• Aucun résultat trouvé

G. Brachypodium distachyon un modèle végétal pour les graminées

3. Processus biologiques étudiés

Brachypodium distachyon est utilisé de manière croissante pour étudier de nombreux processus biologiques de développement, d’évolution ou de réponse à des stress abiotiques / biotiques (Catalan et al., 2014). Nous nous concentrerons par la suite sur quelques exemples précis.

a. La saccharification un élément majeur pour la production de bioéthanol

La saccharification consiste à transformer (généralement par hydrolyse) en sucres simples (glucose ou saccharose) les matières à base d’amidon ou de cellulose. La production de bioéthanol à partir de résidus de grandes cultures ou de plantes cultivées dans ce but comme Miscanthus, se heurte à la présence de lignine dans les parois végétales. En effet, plus la teneur en lignine dans les tissus végétaux est importante moins le rendement de l’hydrolyse de la cellulose en sucre simple est efficace (Nakagame et al., 2011). La composition monosaccharidique de la paroi primaire de B. distachyon est similaire à celle d’H. vulgare et T. aestivum (Christensen et al., 2010), cependant elle diffère de celle de ces deux espèces par son plus faible niveau de substitution d’arabinoxylane dans l’hémicellulose (Christensen et al., 2010). La mutation du gène BdCAD1 codant pour une cinnamyl alcool déshydrogénase (CAD) chez B. distachyon réduit de 20% l’activité CAD, de 20 à 26% la teneur en lignine Klason dans les tiges et augmente la saccharification de 45% en comparaison aux plantes sauvages (Bouvier d'Yvoire et al., 2013). De plus, les auteurs ont montré que la biomasse produite n’est pas différente entre les lignées mutantes pour le gène CAD1 et les plantes sauvages, ce qui rend la réduction partielle de l’activité CAD, spécifique à la formation de la lignine, une piste intéressante à explorer pour améliorer la saccharification des plantes en C3.

Figure 17 : Structure de l’appareil racinaire chez le blé (gauche) et chez B. distachyon (droite). PR : primary axile root (racine primaire) ; CNR : coleoptile node axile root (racine

adventive à partir du coléoptile) ; SNR : scutellar node root (racine adventive à partir du nœud du scutellum ) ; LNR : leaf node axile roots (racine adventive à partir du premier nœud de la tige) ; M : mésocotyle situé entre la graine et le coléoptile, celui-ci croît chez Brachypodium (Watt et al., 2009).

b. Etude des stress abiotiques et biotiques

La sélection du blé a été construite sur la base de caractères comme le rendement, la qualité nutritive des grains ou encore la résistance aux maladies mais dans aucun cas sur l’architecture racinaire (Chochois et al., 2012). Pourtant, le système racinaire constitue un élément majeur dans l’assimilation des nutriments, de l’eau et donc indirectement dans la tolérance à la sécheresse. Brachypodium possède un système racinaire proche du blé malgré l’absence de racines adventives sur le scutellum (Figure 17) (Watt et al., 2009). C’est dans ce contexte qu’il est proposé comme modèle d’étude (Watt et al., 2009; Chochois et al., 2012). La sélection humaine et la culture des céréales d’intérêt dans des régions aux climats favorables ont contre-sélectionné les caractères associés à la résistance au stress hydrique. Dans le but d’identifier ces caractères, l’espèce non domestiquée B. distachyon tolérante à ce stress est idéale. 57 écotypes naturels de B. distachyon ont été testés pour leur tolérance / sensibilité à la sécheresse. Trois écotypes se sont montrés particulièrement tolérants (Luo et al., 2011). Les auteurs proposent d’utiliser la variabilité naturelle pour rechercher des allèles bénéfiques pour ce caractère de tolérance. Une analyse transcriptomique de différentes zones de la feuille (prolifération, expansion ou fin de croissance cellulaire) en réponse à un stress hydrique met en évidence le rôle de la biosynthèse des stérols dans la tolérance à la sécheresse chez Brachypodium (Verelst et al., 2013). Brachypodium est également utilisé dans le cadre de l’étude du stress température (chaud ou froid) (Priest et al., 2014; Ryu et al., 2014) ou salin (Priest et al., 2014).

De nombreuses études ont porté sur la capacité de Brachypodium à se comporter comme un hôte en réponse aux agents pathogènes des céréales, du blé tendre en particulier. Ces études ont montré qu’effectivement Brachypodium est un hôte pour de nombreux pathogènes du blé et de l’orge sauf dans quatre cas d’interactions (Tableau 6). Brachypodium possède une résistance non hôte à P. graminis f. sp. tritici, f. sp. lolii et f. sp. phlei-pratensis, des agents de rouilles (Ayliffe et al., 2013; Figueroa et al., 2013) et à Mycosphaerella graminicola, agent responsable de la septoriose foliaire du blé (Kellner et al., 2014). Cette résistance s’explique par la spécificité très étroite qui existe entre les agents pathogènes biotrophes ou hémibiotrophes et leurs hôtes respectifs. Une souche de P. brachypodii, agent pathogène biotrophe sur B. distachyon, a été utilisée pour identifier avec succès des QTLs de résistance dans les écotypes Bd3-1 et Bd1-1 par l’utilisation de la population en ségrégation Bd3-1 x Bd1-1 (Barbieri et al., 2012). Une étude de la réponse à une gamme d’insectes et de champignons (Tableau 7) (Sandoya and Buanafina, 2014) a démontré qu’il existe une

Tableau 6 : Liste des agents pathogènes testés sur la plante modèle B . distachyon.

Agents pathogènes Hôte / non hôte Références

Magnaporthe grisea hôte Allwood et al., 2006; Parker et al., 2008; Parker et al., 2009; Sandoya and Buanafina, 2014

Oculimacula spp. hôte Peraldi et al., 2014

Ramularia collo-cygni hôte Peraldi et al., 2014

Fusarium graminearum hôte Deguercy, 2010; Peraldi et al., 2011

Fusarium culmorum hôte Peraldi et al., 2011

Puccinia brachypodii hôte Barbieri et al., 2012

Rhizoctonia solani hôte Sandoya and Buanafina, 2014; Schneebeli et al., 2014

Bipolaris sorokiniana hôte Pogorelko et al., 2013 Ustilago bromivora hôte Barbieri et al., 2012 BSMV (barley stripe mosaic virus) hôte Cui et al., 2012

PMV (Panicum mosaic virus) hôte Mandadi and Scholthof, 2012

SPMV (virus satellite du Panicum

mosaic virus) hôte Mandadi and Scholthof, 2012

P . graminis f. sp. tritici non hôte Ayliffe et al., 2013; Figueroa et al., 2013 P . graminis f. sp. lolii non hôte Ayliffe et al., 2013; Figueroa et al., 2013 P . graminis f. sp. phlei-pratensis non hôte Ayliffe et al., 2013; Figueroa et al., 2013 Mycosphaerella graminicola non hôte Kellner et al., 2014

Tableau 7 : Espèces pathogènes utilisées dans l'étude Sandoya and Buanafina (2014). Type de pathogènes Espèces

Spodoptera frugiperda Diuraphis noxia Magnaporthe grisea Colletotrichum cereale Pythium aphanidermatum Ophiosphaerella agrostis Ophiosphaerella korrae

Gaeumannomyces graminis var. avenae Magnaporthe poae

Sclerotinia homoeocarpa

Bactérie Rhizoctonia solani

Insectes

variabilité naturelle de résistance / sensibilité entre les différents écotypes de B. distachyon à l’ensemble de ces agents pathogènes.

Le PMV (Panicum mosaic virus) et le SPMV (virus satellite du Panicum mosaic virus) sont des virus capables d’infecter les graminées utilisées pour leurs grains ou pour le bioéthanol. En 2012, l’utilisation de Brachypodium a mis en évidence que le synergisme entre ces deux virus, avec des symptômes exacerbés lors de l’infection par le PMV et le SPMV en comparaison au PMV seul, résulte de la modulation de l’expression de gènes dans le métabolisme du carbone, la photosynthèse, les modifications post-traductionnelles, le remodelage de la paroi cellulaire et la mort cellulaire (Mandadi and Scholthof, 2012).

L’ensemble de ces études ainsi que la totalité des outils disponibles démontrent le rôle majeur, présent et futur, de Brachypodium distachyon comme modèle pour la réalisation d’analyses fonctionnelles in planta par approche gène candidat ou sans a priori sur des questions biologiques liées aux céréales d’intérêt agronomique dans l’objectif de transférer par la suite ces connaissances.