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LES PROCESSUS VISUO-PERCEPTIFS CHEZ L’ENFANT Les représentations chez l’enfant

PARTIE THEORIQUE

LES PROCESSUS VISUO-PERCEPTIFS CHEZ L’ENFANT Les représentations chez l’enfant

Les modèles adultes de reconnaissance visuelle des objets ne sont pas directement applicables aux enfants car les enfants et les adultes diffèrent largement sur le plan clinique. Il est donc important de développer des modèles cognitifs spécifiques aux enfants. En effet, les lésions et les troubles étant acquis chez l’adulte, une différence significative est donc observable dans la phase post-lésionnelle par rapport au fonctionnement antérieur typique. Alors que chez l’enfant avec lésion congénitale ou trouble neuro-développemental, celui-ci n’a jamais fonctionné normalement. Il ne saurait donc pas se plaindre de difficultés ou de particularités car il n’a connu que ce type de fonctionnement depuis sa naissance. De plus, le tableau clinique chez l’enfant est plus complexe en raison de l’existence de nombreuses intrications : le moment, la localisation et l’étendue exactes de la lésion, les phénomènes de plasticité et d’adaptation cérébrales propres à chaque enfant, la présence de troubles intellectuels et cognitifs associés, les stimulations de l’environnement familial et éducatif, et enfin les acquisitions en cours au niveau cognitif et scolaire (Chokron & Demonet, 2010;

Mazeau & Pouhet, 2014).

Plusieurs auteurs ont donc tenté au cours de la dernière décennie de modéliser les processus visuo-perceptifs chez les enfants (Chaix & Albaret, 2014; Chokron, Demonet, et al., 2010; Mazeau & Pouhet, 2014; Zuidhoeck, 2015). Néanmoins, ces auteurs utilisent une terminologie très différente et n’incluent pas tous les mêmes niveaux de traitement au sein de ces processus visuo-perceptifs.

Chokron (2010) distingue quatre étapes au sein de la cognition visuelle, partant de la sélection des informations visuelles à l’adéquation des gestes grâce à la vision. Elle intègre la cognition visuelle au sein des processus neurovisuels qui incluent également l’intégrité des champs visuels et l’oculomotricité. En premier lieu, la détection, l’exploration et l’attention visuelles représentent un pré-requis nécessaire aux traitements visuels ultérieurs car elles permettent le déplacement attentionnel dans l’environnement, la sélection des informations pertinentes et la fixation de l’attention sur ces informations afin de réaliser une analyse visuelle fine (Dutton, 2015). En second lieu, l’organisation et la représentation de l’espace permettent une reconstruction fidèle de la position des éléments les uns par rapport aux autres. Elles constituent une étape intermédiaire qui influence les processus d’identification et de réalisation des actes moteurs. En troisième lieu, la reconnaissance visuelle permettant l’identification du stimulus comprend les processus de catégorisation perceptive et sémantique, tels que définis dans la conception d’Humphreys et Riddoch (1987b). Enfin, la coordination visuo-motrice permet à l’individu d’ajuster son action à ce qu’il voit et perçoit en fonction des modifications continuelles de l’environnement (Dutton, 2015).

Cette conceptualisation (Chokron, 2015; Chokron et al., 2010) propose donc une première articulation des traitements visuo-perceptifs, visuo-spatiaux et visuo-moteurs.

Elle reflète clairement la distinction, largement reconnue dans la littérature, entre les traitements visuo-spatiaux (localisation des points dans l’espace, orientation topographique, analyse des directions et des distances), dépendant de la voie dorsale (occipito-pariétale) et les processus de reconnaissance, pris en charge par la voie ventrale (occipito-temporale). Toutefois, les processus moteurs se limitent à la coordination visuo-motrice.

À cet égard, Chaix et Albaret (2014) proposent une modélisation dissociant les processus purement perceptifs des traitements ayant une implication motrice. Les processus perceptifs englobent les traitements perceptifs et les traitements visuo-spatiaux. Les traitements moteurs comprennent les traitements visuo-moteurs, c’est-à-dire les activités motrices qui reposent sur des rétroactions visuelles et les traitements visuo-constructifs par lesquels les éléments visuels sont intégrés en un tout cohérent au travers d’une réponse motrice. Dutton (2015) parle quant à lui de guidance visuelle du mouvement pour désigner les processus qui ajustent les mouvements du corps (membres inférieurs et supérieurs) aux informations en provenance des voies visuelles.

Les processus neurovisuels tels que définis par Chokron (2010) sont évidemment influencés par une série de facteurs généraux non spécifiques qui affectent les capacités attentionnelles déployées. Ces influences ont été prises en compte dans le modèle hiérarchique de la perception visuelle et du comportement de Zuidhoek (2015). Ce modèle met l’accent sur l’impact de l’environnement et des facteurs psychologiques intrinsèques sur la mise en œuvre des processus attentionnels généraux. Les caractéristiques de l’environnement direct telles que la présence de distracteurs auditifs (bruits dans une autre pièce ou dans la rue, voix des parents) ou la présence de distracteurs visuels (configuration de la pièce, présence de jouets ou de dessins), considérées comme des facteurs extrinsèques, ont un impact important sur les capacités attentionnelles que l’enfant mobilise (Fisher, Godwin, & Seltman, 2014).

Les facteurs psychologiques intrinsèques de l’enfant ont également une influence prépondérante sur les processus exécutifs et attentionnels mis en œuvre. Les expériences antérieures de l’enfant avec une situation particulière vont avoir des répercussions significatives, positives ou négatives, sur les facteurs motivationnels et émotionnels. Même si ces facteurs peuvent également être influencés par des causes extérieures telles que la promesse d’une récompense ou d’une punition ou des événements indépendants de la situation actuelle. De plus, les besoins actuels de l’enfant tels que la faim, la soif, ou le besoin d’être réconforté par ses parents risquent également d’avoir un impact important sur les processus attentionnels mobilisés. Les processus attentionnels généraux ont donc pour objectif d’opérer la sélection des informations pertinentes entre les différentes modalités sensorielles sous le contrôle exécutif qui sélectionne la modalité sensorielle d’intérêt et inhibe les informations non pertinentes en fonction des buts actuels. Ces processus attentionnels généraux se répercutent à leur tour sur les processus attentionnels spécifiques à la modalité visuelle et sur les traitements visuels qui en découlent.

Au sein de la cognition visuelle, les étapes d’analyse et d’intégration des informations visuelles supposent, en effet, des capacités d’attention et d’exploration visuelles qui permettent de focaliser son attention sur des éléments spécifiques d’une scène visuelle en fonction des objectifs poursuivis (Lueck, 2015). Dans le modèle hiérarchique, les capacités attentionnelles spécifiques à la modalité visuelle reposent elles-mêmes sur des facteurs exogènes et endogènes qui vont tous deux déterminer ce qui est perçu en influençant la localisation et la taille du périmètre attentionnel. Les facteurs exogènes

correspondent à un système attentionnel bottom-up guidé par les stimuli visuels et basé sur la sélection et la modulation des informations sensorielles telles que la taille et le type d’objet ou de scène visuelle (mots, images, visages, environnement complexe).

Alors que les facteurs endogènes correspondent à un système attentionnel top-down guidé par les buts et les attentes de la personne et basé sur la sélection et la modulation des informations générées en interne telles que le contenu de la mémoire de travail ou la mémoire à long terme (par exemple, l’enfant va réaliser une analyse visuelle complètement différente en fonction de la consigne de l’exercice, dénommer l’image représentée ou trouver un élément spécifique au sein de cette image) (Chun, Golomb, & Turk-Browne, 2011; Zuidhoeck, 2015).

La figure 2 présente un essai d’intégration des différentes conceptions revues jusqu’à présent au sein d’un modèle unifié. Les processus neurovisuels comprennent les fonctions oculomotrices, l’intégrité du champ visuel et les traitements impliqués au sein de la cognition visuelle conformément à Chokron (2010, 2015). Ce modèle positionne les traitements impliqués dans la cognition visuelle et la guidance visuelle des mouvements au sein des fonctions visuelles supérieures (Lueck, 2015). Selon la conception de Zuidhoeck (2015), les processus attentionnels généraux et spécifiques à la modalité visuelle sont représentés en amont des processus perceptifs composés des deux voies de traitement, la voie ventrale de reconnaissance des objets (aussi appelée la voie du Quoi) et la voie dorsale de traitement des informations spatiales (aussi appelée la voie du Où).

Ces traitements qui font partie intégrante de la cognition visuelle forment les étapes préalables nécessaires à la guidance visuelle du mouvement (aussi nommée la voie du Comment) (Zuidhoeck, 2015). Au sein des traitements perceptifs, la reconnaissance des objets est divisée en processus perceptifs et processus associatifs, chacun étant à son tour subdivisé en plusieurs niveaux d’analyse, similaires à ceux présentés au sein du modèle d’Humphreys et Riddoch (1987b, 2006).

Ce cadre de référence sera utilisé tout au long de ce travail de thèse, de la création de la batterie de tests à l’analyse des différents niveaux de traitement visuo-perceptif.

Figure 2. Représentation des processus neurovisuels chez l’enfant

PROCESSUS NEUROVISUELS

CHAPITRE 2