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La mémoire est un processus fondamental en sciences cognitives et notamment en recherche d'information. Il s'agit de la faculté de traiter les informations perçues, an de pouvoir les réutiliser par la suite. La notion de mémoire regroupe des processus diérents : l'encodage, le stockage et la récupération des informations.

Un découpage classique sépare la mémoire à long terme et la mémoire à court terme (Atkinson & Shirin, 1968). La troisième composante identiée dans cette théorie est le registre sensoriel dans lequel une grande quantité d'information (no-tamment visuelle) peut être stockée pendant un temps très court (quelques millise-condes).

La mémoire à long terme se divise elle-même selon deux dimensions. Une pre-mière distinction est faire entre la mémoire procédurale et déclarative, c'est à dire

Processus mnésique 51 entre les savoir-faire et les savoirs. La seconde distingue la mémoire épisodique de la mémoire sémantique, la première concerne l'histoire de l'individu, ce qu'il a vécu, les dates, les évènements, et la seconde les connaissances générales, concepts, déni-tions, qui se rapporte, entre autre, au langage. Ces distinctions se fondent sur des expérimentations en laboratoire et des études de patients cérébro-lésés.

En mémoire à court terme les éléments ne sont stockés qu'un temps très court (entre 15 et 30 secondes) et cette mémoire est un espace intermédiaire entre la mé-moire à long terme et l'environnement. Le concept de mémé-moire de travail permet de mieux rendre compte de cette notion d'espace dans lequel les informations sont eectivement utilisées. La mémoire de travail se divise elle-même en trois compo-santes d'après le modèle de Baddeley et Hitch (1974) : l'administrateur central, la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial. L'administrateur central contrôle et coordonne les deux autres systèmes. La boucle phonologique sert à retenir et traiter les informations sous forme verbale. Le calepin visuo-spatial traite les informations sous forme visuelle.

À partir de ces dénitions succinctes, nous avons construit notre modèle en si-mulant deux types de mémoire : la mémoire sémantique et la mémoire de travail.

La mémoire sémantique correspond aux connaissances sémantiques stockées en mémoire et modélisées avec LSA dans le processus sémantique. La mémoire de travail est quant à elle utilisée lors de la recherche d'information an de mettre en place une stratégie de recherche. Cette mémoire permet en eet à l'homme d'être ecace dans sa recherche en ne revenant pas sur ce qui a déjà été traité si cela n'est pas nécessaire. Nous verrons quels sont les diérents points de vue sur la capacité de cette mémoire en recherche d'information, ainsi que deux modèles cognitifs que nous retrouvons dans la littérature. Le mécanisme d'inhibition de retour, combiné à un mécanisme d'oubli et le Variable Memory Model.

La capacité de la mémoire de travail en recherche d'information

Quelle est la capacité de la mémoire lors d'une recherche visuelle ? Deux types d'informations peuvent être stockées en mémoire, où et quoi. Lorsque nous considé-rons les deux conjointement, il semble que la mémoire soit limitée à trois ou quatre paires d'éléments (localisation + identité) (Horowitz & Wolfe, 2001). Si nous nous intéressons essentiellement à la mémorisation du trajet et donc aux localisations vi-sitées, celle-ci apparaît être d'une grande capacité (plus de douze places retenues), mais avec une faible résolution (l'identité de l'objet n'est pas précise) (Dickinson & Zelinsky,2007). D'autres auteurs parlent même d'une mémoire allant jusqu'à 20-25 distracteurs rejetés (Takeda,2004).

À partir de ce constat nous avons tout d'abord choisi d'implémenter une mémo-risation très précise des derniers items visités, qui se dégrade ensuite avec le temps. Pour ce faire, nous nous sommes intéressés au mécanisme d'inhibition de retour, classiquement modélisé en vision, associé à un mécanisme d'oubli.

Inhibition de retour (IOR)

Lors d'une recherche d'information, nous devons déplacer notre attention sur la scène, créant ainsi une séquence de xations. Dans les diérents modèles qui tentent de reproduire les processus qui inuencent l'emplacement de ces xations, qu'ils soient principalement ascendants (Itti & Koch,2000;Rosenholtz, Li, Manseld, & Jin,2005) ou intégrant des processus descendants (Navalpakkam & Itti,2005), l'at-tention se déplace entre les régions en partant de la plus attractive. An de ne pas rester sur la région la plus saillante le mécanisme choisi est l'inhibition de retour. Ce mécanisme diminue le poids des régions déjà xées.

L'IOR est une tendance observée expérimentalement contre la réorientation de l'attention vers des localisations déjà visitées. Lors de présentation de cible à l'em-placement de la xation précédente, les temps de réaction ou les durées latentes pour initier la saccade quittant cet emplacement sont plus longs. Ce phénomène a été si-gnalé pour la première fois parPosner et Cohen(1984), et a été répliqué en recherche visuelle (Klein & MacInnes, 1999). Il a été proposé que cette fonction d'inhibition facilite la recherche visuelle. Cette hypothèse est étayée par le fait qu'au cours de recherche visuelle les saccades oculaires ont tendance à être dirigées loin de l'empla-cement de la xation précédente et que la durée des xations précédant un retour sur cet emplacement est plus longue que si la saccade s'éloigne de cet emplacement (Klein & MacInnes,1999).

Ce mécanisme a néanmoins ses limites. Hooge, Over, van Wezel, et Frens(2005) ont examiné les mouvements de l'÷il au cours de l'exploration de scènes visuelles et ont découvert que le nombre de rexations sur l'emplacement de la xation pré-cédente est plus important que ne le prédit le hasard. De même, une analyse des tendances systématiques lors de perception de scène (saccades et xations) a mon-tré cette facilitation de retour (Tatler & Vincent, 2008). Une forte fréquence de ces rexations précisément à l'endroit de la xation précédente a aussi été démontrée sur diérentes tâches eectuées par des singes (Motter & Belky,1998). L'exactitude de ces rexations suggère que le retour de l'attention à l'emplacement précédem-ment xé peut être facilité plutôt qu'inhibé. La facilitation du retour pourrait être approprié pour des scènes complexes ou des tâches complexes (Henderson & Smith,

2009).

Les causes de ces rexations peuvent être multiples, la rexation peut survenir en raison de l'insusance de traitement de l'élément xé, d'un problème de repré-sentation en mémoire ou tout simplement parce que la région est très informative. L'information à l'emplacement précédemment xé peut ne pas avoir été complète-ment encodée ou la similarité avec un objectif de recherche peut nécessiter un retour, ou encore la mémorisation de l'objet xé peut s'être détériorée. En prenant en compte ces éléments nous avons examiné une autre approche de modélisation de la mémoire impliquée dans des tâches de recherche visuelle. Le Variable Memory Model, décrit parArani et al.(1984) et repris parHorowitz(2006) semble être un bon candidat.

Modélisation 53

Figure 2.12  Exemple d'image utilisée dans les expérimentations d'Horowitz

(2006). Les participants doivent chercher le 2 parmi les 5. Variable Memory Model (VMM)

La question que se sont posés les auteurs est la suivante : dans quelle mesure le système visuel se rappelle des objets qui ont déjà été examinés au cours d'une tâche ?

Les hypothèses de ce modèle sont les suivantes :  sélection d'un item à la fois (recherche sérielle) ;  processus attentionnel conscient (overt attention).

Le principe du VMM est d'utiliser des probabilités d'encodage et de récupération des informations en mémoire. Un item visité sera encodé avec une probabilité θ et un item encodé sera récupéré avec une probabilité Φ, en fonction du nombre de pas entre son encodage et sa récupération. Dans son article, l'auteur utilise une comparaison entre des données expérimentales et celles du modèle pour dénir ces probabilités sur une tâche de recherche visuelle (Horowitz, 2006). Les participants doivent par exemple chercher un 2 parmi des 5 (voir gure 2.12). Les meilleures valeurs qu'il obtient pour simuler les observations avec son modèle sont : θ = 0, 82 et Φ = 0, 86.

Grâce à ce modèle, des rexations sont possibles, ce qui est en accord avec les données empiriques.