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Problématique des oxydes des matériaux III-V

Obtention d’un oxyde de grille avec une bonne interface avec le canal III-V

1. Problématique des oxydes des matériaux III-V

Le diélectrique de grille est une pièce essentielle au bon fonctionnement du transistor à effet de champ. Il est l’élément permettant l’isolation entre le canal de conduction et la grille, empêchant donc les courants de fuite dans la grille tout en permettant la création d’un champ électrostatique modulant la conduction dans le canal. La miniaturisation des composants électroniques s’accompagne généralement de la réduction de l’épaisseur du diélectrique de grille, elle entraîne une augmentation des courants de fuite. De plus, aux nœuds sub-10 nm, des oxydes d’une épaisseur équivalente (EOT) de 0.5 nm seulement sont utilisés. Les premières couches à l’interface avec le semiconducteur ne sont plus négligeables devant l’épaisseur totale de l’oxyde et les défauts d’interface peuvent avoir un effet prépondérant.

Dans la filière silicium, l’oxyde de silicium, le SiO2, a été utilisé comme oxyde de grille jusqu’au nœud 65 nm car celui-ci était obtenu de manière aisée, un simple recuit thermique, et ses propriétés électriques (isolation, interface) étaient excellentes (Figure IV-1). Cependant, pour continuer la diminution des dimensions, de nouveaux diélectriques ont dû être utilisés : ces matériaux à forte permittivité, dits « high-k », présentent une constante diélectrique plus élevée permettant d’utiliser, à capacité égale, une épaisseur de diélectrique plus grande fournissant une meilleure isolation électrique.

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Figure IV-1 : Evolution des nœuds technologiques selon Intel de 2003 à 2013. [134]

Les oxydes naturels des matériaux III-V, et notamment ceux à base d’In, Ga et As, sont de très mauvaise qualité pour être utilisé comme couche active d’un transistor. La présence de différents oxydes peu stables (As2O3, As2O5, Ga2O3, Ga2O, In2O3, GaAsO4 et InAsO4 [135]) est, selon la communauté scientifique, la cause de problèmes rencontrés lors de la réalisation de transistors sur ces matériaux tels que la dispersion en fréquence de la capacité de la grille ou encore une dégradation de la mobilité électronique du canal [48]. L’un des effets néfastes à l’obtention d’une bonne qualité de diélectrique sur III-V est le « verrouillage du niveau de Fermi ». Ce verrouillage du niveau de Fermi est dû, dans le cas des matériaux III-V, à la présence des espèces oxydées à la surface, concentrant ainsi une grande quantité de défauts à l’interface. Il existe 4 types de défauts qui ont été identifiés perturbant le champ électrique qui contrôle la conduction dans le canal [136], [137] (Figure IV-2) :

- Les charges piégées à l’interface (Dit) : Ces défauts sont localisés à l’interface oxyde/semiconducteur et peuvent être causés par des impuretés ou des défauts de structures pouvant être causés par l’oxydation. Ils peuvent être chargés ou déchargés et réagir au potentiel électrique appliqué. Ils induisent une recombinaison des porteurs de charge et entraînent une courbure des bandes à l’interface qui étire la caractéristique C-V en régime de déplétion. Si les défauts sont trop importants, on observe le verrouillage (ou ancrage) du niveau de Fermi rendant alors la capacité insensible à la tension appliquée.

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- Les charges fixes de l’oxyde (Qf) : Ces défauts sont créés lors du procédé d’oxydation ou de dépôt de l’oxyde de grille. Ils sont localisés proches de l’interface (2 nm) et sont responsables du décalage en tension de la tension de bandes plates (VFB).

- Les charges piégées dans l’oxyde (Qtr) : Ces charges peuvent être positives ou négatives et correspondent à des trous ou des électrons piégés dans l’oxyde. Différents mécanismes peuvent être à l’origine de ces défauts tels que des ionisations radiatives.

- Les charges mobiles de l’oxyde (Qm) : Ces charges correspondent à des impuretés ioniques présentent dans le matériau. Les ions Na+, Li+ ou encore K+ sont des ions que l’on retrouve dans le SiO2. Elles sont responsables notamment de l’hystérésis observée lors des mesures C-V.

Figure IV-2 : Schéma des défauts présents dans l'oxyde sur un semiconducteur.

L’impact combiné de ces défauts est résumé sur la figure Figure IV-3.

Figure IV-3 : Mesures C-V appliqué sur un empilement Metal/Oxyde/Semiconducteur et l'impact des différentes charges sur l'allure de la courbe.

Parmi ces défauts, les défauts à l’interface sont les plus étudiés dans le cas des matériaux III-V car ils sont propres à l’interface et définissent sa qualité. S’ils sont trop nombreux, la mobilité des porteurs de charges dans le canal s’en retrouve diminuée réduisant alors l’attrait de ces matériaux. La réduction

Oxyde Semiconducteur + + + + + + + + + Dit Qf Qtr Qm

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des états d’interface, et donc le déverrouillage du niveau de Fermi, est un enjeu majeur pour la réalisation de transistors à base de matériaux III-V.

L’utilisation de techniques de pointe comme le dépôt par couches atomiques (ALD) par les industriels dans la filière silicium a grandement amplifié la recherche sur le dépôt d’oxyde à grande permittivité par cette technique [138]–[140]. Les oxydes les plus étudiés sur l’alliage InxGa1-xAs sont l’oxyde d’hafnium (HfO2) et l’oxyde d’aluminium (Al2O3). Les précurseurs utilisés pour obtenir ces oxydes, à savoir le tétrakis-ethylméthylaminohafnium (TEMAHf) et le triméthyaluminum (TMA), réagissent notamment avec les oxydes naturels et permettent leur élimination in-situ [141]. Cet effet d’auto-préparation de surface des oxydes déposés par ALD permet d’espérer une meilleure qualité d’interface que les oxydes naturels à base de III-V, permettant de déverrouiller le niveau de Fermi. D’autres approches, telles que l’obtention d’un oxyde de gallium par évaporation, ont été explorés mais n’ont pas donné de résultats aussi efficaces que l’emploi de l’ALD [142].

Cette synthèse a permis de mettre en évidence la complexité d’obtention d’un oxyde de grille permettant une commutation du canal tout en empêchant les courants de fuites. La majorité des matériaux III-V ont de très mauvais oxydes naturels induisant une accumulation de défauts à l’interface avec l’oxyde de grille. Afin d’améliorer le contrôle électrostatique de la grille sur le canal, il est nécessaire de trouver des techniques pour diminuer cette quantité de défauts. Les méthodes de dépôt ayant procuré les meilleures performances électriques sont la croissance du III-V et de l’oxyde par épitaxie par jet moléculaire (MBE) [143] sous atmosphère contrôlé afin d’éviter toute oxydation ou par la technique ALD en déposant des oxydes à forte permittivité [144]. Parmi les oxydes à forte permittivité, l’Al2O3 a reçu une attention particulière concernant son dépôt sur matériau III-V de par son effet d’auto-préparation de surface. La suite de cet état de l’art se concentrera donc sur les dépôts de cet oxyde ainsi que les techniques employées pour augmenter la qualité de l’interface oxyde de grille / canal semiconducteur.