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J, LA CONVENTION COLLECTIVE

IV. DES PROBLEMES ACTUELS

Pour certains,' les conventions collectives, telles qu'elles

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existent actuellement,' constituent le mieux auquel on puisse aspirer dans ce domaine. C'est à elles, en outre, que nous devrions l'actuel bien-être suisse. Mais aujourd'hui, une analyse plus fine devrait nous faiie réfléchir sur quelques questions capitales: ces points nous font dire que l'ensemble du système a pris un sérieux coup de vieux et qu'il a besoin d'être revu.

1. En premier lieu, la paix du travail et les conventions collec-tives signées en Suisse ne constituent pas forcément une méthode exemplaire de résolution des conflits sociaux et de progrès économique. Dans les autres pays, on aboutit aussi à des conventions souvent aprèS une âpre négociation et même des grèves, sans pour autant que règne un climat de guerre sociale. Malgré cela, ces pays ont vu leur économie se

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développer, leur niveau de vie s'accroltre, les droits des tra-vailleurs s'élargir, et cela souvent dans des proportions net-tement supérieures à ce qu'on a vu dernièrement en Suisse.

La Suisse n'a heureusement pas vécu directement l'horreur et les destructions des deux guerres mondiales: le point de départ entre pays est donc très différent. Si l'on imaginait la situation actuelle avec le même point de départ, nous ne nous trouverions certainement pas dans le peloton de tête, ni du point de vue de la richesse, ni de celui des conquêtes sociales.

2. Les conventions collectives ont été signées surtout dans le secteur secondaire, industrie et bâtiment. C'est donc dans ces secteurs que l'on devrait s'attendre à la meilleure prise en compte des intérêts des travailleurs. Or, si ces secteurs ont garanti certains acquis aux travailleurs, paradoxalement les conventions n'ont pu éviter aucun licenciement, aucune des terribles restructurations des dernières années. Pensons à la crise horlogère des années soixante-dix; au renvoi abrupt de 150'000 travailleurs du bâtiment en 1974 et 1975 et à la perte de milliers d'emplois dans l'industrie des machines.

Dans les autres pays, dans les mêmes secteurs, là où existent des con ventions collectives, les reconversions se sont passées bien autrement, avec des garanties bien plus importantes pour les travailleurs. La paix du travail devait être un ac-cord basé sur la confiance, le renoncement à la grève de la part des travailleurs, contre le lock-out, la perte de l'emploi.

Les organisations syndicales ont peu fait recours à la grève, les employeurs ont rarement hésité à liquider leurs entre-prises ou à les restructurer. Pour fonctionner, la paix du travail devrait impliquer la confiance et la concertation; or, les exemples de concertation sont bien rares. Dans quelle entreprise les travailleurs participent-ils à la prise de déci-sion? Au contraire, ils sont souvent les derniers à apprendre le sort qui leur est réservé.

3. Comment expliquer que les employeurs, qui officiellement ne cessent de vanter les mérites des conventions, ne veuil-lent pas les généraliser à l'ensemble des secteurs et branches économiques? Ainsi, si au début des années soixante, une partie non négligeable des travailleurs avait affaire à un

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système conventionnel, aujourd'hui, la situation est bien différente: il suffit de penser à l'essor des secteurs du ter-tiaire où l'existence d'une convention est plutôt l'exception.

Même dans le secteur secondaire, beaucoup de nouvelles entreprises ne sont pas conventionnées. La signature d'une convention ne serait-elle donc, pour le patronat, que la der-nière des ressources assortie d'un tel carcan de conditions, pour briser toute tentative de la part des travailleurs d'avoir voix au chapitre ?

4. On se plaint que les conventions soient mal connues. Mais le système tel qu'il est pratiqué fait des exclus: quelle est la part et l'intérêt des travailleurs à l'élaboration des revendi-cations, au déroulement des négociations et à leur conclusion lors du renouvellement des conventions collectives? Quelle est la participation des intéressés aux conventions, au quoti-dien? Et, surtout, en cas de divergences, la procédure conventionnelle (instances conventionnelles, arbitrage) a le plus souvent pour effet de tenir les travailleurs éloignés de la résolution du conflit. De même, une conception fermée des intérêts communs entre associations signataires s'oppose à l'adhésion d'autres parties aux conventions, même si le ju-gement du Tribunal fédéral dans le cas d'un syndicat mino-ritaire ouvre des perspectives intéressantes. Qu'en est-il de la liberté d'association et de la liberté syndicale quand on est forc, d'adhérer à un syndicat ou une association signa-taire d'une convention pour qu'elle vous soit appliquée?

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5. Face à la faiblesse des actuelles conventions, l'intervention de i'Etat s'est étendue. Ses décisions sont souvent prises après consultation des partenaires sociaux. La différence est de taille: alors que, dans les conventions, les partenaires so-ciaux sont les acteurs principaux, dans ce nouveau modèle leur fonction est consultative. Cette intervention ne se limite pas à de grandes décisions de fond (révision de la loi sur le travail, du code des obligations), mais comprend une pré-sence quotidienne, dont la réglementation de la main-d'oeuvre étrangère est un exemple primordial.

Ces precIsIons ne signifient pas, bien entendu, que le SIT est contre les conventions collectives. En le vivant tous les jours,

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nous savons qu'une convention apporte toujours un petit plus et que, dans chaque pays, les rapports de force établis pendant une négociation doivent aboutir à un accord. Mais c'est justement pour sauver l'esprit et le rOle des conventions collectives qu'une réflexion nouvelle sur le rOle et le fonctionnement des conventions s'impose.

Et ce n'est pas un hasard si les forces syndicales actives se posent actuellement la même question, qui est vitale non seulement à la survie des syndicats, mais aussi à la dynamique sociale du pays.

LE DROIT AU SALAIRE

EN CAS D'EMPECHEMENT DE TRAVAILLER

Gabriel AUBERT

Professeur à l'Université de Genève

1. INTRODUCTION

Si l'on appliquait les principes generaux du droit des obli-gations, le travailleur incapable d'effectuer sa prestation ne pour-rait prétendre à aucun salaire. Une telle manière de voir a été abandonnée depuis longtemps, car ses conséquences seraient trop rigoureuses. La rémunération revêtant un caractère alimentaire non seulement pour l'ouvrier ou pour l'employé, mais aussi pour sa fa-mille, il est devenu nécessaire de garantir, dans certaines limites, les revenus du salarié empêché de travailler pour un motif inhérent à sa personne.

Cette garantie découle aujourd'hui de deux sources: d'une part, le droit du travail; d'autre part, la sécurité sociale. Comme il parait de moins en moins justifié de faire peser sur l'employeur les risques affectant la capacité de gain du salarié, la sécurité sociale relaie progressivement le droit du travail.

. Les praticiens se trouvent ainsi placés aux confins de deux matières, dont la coordination n'a pas toujours été réglée très clai-rement. Mon exposé a pour but de les aider à résoudre les problè-mes auxquels ils se heurtent le plus souvent.