il/elle utilise selon les besoins de la situation. Parfois, comme l’explique un-e autre AS, les usagers-ères qui ont de nombreuses difficultés administratives, se retrouvent soulagés-es quand l’AS leur annoncent qu’il/elle va pouvoir s’occuper de toutes les démarches administratives grâce à la procuration. Un-e autre AS explique que les gens qui refusent de la signer sont, en général, des gens qui ont des choses à cacher. Mais en cas de refus, cet-te AS informe les personnes qu’il/elle se retrouve dans l’impossibilité de les aider car il/elle ne peut pas travailler sans communiquer.

Pourtant, selon un-e autre AS, cette procuration fait également peur aux gens parce qu’elle est très vaste. Il/elle les rassure en expliquant que cette procuration est signée pour tout demandeur-euse d’aide sociale sans distinction. Mais l’AS pense que cette peur prouve que la procuration n’est pas assez ciblée. Un-e AS se dit choqué-e par le désintérêt des usagers-ères pour cette procuration : ils/elles la signent sans chercher à savoir à quoi sert la procuration. C’est l’AS qui les interpelle sur ce sujet et leur explique. Celui/celle-ci a le sentiment que les usagers-ères n’ont pas conscience de ce que la procuration implique. Les réactions face à la procuration générale sont très différentes selon les usagers-ères, même si la majorité d’entre eux la signent sans difficultés. Certains-es éprouvent de la peur, d’autre montrent leur ignorance voir leur indifférence. Mais au fond, est-ce que les usagers-ères ont-ils vraiment le choix de la signer ? Cette procuration fait partie de la procédure de l’aide sociale : si les usagers-ères ne la signent pas, la procédure de demande d’aide sociale ne pourra pas se réaliser (annexe 3). De plus, comme l’a indiqué l’un-e des AS, si les usagers-ères refusent de la signer, ce serait parce qu’ils/elles auraient quelque chose à cacher. Dans ce cas-là, comment pourraient-ils/elles défendre ses droits face à la protection de la sphère privée ? D’ailleurs, l’un-e des AS explique clairement qu’il/elle refuserait de la signer trouvant qu’elle confère trop de pouvoir aux AS. Est-ce que celui/celle-ci aurait-il/elle quelque chose à cacher ? Les travailleurs-ses sociaux-ales pratiquent un métier avec des

valeurs fortes de justice sociale et de respect des droits de l’homme (cf. Cadre conceptuel, chap. 1.1). Dans cette configuration, l’utilisation de la procuration générale comme édictée par le tribunal fédéral (cf. Cadre conceptuel, chap. 1.2) ne poserait pas de difficultés. Mais est-ce que tous les AS respectent ces valeurs et sont-ils/elles bienveillants-es ? Dans ce cas-là, la procuration générale ne leur donnerait pas trop de pouvoir au point d’en devenir un abus ? Et la procuration générale ne deviendrait-elle pas une atteinte à la sphère privée des usagers-ères ?