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À partir des mêmes textes, nous avons souhaité élargir le test du modèle en complexiant la répartition des blocs sur la page. En eet, comme nous le verrons par la suite, les trajets inter-blocs des participants sur les pages organisées en lignes et en colonnes sont très systématiques. An de ne plus avoir ce biais de structure nous avons donc conçu ce nouveau matériel expérimental, qui est aussi plus réaliste, et se rapprochant de ce que nous pouvons trouver en ligne actuellement, par exemple sur la page du Nouvel Observateur (gure 4.4).

Nous avons choisi tout d'abord d'avoir deux formats de cadre contenant les textes. Trois cadres ont un format rectangulaire de 300 × 219px, trois ont un format plus allongé de 630 × 93px, quant au paragraphe associé à une photo, il est de dimensions 300 × 342px et la photo se trouve cette-fois-ci sous le texte auquel elle est attachée (exemple de gabarit gure4.5 page suivante).

La répartition des blocs AF, Afa et AA a été faite de façon à ne pas avoir les deux blocs AF côte à côte, ni les deux blocs Afa (exemple gure4.6 page suivante). Avec ces formats, plusieurs dispositions des blocs dans la page sont possibles, nous en avons sélectionné vingt. Pour chaque thème, nous avons choisi quatre dispositions diérentes des blocs (un exemple des quatre dispositions pour le thème Prix du pétrole se trouve annexe I page168).

Ce matériel se divise en deux modalités diérentes, une Avec Titre et une Sans Titre. Dans la modalité Avec Titre T. Baccino a attribué un titre à chaque para-graphe, comme nous en trouvons couramment dans les pages Web. Ce titre est le nom de la rubrique (Sport, International, Nature, Finance, etc.) se référant au texte, ce n'est pas un titre au sens du résumé de texte. Nous avons donc huit listes : quatre

Figure 4.5  Organisation pêle-mêle avec titres.

Figure 4.6  Exemple d'organisation en pêle-mêle. Objectif de la recherche : trouver le paragraphe associé au thème Chef de la Russie.

Sans Titre et quatre Avec Titre (liste complète Sans Titre en annexe J page170 et liste complète Avec Titre en annexe K page175). Les chapitres suivants décrivent la modélisation des trajets oculaires sur ce matériel.

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Environnement complexe : parcours

inter-blocs

Pour explorer les diérents mécanismes impliqués dans une tâche de recherche d'information dans un environnement complexe, nous avons choisi de faire une scis-sion en deux niveaux. Le premier niveau, qui est l'objet de ce chapitre, concerne la navigation entre les blocs constitutifs du document. Le second niveau, plus local, concerne les xations à l'intérieur des blocs, et donc dans le cas de paragraphes, la lecture de ces blocs. Cette analyse fera l'objet du chapitre suivant.

5.1 Modélisation du parcours inter-blocs

Étant donné une page et un thème de recherche notre modèle est conçu pour simu-ler le trajet oculomoteur d'un utilisateur moyen, de manière cognitivement plausible. La production du modèle est donc une séquence de xations, c'est à dire une suite de coordonnées XY. Nous décrivons ici le premier niveau de la modélisation de la navigation par le parcours inter-blocs pour deux types d'organisation de blocs.

Au niveau du parcours inter-blocs, une observation des trajets enregistrés nous a conduit à diérencier deux temps dans le parcours oculaire. Ces deux phases cor-respondent aux parcours planié et réactif que nous avons identiés précédemment. La première phase correspond à une stratégie globale (planiée) de visite de tous les blocs, avec une recherche d'optimisation du trajet qui respecte le sens d'exploration visuelle des tableaux (parcours de haut en bas et de gauche à droite) (Bouju & Spe-randio,1979) et les contraintes physiologiques (les grandes saccades sont coûteuses).

Figure 5.1  Trajet en N inversé gé-néré par le modèle sur une organisa-tion en lignes et en colonnes avec les paramètres αH=1,5 et αG=2.

Figure 5.2  Trajet en U généré par le modèle sur une organisation en lignes et en colonnes avec les paramètres αH=1 et αG=2.

Cette planication des premières visites des blocs correspond à la notion de gist que nous avons vu dans la section 2.3 page 36. Elle se construit dès l'apparition de la page, avant la première xation. Une fois tous les blocs visités, une seconde par-tie du parcours, au niveau local (réactif), concerne les revisites des blocs considérés intéressants. Le modèle reproduit ces stratégies. Depuis le point de xation initial, il produit ainsi un chemin entre les blocs. Comme pour l'expérience avec les mots, le critère d'arrêt est xé à partir des données empiriques car le modèle n'a pas de processus lui permettant de prendre cette décision.

5.1.1 Premières visites des blocs

Comme nous l'avons décrit dans le chapitre 2 (page36) le modèle a des paramètres αH et αG qui correspondent respectivement au poids relatif d'un déplacement vers le haut, et au poids relatif d'un déplacement vers la gauche pour lui permettre de caractériser les déplacements entre les blocs.

Plus αH est grand, plus une transition vers le haut est coûteuse relativement à une transition vers le bas. De même, plus αG est grand plus une transition vers la gauche est coûteuse par rapport à une transition vers la droite. Si ces poids valent 1, ces transitions sont aussi coûteuses que des transitions vers le bas ou vers la droite. Par exemple, avec αH=1,5 et αG=2, le modèle fait un trajet en N inversé, c'est-à-dire descendra la première colonne de blocs, ira en haut de la seconde puis la descendra (voir gure5.1). Ce trajet sera généré car il ne contient qu'un seul déplacement vers la gauche (du point de xation au premier bloc) et qu'une seule transition vers le haut, même si celle-ci est très longue. Si par contre nous changeons les paramètres, et que nous prenons αH=1 et αG=2, le modèle génèrera un trajet en U, étant donné que les transitions vers le haut ne seront pas pénalisées (voir gure5.2).

Cet algorithme peut être appliqué à des congurations de blocs plus complexes (type pêle-mêle), comme le montre par exemple la gure5.3 page suivante.

Modélisation du parcours inter-blocs 101

Figure 5.3  Trajet généré par le modèle sur une organisation pêle-mêle des blocs avec les paramètres αH=1,2 et αG=1,3.

5.1.2 Revisites

Une fois tous les blocs visités, les revisites sont basées sur trois processus cognitifs : visuel, sémantique et mnésique, tout comme dans le chapitre précédent. Ces processus peuvent être en conit : le processus visuel aura tendance à privilégier les blocs proches ou visuellement attirants, le processus de la mémoire tendra vers ceux qui ont été vus en premier (et donc oubliés) et le processus sémantique voudra éviter les blocs les moins associés au thème de la recherche. Notre modèle inclut un mécanisme pour intégrer ces trois sources d'information.

Contrairement à l'application avec des mots isolés, dans le cas de paragraphes organisés dans la page, les processus sémantique et mnésique étant intimement liés, ils n'en forment plus qu'un. L'imbrication de ces deux processus et leurs interactions ne permettaient plus un traitement séparé de chacun. Nous avons donc maintenant deux processus, et non plus trois, en interaction pour simuler les trajets oculomoteurs. Au niveau visuel, nous déterminons ici, de manière dynamique la  valeur vi-suelle  PV de chaque bloc B en tenant compte de sa proximité géographique avec le bloc xé suivant la courbe classique de l'acuité visuelle en fonction de l'excentricité. Au niveau de la saillance visuelle, étant donné la simplicité des stimuli, un simple biais est ajouté an de légèrement favoriser les blocs dont le fond est coloré.

Au niveau sémantico-mnésique chaque bloc reçoit un poids qui correspond à son attractivité. Plus le poids est important plus le modèle aura tendance à aller revisiter ce bloc. Lorsque le modèle quitte un bloc, il lui attribue un poids correspondant à la similarité sémantique entre le thème et la partie du bloc qui a été traitée. Par la suite ce poids va avoir tendance à augmenter, pour favoriser les blocs les plus anciens et simuler ainsi un mécanisme d'oubli de leur contenu. À chaque passage d'un bloc à l'autre, le poids PM S de chaque bloc Bi est calculé suivant l'approximation décrite dans le chapitre 2 :

PM S(Bi) = PM S(Bi−1) + (1 − PM S(Bi−1))

δ (5.1)

Chacun de ces processus peut être considéré comme générant une carte de chaleur, avec ici exactement huit zones distinctes. À chaque étape, ces cartes sont additionnées pour former une seule carte globale à partir de laquelle le meilleur bloc va être sélectionné puis xé. Le poids total P est, pour chaque bloc Bi :

P (Bi) = αM S× PM S(Bi) + αV × PV(Bi) (5.2)

Ces deux processus n'ont pas le même rôle. Dans l'expérience précédente, les stimuli étaient des mots isolés, mais les processus impliqués étaient proches. Ce qui était au niveau des mots dans l'expérience précédente est maintenant au niveau des blocs. αV avait été optimisé à environ 0,35, nous avons donc gardé cette valeur. Pour αM S

nous avons pris la somme des paramètres αM et αS, c'est-à-dire 0,65. Dans cette nouvelle étude la somme des paramètres est toujours égale à 1.

Comme nous le verrons dans les sections suivantes, cette simple combinaison de stratégies permet déjà de simuler correctement les comportements observés.