Dans le cadre stochastique classique Aε(x) = A (x/ε, ω) avec A stationnaire,
nous avons vu que le calcul des propri´et´es du mat´eriau effectif d´eterministe, i.e. de la matrice homog´en´eis´ee, pose syst´ematiquement probl`eme car elle demande la r´esolution d’un probl`eme al´eatoire pos´e sur Rd tout entier. Puisque ces ap-
proximations sont al´eatoires, nous avons ´et´e conduits plus haut `a chercher des m´ethodes qui r´eduisent syst´ematiquement ce caract`ere et donc l’incertitude quant au comportement du mat´eriau effectif.
Dans les faits, bien que les mat´eriaux r´eels ne soient par exemple pas exac- tement p´eriodiques, leurs microstructures attestent parfois tout de mˆeme d’une certaine r´egularit´e. Les hypoth`eses relatives `a la forme de la matrice Aε dans le
cadre al´eatoire pr´esent´e ci-dessus sont donc en quelque sorte trop g´en´erales. Elles int`egrent une trop grande part d’al´ea par rapport aux besoins. Ce constat nous conduit `a consid´erer dans la suite des mod`eles perturbatifs. Dans tous ces mod`eles, le mat´eriau est d´efini comme une petite perturbation d’un mat´eriau dont on sait calculer ais´ement les propri´et´es effectives. Nous verrons que ceci a pour cons´equence une r´eduction tr`es importante du coˆut de calcul des propri´et´es homog´en´eis´ees.
Les premiers pas dans ce sens remontent au travail de L. Tartar [96]. Ils portent sur un cas d´eterministe. La matrice associ´ee aux propri´et´es du mat´eriau y est sup- pos´ee de la forme
Aεη(x) = a0(x) + ηbε(x) + η2cε(x)
Id,
o`u a0est ind´ependante du param`etre ε, bε −⇀ b0, cε−⇀ c0et (bε−b0)/ε2 −⇀ σ dans
L∞(D) faible *. L’auteur d´emontre dans ce contexte que la matrice homog´en´eis´ee
est de la forme :
A⋆η(x) = a0(x)Id+ ηb0(x)Id+ η2(c0(x)Id−
1 a0(x)
M(x)) + o(η3),
o`u M est une matrice sym´etrique positive et telle que Tr(M) = σ2. Si on sait par ailleurs que A⋆
η est isotrope on a donc M(x) = σ2(x)/dId. En cons´equence, on
peut calculer le d´eveloppement `a l’ordre 2 en η de A⋆
η `a partir des seules limites
faibles (moyennes ici) des champs initiaux. Dans cette mˆeme direction et sous des hypoth`eses plus sp´ecifiques, on pourra ´egalement se r´ef´erer aux travaux de M. Briane, D. Manceau et G.W Milton [25, 70, 71]. Enfin, il convient ´egalement de citer, toujours dans un cadre d´eterministe, le travail de G. Allaire et S. Guti´errez [4]. Avant de passer `a l’extension de ces id´ees au cas de l’homog´en´eisation stochas- tique, nous d´ecrivons une variante du cadre classique pour l’homog´en´eisation sto- chastique. Ce mod`ele al´eatoire peut ensuite ˆetre d´eclin´e en une version faiblement stochastique que nous avons ´etudi´ee.
1.4.1
Diff´eomorphisme al´eatoire
La th´eorie de l’homog´en´eisation stochastique a ´et´e d´evelopp´ee dans le cadre standard expos´e dans la section pr´ec´edente. Dans [19, 20], X. Blanc, C. Le Bris et P.L-Lions ont ´etudi´e un mod`ele alternatif. Dans l’´equation (1.1), la matrice Aε est
maintenant d´efinie par
Aε(x) = Aper Φ−1x ε, ω , (1.23)
o`u Aper d´esigne une matrice p´eriodique et Φ est un diff´eomorphisme al´eatoire dont
le gradient est suppos´e stationnaire au sens de (1.12). L’id´ee est donc de repr´esenter un mat´eriau parfait (p´eriodique) deform´e de mani`ere al´eatoire. Comme exemple d’application, on peut penser `a un mat´eriau composite, dont les fibres occupent des positions al´eatoires.
On remarque que Φ n’´etant pas lui-mˆeme suppos´e stationnaire, il n’y a aucune raison pour que Aε ne le soit. N´eanmoins, pour cette famille de champs al´eatoires,
les auteurs ont montr´e dans [19], qu’on dispose d’une caract´erisation explicite de la matrice homog´en´eis´ee. Ainsi, on a
[A⋆]ij = ER
Φ(Q,·)(ei+∇wei(y,·)) T
Aper(Φ−1(y,·)) ej+∇wej(y, ω)
dy detER
Q∇Φ(y, ·)dy
,
o`u, pour tout p ∈ Rd fix´e, w
p est l’unique solution dans Hloc1 (Rd, L2(Ω)), d´efinie `a
Fig. 1.1 – Un exemple de petite d´eformation al´eatoire. A gauche, le mat´eriau p´eriodique de r´ef´erence Aper. A droite, le mat´eriau d´eform´e Aper◦ Φ−1 avec Φ de la
forme (1.25) et η = 0.05.
divAper Φ−1(y, ω)
(p +∇wp) = 0, wp(y, ω) = ewp Φ−1(y, ω), ω
, ∇ ewp est stationnaire au sens de (1.12),
E Z Φ(Q,·)∇w p(y,·)dy = 0. (1.24) Il convient de remarquer `a nouveau que wp est solution d’un probl`eme pos´e
sur Rd tout entier. Mais ce n’est pas ici la seule difficult´e. En effet, sous cette
forme, l’´equation (1.24) ne fait pas intervenir de quantit´e stationnaire. Ceci a pour cons´equence l’impossibilit´e d’utiliser en l’´etat la proc´edure de troncature issue de [23]. En d’autres termes, il faut proposer une nouvelle approximation A⋆
N de A⋆ et red´emontrer le cas ´ech´eant la convergence de A⋆N vers A⋆. Une telle
approximation a ´et´e propos´ee dans [P1] (cf Chapitre 6).
1.4.2
Cadres perturbatifs
Nous avons donc vu ci-dessus deux cadres pour l’homog´en´eisation sto- chastique : le cas o`u Aε(x) = A(x/ε, ω) avec A stationnaire, et le cas o`u
Aε(x) = A
per(Φ−1(x/ε, ω)) o`u Φ est un diff´eomorphisme a´eatoire. Ces deux cadres
admettent une version faiblement stochastique que nous d´ecrivons maintenant. Dans le cas stochastique, la premi`ere occurence d’un mod`ele perturbatif pour l’homog´en´eisation se trouve `a notre connaissance dans [19]. Rappelons que, dans ce contexte, la forme de Aε est donn´ee par :
Aε(x, ω) = Aper Φ−1x ε, ω ,
o`u Φ est un diff´eomorphisme al´eatoire. Si Φ = Id, alors on est revenu au cas p´eriodique et A⋆ est simple `a calculer. Un cas int´eressant est alors celui o`u Φ est
une petite perturbation al´eatoire de l’identit´e. Dans [20], les auteurs consid`erent le cas o`u
Φη(x, ω) = x + ηΨ(x, ω) + O(η2), (1.25)
o`u le d´eveloppement vaut dans un espace `a pr´eciser. Sous ces hypoth`eses, on montre que (cf [19]) la matrice homog´en´eis´ee A⋆
η poss`ede un d´eveloppement limit´e en le petit
param`etre η
A⋆η = A⋆per+ ηA⋆1+ O(η2), (1.26) o`u A⋆
per est la matrice homog´en´eis´ee associ´ee `a la matrice Aper, facile `a calculer.
Le point crucial est que la d´efinition de la matrice A⋆
1 fait intervenir une fonction
d´eterministe, solution d’un probl`eme d´eterministe pos´e sur Q = (0, 1)d, et non plus
sur Rd comme c’´etait le cas pour le correcteur exact. Plus pr´ecis´ement
[A⋆1]ij = − Z Q E(divΨ)A⋆ per ij + Z Q (ei+∇w0ei)TAperejE(divΨ) + Z Q ∇w1 ei − E(∇Ψ)∇wei0 T Aperej, (1.27) o`u w1
p est la solution Q-p´eriodique (unique `a une constante pr`es) du probl`eme
−div Aper∇w1p
= div −AperE(∇Ψ) ∇w0p
− div (E(∇ΨT)− E(divΨ)Id) A
per(p +∇wp0)
. (1.28) La r´esolution de (1.28) est incomparablement moins coˆuteuse que celle du probl`eme des correcteurs stochastiques car ce probl`eme est d´eterministe et pos´e sur le do- maine born´e Q. La caract´erisation de la matrice homog´en´eis´ee devient effectivement explicite au premier ordre en η, au sens o`u elle ne fait intervenir que des quantit´es ais´ement calculables en pratique.
Dans le cadre classique de l’homog´en´eisation stochastique, la transcription des id´ees issues de [20] consiste `a choisir
Aεη(x) = Aper x ε + ηA1 x ε, ω + O(η2). (1.29)
On trouvera dans [P3] une justification rigoureuse du fait, que dans ce cas la matrice homog´en´eis´ee poss`ede ´egalement un d´eveloppement en η
A⋆η = A⋆per+ ηA⋆1+ O(η2), avec cette fois
[A⋆1]ij = Z Q eTi Aperw1ej + Z Q eTi E(A1)∇w0 ej + ej et −div A ∇w1 p = div E (A1) (p +∇w0p) . (1.30)
A nouveau le calcul au premier ordre revient `a calculer les fonctions d´eterministes w1
p et wp0, solutions de probl`emes pos´es sur la cellule Q.
Un cadre voisin du pr´ec´edent a ´et´e ´etudi´e dans une s´erie d’articles par A. Anan- tharaman et C. Le Bris (cf les articles [7–9] et le Chapitre 2 pour une introduction). Il s’agit d’autoriser des d´eformations rares mais d’amplitudes potentiellement importantes du mat´eriau de r´ef´erence associ´e `a Aper. La mani`ere pr´ecise de traduire
cette intuition d´epend de l’espace fonctionnel au sein duquel est suppos´e valoir le d´eveloppement de Aε
η. Pour certains choix d’espaces, on sait que la matrice
homog´en´eis´ee exacte poss`ede un d´eveloppement limit´e en η, dont le premier terme
et les suivants sont peu coˆuteux `a calculer.
1.4.3
Les contributions de la Partie II
Dans le cadre de cette th`ese, nous nous sommes concentr´es sur les cadres perturbatifs associ´es au cadre standard de l’homog´en´eisation stochastique (ex- pression (1.29)) ainsi qu’`a sa variante introduite dans [19, 20] (expressions (1.23) et (1.25)) . Dans les deux cas, on sait que la matrice homog´en´eis´ee exacte admet un d´eveloppement limit´e en η du type (1.26), dont les deux premiers termes sont simples `a calculer, car ils font intervenir une ´equation aux d´eriv´ees partielles d´eterministe pos´ee sur un domaine de petite taille Q. On a donc r´ealis´e un gain important de coˆut calcul si le d´eveloppement `a l’ordre 1 en η de A⋆
η est suffisamment
pr´ecis.
V´erifier cette hypoth`ese en pratique implique l’introduction d’une m´ethode d’approximation pour le calcul de w1
p qui permet d’acc´eder `a une approximation
w1,h
p (type ´el´ements finis) de w1p. On calcule donc in fine un terme A ⋆,h
1 qui n’est pas
le premier terme du d´eveloppement en η de la matrice A⋆ η (A
⋆,h
1 est seulement une
approximation de A⋆
1 convergente quand h → 0). Pour v´erifier num´eriquement la
pertinence du d´eveloppement en η, on est donc amen´e `a trouver une approximation num´erique de A⋆
η coh´erente avec celle employ´ee pour approximer w1p et A⋆1. Or une
telle approximation est, comme nous l’avons vu plus haut, n´ecessairement stochas- tique. La cons´equence de cette discussion est la suivante : v´erifier num´eriquement la validit´e du d´eveloppement au premier ordre en η de la matrice homog´en´eis´ee
exacte A⋆
η conduit `a analyser l’erreur au deuxi`eme ordre d’une approximation
al´eatoire de cette matrice. Nous n’avons a priori aucune information sur cette quantit´e. En particulier nous ignorons le comportement de sa variance lorsque η→ 0. Le Chapitre 6 examine ce probl`eme dans le cadre du mod`ele issu de [19, 20]. La matrice A⋆
probl`eme (1.24). On d´efinit ainsi A⋆,ηh,N ij(ω) = 1 |QN| Z QN det(∇Φη) ei+ (∇Φη)−1∇ eweih,N T Aper(ej+∇ ewejh,N) det 1 |QN| Z QN∇Φ η , (1.31) o`u ewh,N ei est solution de Trouver ewh,N p (·, ω) ∈ V per
h (QN) tel que, pour tout evh ∈ Vhper(QN),
R QNdet (∇Φη) (∇evh) T (∇Φη)−TAper p + (∇Φη)−1∇ ewph,N(·, ω) = 0 p.s. (1.32) et Vhper(QN) est l’ensemble des fonctions d´efinies sur Rd, QN-p´eriodiques dont la
restriction `a QN appartient `a un espace d’´el´ements finis p´eriodiques construit sur
un maillage ad´equat. Notre objectif est de juger de la qualit´e du d´eveloppement limit´e. Pour ce faire, on est tent´e de s’int´eresser `a la variance des composantes de la matrice
η−2 A⋆,ηh,N − A⋆
per− ηA⋆1,h
.
Dans [P1] nous expliquons pourquoi il ne faut pr´ecis´ement pas consid´erer cette quantit´e. En effet, nous annon¸cons dans [P1] un r´esultat qui trouvera dans [P6] (voir Chapitre 7) sa forme d´efinitive : la matrice A⋆,ηh,N, obtenue apr`es troncature et discr´etisation ´el´ements finis, poss`ede elle-mˆeme un d´eveloppement limit´e en la variable η :
A⋆,ηh,N(ω) = A⋆per,h+ ηA⋆1,h,N(ω) + O(η2).
Nous montrons num´eriquement sur un exemple relativement simple que la variance du terme en O(η2) dans le d´eveloppement ci-dessus est la quantit´e `a laquelle il faut
s’int´eresser et qu’en outre elle est bien born´ee quand η → 0. Ceci l´egitime l’usage de l’approximation au premier ordre de la matrice A⋆
η. La v´erification th´eorique de
ce r´esultat est l’objet du Chapitre 7. Celui-ci d´emontre comment sous certaines hypoth`eses relatives au d´eveloppement de la matrice Aεη, le terme d’ordre 2 est effec-
tivement born´e ind´ependamment des param`etres h et N associ´es `a la discr´etisation num´erique. Ceci confirme les r´esultats num´eriques du Chapitre 6 et prouve que le cadre perturbatif est conserv´e dans le passage aux quantit´es discr´etis´ees, seules accessibles `a la pratique num´erique.