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CINEMATOGRAPHIQUE D’UNE ŒUVRE LITTERAIRE

Depuis ses débuts, la pratique de l’adaptation a connu de nombreux problèmes dont certains s’avèrent dépassés, d’autres par contre persistent.

TRUFFAUT, par exemple reconnaît, en citant CARLO-RIN qu’une adaptation honnête, qui respecte le texte d’origine, est une « trahison ».

Pour y remédier, il a tenté de conserver pour l’œuvre, son caractère littéraire seulement, notamment par l’utilisation d’une voix off lisant des fragments d’un texte original.

Ainsi, la question d’adaptation en termes de morale, de fidélité à la lettre ou à l’esprit du texte source se retrouve aujourd’hui dépassée ou réglée.1

Quant aux problèmes qui persistent encore, ils sont classés selon : 3. Qu’ils se rapportent au format littéraire.

3. Qu’ils se rapportent aux processus d’adaptation (problèmes techniques).

VI.1. PROBLEMES SE RAPPORTANT AU FORMAT LITTERAIRE : LE ROMAN2

Il faut admettre qu’adapter une œuvre littéraire est une démarche très complexe, parfois même suicidaire car tous les livres ne sont pas adaptables et ce pour une raison majeure qui est qu’un livre et un scénario ne s’écrivent pas du tout de la même manière : en effet la majorité des longs métrages durent entre une heure trente et deux heures seulement, ceci rend difficile la condensation d’un ouvrage qui fait plusieurs centaines de pages dans un temps très court.

La beauté et la puissance d’un roman repose trop sur la langue écrite, liée à la poésie des mots, des phrases, donc il y a des façons de présenter les choses en littérature qui sont inadaptables dans un autre medium.

1. ARON, P., SAINT JACQUES, D., et VIALA, A., op.cit, p.5.

2. LAVANDIER, Y., LA DRAMATURGIE : Les mécanismes du récit, 2ème édition, éd. Le Clown et l’Enfant, 1997, p.502-504.

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Etant l’art de l’écrit, le roman s’attarde en général sur les pensées et les émotions des personnages qui ne peuvent être traduites à l’écran par l’adaptation car le cinéma est l’art de l’image. «Un scénario montre une histoire mais ne la raconte pas »1.

A ce propos, KUNDERA partage l’avis d’ HITCHKOK qui affirme que : « Puisque l’essentiel dans un roman est ce qu’on

ne peut dire que dans un roman, dans toute adaptation il ne reste que l’inessentiel. »2.

Il importe également de se faire à l’idée qu’il n’est pas possible de tout raconter, le scénariste se trouve toujours dans l’obligation d’omettre certains éléments composant le roman qu’il juge secondaires comme par exemple les longues descriptions.

La multiplicité des intrigues secondaires qui figurent dans une œuvre littéraire ne permet pas à l’action d’avancer dans un scénario. Le nombre de personnages et la diversité des points de vue constituent un point épineux qui handicape l’acte d’adaptation.

L’adaptateur se trouve devant une situation qui le pousse à se focaliser sur un personnage et un point de vue, et à ne prendre comme matière brute pour son travail que les coupes franches (soit l’intrigue principal du roman).

La non linéarité dans l’écrit, soit le non respect de la chronologie dans le déroulement des évènements de l’histoire, constitue une autre difficulté qui n’est pas des moindres pour le scénariste, qui se voit dans l’obligation d’adopter des méthodes acrobatiques, lesquelles il doit maîtriser (ainsi les flash-back) afin de réussir la transposition de l’œuvre littéraire en œuvre cinématographique.

VI.2. PROBLEMES SE RAPPORTANT AU PROCESSUS DE L’ADAPTATION (PROBLEMES TECHNIQUES)

Adapter, ce n’est pas uniquement effectuer des choix du contenu, mais aussi travailler, modeler un récit en fonction des possibilités ou au contraire des impossibilités inhérentes au médium1.

1. LENOIR, N., op.cit.

2. GALLAYS F., SIMARD S., VIGNEAULT R., Le Roman contemporain au Québec (1960-1985), éd. Fides, 1992, p.253.

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Le scénariste, afin de procéder à la transposition du récit initial avec toutes ses caractéristiques littéraires propres, vers un scénario au format adapté à l’image et à l’action, se trouve en face d’un certain nombre de contraintes qualifiées de techniques qu’il doit résoudre ; à savoir :

1. La dramaturgie : (structure du roman)

Le roman se présente sous forme d’une succession de chapitres, le scénario en revanche, est structuré en actes. Les chapitres du roman ne correspondent pas forcément aux actes du scénario soit aux séquences du film.

Les actes du scénario ne sont pas directement extraits des chapitres, d’où la difficulté d’extraire une forme filmique qui requiert, de par sa dimension « spectaculaire », une structure dramaturgique beaucoup plus rigoureuse que le roman.2

La dramaturgie vise donc, à organiser l’action dans une durée « scénique » ou « écranique » selon des rythmes prédéfinis3.

2. La dramatisation : (les introductions dans le scénario)

Le déroulement dramatique d’un scénario est soumis à une organisation rigoureuse : Euphorie – Dysphorie – alternance Dysphorie/Euphorie (soit tension/détente). En revanche, le roman est moins rigoureux ; les évènements y sont moins contrastés, les drames moins violents, les joies moins intenses. Le film nous fait entendre et voir les faits de l'histoire, ce qui mène le spectateur à vivre les réactions et les émotions et a plongé dans le vif de l'histoire.

Sur le plan rythmique, la structure dramatique du roman et celle du déroulement narratif se superposent, ce qui finit par faire piétiner les tensions et engendrer la monotonie. Le scénario, lui, joue d’avantage sur des effets « syncopes », donc de surprise en maintenant la tension4.

1. GOLIOT-LETE, A., VANOYE, F., PRECIS D’ANALYSE FILMIQUE, éd. Nathan, Paris, 1992, p.124.

2. Ibid, p.120.

3. VANOY, F., op.cit., p.134.

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3. La visualisation :

L’identification du public à la situation et au personnage se réalise grâce aux contraintes techniques ou esthétiques qui relèvent du visuel, de la voix et de la musique qui constituent le mécanisme de la visualisation1.

3. L’image constitue le langage visuel qui traduit celui des mots2. Elle constitue le contraste qui fait la richesse de la confrontation entre deux formes différentes d’expressions artistiques3.

3. La voix ou le dialogue du film contribuent à la visualisation du roman. De ce fait, ils doivent être réduits à leurs plus simples expressions. Leur rôle est, à la fois, de donner l’information, de caractériser le personnage et de faire avancer l’histoire4.

3. La musique construit avec le personnage une symbiose qu’ils créent une identité sonore relevant non seulement du sentiment mais aussi de l’action5.

4. La dilatation :

Technique qui permet d’étoffer l’œuvre. Elle est mise au service de la dramatisation des moments dits « privilégiés »6.

Les adaptations de textes courts en longs métrages comportent presque invariablement les opérations d’ajouts, de compléments et notamment de dilatations (deux pages de Platonov, par exemple, ont fourni à Francesco ROSSI et Tonino GUERRA la matière d’un film de deux heures « Trois Frères »7).

1. VISY, G., Le Colonel Chabert au cinéma, éd. Publibook, 2002, p.175.

2. Ibid, p.146.

3. Ibid, p.16

4. TUDOR, E., Les secrets de l’adaptation : cinéma et télévision, éd.Dujarric, 1981, p.69

5. VISY, G., op.cit.p.178.

6. VANOY, F., op.cit, p.135.

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